Suis-je ce que j'ai conscience d'être ?
Publié le 21/09/2012
Extrait du document
«
démarche, un moi qui doute, autrement dit qui pense — conscience de soi comme connaissance de
la nature de soi, qui est res cogitans , une substance qui pense.
Ainsi, ce que j’ai conscience d’être spontanément, à savoir un corps et une âme subtile, je ne
le suis pas authentiquement ; philosopher est nécessaire pour passer de l’évidence naïve et
trompeuse, de ce que je m’imagine être, à l’évidence philosophique de ce que je suis réellement.
Ce
que j’ai conscience d’être, après avoir douté, à savoir « une chose pensant », je le suis réellement ; ce
moi n’est ni un corps ni une âme mystérieuse, il est pure pensée ; et à cette pensée consciente sera
reconnu le pouvoir de gouverner le corps sans être assujetti à lui, autrement dit, un libre arbitre.
Aussi je suis ce que j’ai conscience d’être en tant que conscience philosophique de soi et je ne suis
pas ce que j’ai conscience d’être comme conscience spontanée de soi.
La conscience peut faire erreur
sur ce qu’elle est, mais elle seule peut le savoir, en prenant justement conscience de sa véritable
nature.
La conscience philosophique de soi est connaissance vraie de soi, qui nous arrache aux
illusions de la conscience naïve de soi.
Mais cette conscience de soi par soi n’est-elle pas productrice de nouvelles illusions sur soi ?
De facto , connaître ce que je suis dans mon essence, ma nature, comme être conscient et savoir que
je suis, que j’existe ne forme pas une totalité unificatrice.
En effet, la conscience de soi — de ma
nature, de mon existence, n’implique pas nécessairement la connaissance de qui je suis.
De la
connaissance que j’existe, il n’en découle pas que je sais qui je suis.
La conscience de soi, loin d’être
la connaissance de soi, n’est-elle pas méconnaissance de soi ?
La conscience de soi n’est-elle pas in fine l’ignorance de soi ?
Ce dont, j’ai conscience, dit Spinoza, c’est de ce que je veux, désire et fais, mais non des causes
réelles qui expliquent ce que je veux, désir et fais.
« Les hommes, déclare-t-il, sont conscients de
leurs actions et ignorent les causes par où ils sont déterminés ».
Conséquemment : les l’hommes
s’imaginent qu’ils sont libres, c’est-à-dire qu’ils attribuent à la conscience le pouvoir d’être cause
première de leurs actions parce que les causes réelles de celles-ci leur échappent.
« Les hommes,
écrit Spinoza, quand ils disent que telle ou telle action du corps vient de l’âme, qui a un empire sur le
corps, ne savent pas ce qu’ils disent et ne font rien d’autre qu’avouer en un langage spécieux leur
ignorance de la vraie cause d’une action qui n’excite pas en eux l’étonnement ».
( Éthique , III, 2).
Mais, ajout-t-il « les décrets de l’âme ne sont rien d’autre que les appétits eux-mêmes et
varient en conséquence selon la disposition variable du corps ».
Dès lors, ceux « qui croient qu’ils
parlent, ou se taisent, ou font quelque action que ce soit, par un libre décret de l’âme, rêvent les yeux
ouverts » ( Ibid.
).
Ainsi non seulement, je ne suis pas ce que j’ai conscience d’être, mais aussi et
surtout la conscience de soi roule sur la méconnaissance de soi.
Certes, je sais ce que je fais, je sais
même les effets de mes actions, mais j’ignore foncièrement pourquoi j’ai agis ainsi.
Ce n’est pas parce
que je suis l’acteur de mes actions que j’en suis nécessairement l’auteur.
Bien souvent les motifs de
nos actions ne sont que des alibis qui viennent nous déculpabiliser.
Mais plus profondément, si je
sais que c’est moi qui pense et agis, j’ignore les raisons de mes pensées et de mes actions.
Ma conscience est ainsi faite qu’elle prend conscience d’elle-même comme conscience libre.
Mais c’est là une illusion qui repose sur l’erreur de croire que « l’homme dans la Nature est comme
un empire dans l’empire » ( Ibid., III), une sorte d’exception, un être capable de se soustraire aux lois
de l’univers, susceptible de se gouverner par soi-même, alors qu’en vérité « nous agissons par le seul
geste de Dieu » ( Ibid , § 49) : Dieu, c’est-à-dire pour Spinoza, la nature, la totalité rationnelle et
nécessaire de ce qui est, dont nous participons.
Toutefois, Spinoza nomme sage celui qui a, « par une certaine nécessité éternelle, conscience
de lui-même, de Dieu et des choses » ( Ibid, V, § 42), qui comprend la parfait nécessité du Tout, qui, en.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Commentaire Texte Bergson L'évolution créatrice, l'élan vital et la conscience
- expose sur la conscience
- La conscience de soi suppose-t-elle autrui ?
- LA CONSCIENCE (résumé)
- La conscience me fait-elle connaître que je suis libre ?