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TAINE Hippolyte

Publié le 15/10/2018

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TAINE Hippolyte (1828-1893). Aujourd’hui, Taine est un mal-aimé. Les usuels purgatoires et discrédits posthumes prennent, dans son cas, des proportions peu communes. Rarement rééditées depuis plusieurs décennies, ses œuvres sont devenues introuvables; la place que lui concèdent manuels et histoires littéraires va se réduisant comme une peau de chagrin. Peu d'auteurs illustreraient davantage la distinction chère à Thibaudet entre situation et présence : on reconnaît à Taine une place dans l’évolution intellectuelle du xixe siècle français, on ne songe plus guère à le lire. A cela bien des raisons; la réaction de rejet des maîtres de la génération précédente est un phénomène naturel; Taine en aura pâti, mais plus que d’autres, et en proportion même de l’autorité qu’il avait su acquérir. Proscrit de l’Université, il n’en symbolise pas moins l’académisme universitaire, car le contenu de son œuvre correspond à celui de la culture scolaire de son siècle. Le sens politique de ses livres majeurs paraît ambigu : victime de l’Empire autoritaire, constant dans l’affirmation d’un libéralisme vigilant et inquiet, il aura fait l’objet, au prix de bien des ignorances et de contresens multiples, d’une « récupération » par les défenseurs de la tradition et par les tenants de l’ordre établi. Initiateur de disciplines nouvelles, de par sa situation médiane entre l’encyclopédisme romantique et la fragmentation des spécialités, il sera bien vite jugé à l’aune des progrès de ces mêmes disciplines : sociologue avant que la sociologie n’existe vraiment comme science indépendante, il apparaît englué dans la psychologie à tout lecteur de Durkheim et incorrigiblement « idéaliste » aux tenants de Marx. Résultat instable du volume oratoire et d’un vocabulaire approximatif, sa clarté trompeuse accrédite les soupçons de simplisme qui s'attachent à un touche-à-tout, à un vulgarisateur. La diversité de ses curiosités offre un éclatant exemple de pluridisciplinarité, mais qui décourage la recherche universitaire.

« che et exposition :l' induction sert à dégager des caractè ­ res généraux desq uels te sava nt doir , dans une seconde é tape, celle de l'expos ition, déduire la diver sité des cas concre ts.

ra tional isés dès l ors par ce parcour s conceptuel.

Procéd és logiq ues a pplicabl es à tous les domaines du rée l, et not amment à l'étude des œuvres de l'esprit humain, et qui définissent une conception formellement unitaire de la science.

Cette conception assure l'unité de l'œuvre, par-delà l'ex trême diversité des cent res d'intérêt :récits devoya­ ges et recueils d'observations constituent l es éléments d'une enquête dont les volumes plus co nstru its fournis­ sent l'exposition rationaüséc et qui, achevée, pourrait se présenter comme une hiérarchie de propositions et de co ncepts.

En critique , la « faculté maîtresse », qui perm et d'or donn er les traits des individualités créatrices, n'e st autre qu'une tran sposition de l'essence des logiciens; la comparaison des caractères des œuvres majeures d'une époque donnée permettra d'abstraire et d'induire un trait dominant , dont il s'ag ira ensuite de ventiler les sources et composantes historiques en faisane la part respective de la rac e, du milieu et du moment; contrairement à bien des interprétations fallacieuses, ces trois notion s repré sentent moin s de s facteurs effectifs que des points de vue, des perspectives s ur l'• état moral élémen tair e» d'une époque.

Ce ne sont pas des êtres en soi, ce sont des cadres de classeme nt.

Car le nominalism e philoso­ plllque de Taine permet de mieux co mp re ndre le sens de son œuvre critique cl historique : dans Je domaine de l'humain, pas plus que dans celui de la nature, les carac­ tèr es généraux n'ont d'existe nce autonome.

A ce nomi­ nal isme s'ajoute un véritable pragmatisme du concept : Taine choisit les traits qu'i l érige en caractéristique dominan te en rai son de leur expressivité significative b ien plus que de leu r générali té logique, anticip a nt sur la notion de « type idéal » analysée par Max Weber .

A ce parti pris l'o n doit une œuvre parcourue d'êtres de rai­ son, de personnages symboliques et stylisés .

Le sens de J'humain Cette critique de log ic ie n est aussi celle d'un psycho­ logue, car T aine ne méconnaît point la spécificité des f ait s cultu re ls et huma ins.

li traite les documents non en vestiges mais en messages et cherche les acteurs derrière les actions.

Son fonnalismc scie ntifique s'acc ompagne a insi d'u n sou ci et d'une prati q ue de l'herméneutique .

P ar-delà l a matérialité des faits et de s œuvres, l'interpré ­ ta tion psychologique permet de co mprendr e le sens des cond uites et le vécu de leurs acteu rs.

De là l'assouplisse­ ment des form ules déterministes dans lesquelles la posté ­ rité enfermera Tain e : plutôt que d'exp liquer les événe­ ments par les évé n ements, il cherche à comprendre les hommes en dégagean t leurs mobiles et leurs valeurs; il s'attache moins au" faits qu'à la manière dont les hom­ mes les int ériori sent.

Cet équ ilibre entre le scientisme et l'human isme fait de lui le p~re fondateu r des sciences humaines en même tem ps que l'artisan d'une extens ion du champ de la litt éra ture .

Car il n'oublie jamais d'être écrivain.

Sa logique est grosse d'une rhétorique à double postulation : dans la collecte des matériaux dominen t racco urcis, ellipses, intu ition s discontinues et images fulgurantes; dans la démonstration triomphent construction méthodique et amplification oratoire.

Son éclat sen t l'app rêt et trahit l'effort; ses perfec tions ne son t point sponta nées.

De là, peut-être, sa valeur pédagogique : du La Fontai ne et ses fables et de la Phil osoph ie de l'art on ti rerait aisémem la théorie du paragraphe, les e1temples d'un manuel de composition française et ln philo sophie du style d'idées.

Ce n'e st pa s là le moindre usage qu'on peut encore faire de ce grand prof esseur d'ordre.. »

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