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Spinoza: Le rire et la joie

Publié le 18/04/2009

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spinoza
«Entre la moquerie (que, dans le corollaire 1, j'ai dite être mauvaise) et le rire, je fais une grande différence. Car le rire, tout comme la plaisanterie, est une pure joie ; et par suite, à condition qu'il ne soit pas excessif, il est bon par lui-même (selon la proposition 41). Et ce n'est certes qu'une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir. Car, en quoi convient-il mieux d'apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie ? Tels sont mon argument et ma conviction. Aucune divinité, ni personne d'autre que l'envieux ne prend plaisir à mon impuissance et à ma peine et ne nous tient pour vertu les larmes, les sanglots, la crainte, etc., qui sont signes d'une âme impuissante. Au contraire, plus nous sommes affectés d'une plus grande joie, plus nous passons à une perfection plus grande, c'est-à-dire qu'il est d'autant plus nécessaire que nous participions de la nature divine. C'est pourquoi, user des choses et y prendre plaisir autant qu'il se peut (non certes jusqu'au dégoût, car ce n'est plus y prendre plaisir) est d'un homme sage. C'est d'un homme sage, dis-je, de se réconforter et de réparer ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables prises avec modération, et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux du gymnase, des spectacles, etc., dont chacun peut user sans faire tort à autrui. Le corps humain, en effet, est composé d'un très grand nombre de parties de nature différente, qui ont continuellement besoin d'une alimentation nouvelle et variée, afin que le corps dans sa totalité soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature, et par conséquent que l'esprit soit aussi également apte à comprendre plusieurs choses à la fois. C'est pourquoi cette ordonnance de la vie est parfaitement d'accord et avec nos principes et avec la pratique commune.» Spinoza, Ethique, IVe partie, scolie de la proposition 45

Dans le 1er §, Spinoza dénonce la conception ordinaire de la sagesse, selon laquelle, il faut renoncer à tous les plaisirs et vivre dans l'austérité. Cette conception est la conception chrétienne, elle "interdit de prendre du plaisir" car le plaisir est associé à la luxure, qui est le contraire de la tempérance, vertu cardinale c’est à dire nécessaire au salut de l'âme. Spinoza juge sévèrement cette conception selon laquelle, il faudrait vivre dans la tristesse. Pour lui, personne, pas même un être suprême, ne peut recommander cette conception puisqu'en éprouvant de la tristesse, on s'éloigne de notre puissance d'agir, on devient "impuissant", on n'agit pas selon notre nature. Dieu ne peut pas prendre plaisir à mon absence de plaisir. Ce serait avoir une fausse image de lui, une conception dégradante de la divinité qui est forcément omnisciente, toute puissante et parfaite. Au passage, Spinoza dénonce le fait que l’on associe le rire à la figure du diable, et le s’élève contre le préjugé finaliste qui nous fait concevoir l'action de Dieu sur le mode de l'action humaine. Seule une créature moins parfaite que Dieu peut prendre plaisir au déplaisir d’autrui. Aussi évoque t-il un autre péché capital, l’envie, pour stigmatiser ceux qui prônent cette conception de la sagesse. L’envieux éprouve du plaisir à la vue des passions tristes, et de la tristesse à la vue des passions joyeuses, chez autrui, c'est-à-dire transmuter les valeurs.  

spinoza

« puissance d'agir, sans faire de tort à autrui ou à soi même.

Il faut en effet savoir se modérer, user des choses avecmesure, ne pas aller "jusqu'au dégoût", ce qui suppose une connaissance de soi puisqu'il faut savoir jusqu'où allerdans la satisfaction de ses désirs.

Tous les plaisirs sont naturels.

Seul n'est pas naturel l'excès de plaisir.

Comblerces différents plaisirs demandés par le corps concourt à la perfection du tout de notre corps : notre puissance nepeut être totale que si notre corps est comblé.

Un besoin est un manque, donc une imperfection. Conclusion Le plaisir n'est pas en soi répréhensible, il faut le rechercher comme un bien car il nous rend plus puissant, plusparfait et plus sage.

Etre sage ce n'est pas rejeter les plaisirs comme le font les religions du Livre, mais c'estprendre du plaisir en usant des choses avec modération.

L'idéal de vie prôné par Spinoza est raisonnable, nonseulement au sens de modéré, mais aussi au sens de fondé en raison.

En effet, selon Spinoza, pour choisir ce quiest bon pour lui, utile à l'accroissement de son essence, telle qu'elle est présente dans l'esprit de Dieu, et rejeter cequi diminue sa puissance, l'homme doit utiliser sa raison. Intérêt philosophique L'intérêt philosophique de ce texte est tout d'abord de montrer que pour Spinoza, aucune passion n'estintrinsèquement bonne ou mauvaise.

Il n'y a pas de bien ou de mal (de morale) mais seulement du bon et dumauvais (de l'éthique).

Est bon ce qui nous augmente notre puissance et provoque la joie, mauvais ce qui diminuenotre puissance et occasionne la tristesse.

Sera dit bon celui qui s'efforce, autant qu'il est en lui, de s'unir à ce quiconvient avec sa nature.

Sera dit mauvais, celui qui vit au hasard des rencontres, se contente d'en subir les effets,quitte à gémir et à accuser chaque fois que l'effet subi se montre contraire et lui révèle sa propre impuissance.

Cesmodes d'existence immanents, cette éthique, remplace la Morale qui est elle transcendante.

Nietzsche développeracette thèse, en affirmant que la morale est le produit d'une inversion des valeurs qui a transformé le " bon " en " Mal" et le " mauvais " en " Bien ".

Pour lui, à l'origine tout ce qui était fort sur le plan vital était déclaré " bon " et toutce qui était faible déclaré " mauvais ", mais les faibles se sont emparé du pouvoir et ont transformé le sens desconcepts.

Les juifs et les chrétiens sont les grands instruments de cette "transmutation des valeurs" qui a changé laface du monde en organisant le triomphe des forces réactives sur les forces actives, de la faiblesse sur la force, duressentiment et de la volonté de vengeance sur l'ivresse de la joie et la volonté de puissance. Ensuite ce texte montre que l'éducation de Spinoza s'est faite au contact permanent des grands auteurs grecs.

Laphilosophie de Spinoza est ainsi proche de celle des stoïciens dans la mesure où, pour lui, Dieu et la Nature ne fontqu'un, tout se produit donc par nécessité (d'où l'importance de faire face aux évènements en gardant son calme),et il distingue le déterminisme selon qu'il est interne ou externe.

Néanmoins comme Sénèque, il développe ici desthèses proches de l'épicurisme en affirmant que la sagesse n'est pas dans la tristesse mais dans le plaisir (mesuré)et en défendant un idéal de vie fondé en raison.

De plus comme Aristote, il prône un juste milieu, dans la mesure oùtous les plaisirs sont bons à prendre, sans distinction, à partir du moment où on en fait un usage modéré. Enfin ce texte introduit la politique libérale prônée par Spinoza.

Sachant que le despote appuie son pouvoir sur lespassions tristes jusqu'à déshumaniser les hommes, et l'Etat rationnel établit sa puissance sur les affects joyeux,propices au développement de la raison, c'est-à-dire de la liberté, l'essentiel pour lui, est de savoir quel typed'affect anime les citoyens.

La cité conforme aux exigences de la raison devant laisser chacun rechercher ce qui estutile au développement de son essence, la fin de l'Etat est donc la liberté, et la cité idéale, la cité de la joie.. »

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