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Suffit-il de se sentir libre pour être libre?

Publié le 27/01/2005

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Ainsi dans Les caves du Vatican, on voit le personnage Lafcadio accomplir un acte « sans raison ni profit », un meurtre immotivé, celui d'Amédée Fleurissoire, rencontré dans un train. Mais, en fait, cet acte a pour but de prouver à Lafcadio sa liberté. Il n'est donc pas gratuit puisqu'il est déterminé par le désir d'accomplir un acte gratuit. En outre, qui peut juger de la gratuité d'un acte sinon celui qui le commet ? Or celui-ci, même s'il a le sentiment intérieur d'agir gratuitement, peut ignorer les véritables déterminations insensibles ou inconscientes de son acte.C'est dans ce sens que Leibniz, dans ses Essais de Théodicée', affirme que la liberté d'indifférence est une pure fiction. Le cas de l'âne de Buridan, dit-il, est une fiction « qui ne saurait avoir lieu dans l'univers, dans l'ordre de la nature ». Il y aura toujours bien des choses « dans l'âne et hors de l'âne, quoiqu'elles ne nous paraissent pas, qui le détermineront à aller d'un côté plutôt que de l'autre ». Il en est de même pour l'homme qui, quoique libre, ce que l'âne n'est pas, ne saurait se trouver dans le « cas d'un parfait équilibre entre deux partis ». Et seul un ange ou Dieu pourrait toujours rendre raison du parti que l'homme a pris, « en assignant une cause ou une raison inclinante qui l'a porté véritablement à le prendre ».

« Ainsi — pour Leibniz — quoique l'homme se décide à faire, quel que soit le choix auquel il s'arrête, c'est toujours en lui la raison la plus forte qui l'y détermine.

Or cette raison a une cause etcette cause a nécessairement à son tour une autre cause et ainsi de suite.Cette chaîne sans fin des causes est ce qui nous met souvent dansl'ignorance de la raison de nos actes.Une liberté se déterminant sans raison est donc une absurdité.

Aussi absurdeest une liberté s'affirmant par le choix de l'erreur ou du mal puisqu'elle le faitpour cette raison que c'est un bien de témoigner ainsi de sa puissance.

Il y adonc une raison pour se déterminer contre la raison, de sorte que le choix esttoujours déterminé.

Il faut donc s'en tenir au principe de raison suffisante quiveut que « rien n'est sans raison».Et s'il est vrai que nous ne sommes pas toujours conscients des véritablesdéterminations de nos actes, l'affirmation de la liberté à partir du sentimentintérieur que nous en avons se révèle illusoire.Pour Spinoza, le libre arbitre est en effet une illusion : « Les hommes...

setrompent en ce qu'ils peuvent être libres; et cette opinion consisteuniquement pour eux à être conscients de leurs actions, et ignorants descauses par lesquelles ils sont déterminés.

L'idée de leur liberté c'est doncqu'ils ne connaissent aucune cause à leurs actions.

» LA LIBERTÉ ET L'ILLUSION"Les hommes se croient libres parcequ'ils ont conscience de leurs volitionset de leur appétit, et qu'ils ne pensent pas, même en rêve, aux causes qui lesdisposent à désirer et à vouloir, parce qu'ils les ignorent." Spinoza, Éthique, I,Appendice, 1677. L'homme se croit libre parce qu'il est conscient de ses désirs mais le plussouvent il est incapable de justifier rationnellement ses actes.

De ce fait, saliberté est illusoire.

Cependant, cela ne signifie pas que l'être humain estabsolument déterminé.

Pour Spinoza, il ne s'agit pas d'imposer une rationalitétriomphante mais de démontrer que la liberté telle qu'elle est conçuehabituellement est un sentiment et non une connaissance, tout en suggérantque seule la conscience de la passion peut conduire le sujet vers uneauthentique liberté. « La principale perfection de l'homme est d'avoir un libre arbitre, et [...] c'est ce qui le rend digne de louange oude blâme.

» Descartes, Principes de la philosophie, 1644. « Si à un instant la roue du monde s'arrêtait et qu'il y eût là une intelligence calculatrice omnisciente pour mettreà profit cette pause, elle pourrait continuer à calculer l'avenir de chaque être jusqu'aux temps les plus éloignés etmarquer chaque trace où cette roue passera désormais.

» Nietzsche, Humain, trop humain, 1878. « Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommessont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent.

» Spinoza, Lettre à Schuller, 1674. Pour Spinoza, l'illusion du libre arbitre vient du fait que les hommes sont tout à fait conscients de leurs actions, maisqu'ils ignorent les causes qui les déterminent. « C'est par l'effet de [la] volonté éternelle et primitive [de Dieu] que tous les animaux se meuvent selon leur librearbitre, et que l'homme a le pouvoir de faire tout ce qu'il veut, ou tout ce qu'il préfère d'entre les actions dont il estcapable.

» Maimonide, Le Guide des égarés, xiie s. Le libre arbitre désigne primitivement la faculté qu'aurait l'homme de pouvoir choisir (arbitrer) entre deux actionslibrement, c'est-à-dire indépendamment de toute contrainte externe, sans autre cause que le vouloir lui-même. « On dirait que [la plupart de ceux qui ont parlé des sentiments et des conduites humaines] conçoivent l'homme. »

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