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Suis-je vraiment autre qu'autrui ?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

On remarquera que nos deux corps sont séparés par une distance matérielle : l'étendue dans laquelle ils 'inscrivent est définie comme partes extra partes, c'est-à-dire comme juxtaposition de parties dont chacune occupe un espace interdit aux autres. En ce sens, je suis vraiment autre que lui : autrui et moi sommes séparés, distincts, tout comme, selon les mots de Sartre dans L'être et le néant, «  cet encrier est distinct de ce livre, c'est-à-dire qu'on ne peut concevoir aucune présence immédiate de l'un à l'autre ». Dans de telles conditions, comment rendre possible une communication entre nos deux âmes ?   c)      ...et de par ma pensée Si seule ma propre conscience est l'objet d'une certitude immédiate, il s'ensuit que, pour n'être pas autre qu'autrui, pour lui être identique ou au moins semblable, il faudrait que je sois en mesure d'éprouver sa conscience avec au moins autant d'évidence que celle avec laquelle j'éprouve la mienne ; en un mot, il faudrait que je sois moi-même cette conscience, ce qui contredit d'emblée la définition d'autrui (autrui ne serait plus alter ego, mais ego seulement). Je suis, en tant que substance pensante et non étendue, absolument distinct d'autrui.   Transition : ·         On vient de voir en quoi le « Je » est par définition absolument autre qu'autrui : nos esprits autant que nos corps ne peuvent entretenir de rapports directs. ·         Cependant, on voit aussi qu'une telle thèse me condamne à la solitude. ·         Or, l'expérience quotidienne atteste que j'ai l'assurance d'être en contact avec des êtres qui possèdent comme moi la faculté de penser. Je ne suis pas radicalement isolé d'autrui.

Remarques sur l’intitulé du sujet :

·         « suis-je « indique clairement l’enjeu du sujet : en demandant si « je « = ceci ou cela, on questionne ce qui fait l’identité de chacun, ce qu’est le Moi.

·         L’adverbe « vraiment « indique qu’il s’agit d’établir une certitude [comme quand on demande à quelqu’un « a-t-il vraiment fait cela ? « ; on manifeste son étonnement, son incrédulité tant le fait rapporté semble difficile à admettre, reconnaître comme vrai]

·         Aussi le présupposé du sujet est le suivant : je suis autre qu’autrui ; mais tout le problème est de savoir si je le suis vraiment, « pour de bon «, si cette altérité est réelle, si elle est irréductible.

·         Car si tel est le cas, ne suis-je pas condamné à la solitude, au sens où autrui et moi n’aurions strictement rien en commun ?)= Enjeu (Le pronom « nous « a-t-il encore un sens ?)

·         Autrement dit, on nous demande de discuter le présupposé du sujet, de montrer en quoi il ne va pas de soi ; aussi faudra-t-il veiller à bien l’expliciter : que signifie « être autre « et en particulier être « autre qu’autrui « ?

·         La plus grosse difficulté en effet vient de cette expression : « autre qu’autrui « ; si autrui est, par définition, celui qui n’est pas moi, celui que je ne suis pas, pourquoi demander si je suis vraiment autre que lui ? Que signifie « être autre « ? altérité = différence radicale ? différence de nature ? métaphysique ? logique ? Doit-elle être pensée sur le mode de la simple négation (l’autre comme ce qui n’est pas le même, le non-moi) ou bien a-t-elle une réelle positivité (l’autre = l’étranger, l’inconnu) ?

Problématique : Par définition, autrui est celui que je ne suis pas, et réciproquement, je suis autre qu’autrui. Cependant, cette thèse, aussi logique soit-elle, peut-elle être tenue « jusqu’au bout « ? Car, si tel est le cas, ne suis-je pas, de ce fait, condamné l’isolement[1] ? Autrement dit, suis-je vraiment autre qu’autrui ou avons-nous des points communs ? De quel ordre est alors la différence entre autrui et moi ?


[1] Isolé = proprement, qui est dans une île, comme dans une île. Désigne donc l’état de celui qui vît séparé de la société, de telle sorte qu’il ne peut absolument pas entrer en contact ou communiquer avec quelqu’un.

« a) Fondement anthropologique de la sympathie Selon le schéma à 4 termes mentionné précédemment, ma séparation avec l'autre repose sur un dualisme âme/corps.

Ainsi, pour expliquer que je ne suis pas autre qu'autrui au sens où nous serions séparés, que nouspouvons donc communiquer, il faut concevoir qu'une médiation, par-delà nos corps, entre nos esprits est possible.Tel est ce que fait Hume en élaborant son concept de sympathie. La définition humienne de la sympathie repose sur un présupposé anthropologique grâce auquel on peut comprendre que je ne sois pas inéluctablement coupé des autres.

Ainsi, l'intérêt de cette conception = je suisà la fois autre (je conserve ainsi mon individualité) et semblable (je ne suis pas coupés des autres).

Voyonspourquoi. Au travers de la sympathie, je communique avec autrui dans la mesure où autrui et moi sommes également des êtres passionnels : « les passions sont si contagieuses qu'elles [...] produisent des mouvements correspondants dans tous les corps humains ».Ainsi, je ne suis pas autre qu'autrui pour autant que celui-ci estcapable de m'affecter, c'est-à-dire de produire sur moi une impression sensible.

Comment se produit cette action ? b) Fonctionnement de la sympathie Hume dit bien que je ne suis pas autrui (nous ne sommes pas identiques), mais qu'en quelque sorte, je ledeviens .

Il ne nie pas que je sois autre qu'autrui, mais il soutient que les passions ressenties par le biais de la sympathie « opèrent sur nous en contrariant ou en augmentant nos passions exactement de la même manière ques'ils provenaient originellement de notre disposition et de notre tempérament ».

Ainsi, je ne suis plus autre qu'autrui lorsque celui-ci m'affecte. Il faut pour cela que j'interprète les signes sur le corps de l'autre .

Exple : larmes ; je me forme une idée de la cause de ces larmes (la tristesse) et, en même temps que se forme une idée du sentiment de l'autre, jeressens aussi une impression vive de moi-même : mon esprit établit un lien entre l'idée du sentiment et l'impressionqui correspond à ce sentiment déjà vécu et ainsi, se produit un transfert de vivacité de mon sentiment sur celui del'autre ; voyant l'autre pleurer, je suis triste comme autrui. Transition :· Si l'analyse de Hume a pour avantage de nous sortir du solipsisme cartésien (affirmation d'une solitude principielle de la conscience), elle a pour contrepartie la mise entre parenthèse de ce qui fait ma spécificité par rapport à autrui : pouvant me rapprocher de lui, je n'en suis plus distinct au sens où je ne suis plus vraiment moi (je deviens l'autre en quelque sorte).· Problème : Comment pourrais-je alors encore dire « Je » ? Que devient le « Moi » et son caractère unique, dans un « Nous » ?· Enjeu : Rapport de l'individuel au collectif = est-ce qu'autrui contribue à me définir essentiellement ? Puis- je conserver, au sein d'une communauté ou plus simplement, dans mon rapport à l'autre, monindividualité, sans pour autant m'isoler ? 3- UNE DIFFÉRENCE SPÉCIFIQUE ET NON GÉNÉRIQUE Il serait bienvenu ici de faire référence aux « repères » inscrits au programme : « genre-espèce-individu » : l'idée étant que la différence entre autrui et moi est accidentelle et non essentielle : en tant qu'homme, je ne suis pas vraiment autre qu'autrui (nous appartenons tous deux à un même genre) ; ce n'est doncqu'en tant qu'individu, je suis nécessairement autre qu'autrui.

En des termes aristotéliciens, je suis, pour autrui, « lemême en tant qu'autre ».

a) se penser autre qu'autrui : le propre d'une bête ou d'un dieu Aristote, Politiques , I, 2, 1252b-1253a : « Celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain »Je ne peux être vraiment autre qu'autrui que par hasard ; essentiellement , autrui et moi sommes hommes, et de ce fait je ne suis pas vraiment autre qu'autrui. Se poser comme radicalement autre = se poser comme étant de nature différente, d'une autre espèce (animal ou le dieu qui n'ont rien d'humain : le 1 er par absence d'intelligence ; le 2 nd par sa perfection) et en dernière analyse = se croire autosuffisant b) La différence entre autrui et moi est une construction théorique L'ego cartésien permet de se penser comme autre qu'autrui, mais cela au préjudice de la dimension politique ou sociale de l'homme.

Le « Je » de Descartes = un sujet métaphysique .

Or comment Descartes parvient-il à la saisie de soi ? En mettant volontairement en doute un certain nombre de propositions, et parmi elles, l'affirmation concernant l'existence des choses extérieures.

Conséquence = il n'est pas naturel de se penser autre qu'autrui ; il ne s'agit pas d'une attitude spontanée.

Le cogito a donc une certaine valeur pour penser la connaissance, mais non pour rendre compte des relations sociales qui caractérisent l'homme, « animal politique ».

[1] Isolé = proprement, qui est dans une île, comme dans une île.

Désigne donc l'état de celui qui vît séparé de lasociété, de telle sorte qu'il ne peut absolument pas entrer en contact ou communiquer avec quelqu'un.. »

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