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Tchouang-tseu

Publié le 22/02/2012

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Tchouang-tseu est un des trois fondateurs ou " Pères " du taoïsme. Le premier, Lao-tseu, est à demi légendaire, son Taô-tô-king est pourtant le livre fondamental toujours cité lorsqu'on veut remonter aux principes du taoïsme, bien qu'il soit très difficile à traduire, c'est-à-dire à interpréter, les deux choses allant de pair dans cette doctrine. Le troisième, Lie-tseu, dont l'existence historique n'est guère assurée, exprime des opinions assez peu cohérentes dans son oeuvre où la part d'interpolations a été difficilement délimitée par les sinologues. Le second est précisément Tchouang-tseu, sur lequel on a des données plus précises, qui a composé une oeuvre en partie plus authentique et dont l'expression est brillante et personnelle. Entre une personnalité mythique et laconique comme Lao-tseu et une personnalité peu authentique comme Lie-tseu, Tchouang-tseu fait figure définie et originale. Il est un peu l'équivalent oriental d'un grand apôtre qui posséderait intimement la croyance du fondateur de religion auquel il succéderait et dont il exprimerait la doctrine dans sa plénitude et sa clarté. Si tant est qu'on puisse comparer à un apôtre un aristocrate qui fait le contraire d'un apostolat, et à une religion une doctrine qui a commencé par être le contraire d'une religion.       Le taoïsme vu à travers Tchouang-tseu ne peut en effet se comprendre que par relation avec les croyances chinoises en général, et par opposition à la grande doctrine confucéenne.      

« les fourmis me dévoreront.

Si vous priviez les uns en faveur des autres, vous feriez preuve de partialité.

" Ces deux anecdotes biographiques donneront déjà une idée de l'homme et du sage, en tous points conforme à l'idéaltaoïste d'indifférence à la société et à la Nature.

L'oeuvre de Tchouang-tseu est divisée en trois sections : la première (livres I-VII) appelée " section intérieure " estun exposé ésotérique complet et authentique de la doctrine.

La seconde (livres VIII-XXII) ou " section extérieure "est composée de gloses dues au maître ou à ses disciples.

La troisième (livres XXIII-XXXIII) est faite de" mélanges " plus ou moins apocryphes.

Comme Lao-tseu H1146 , Tchouang-tseu croit en un Être absolument pur et inconnaissable.

Cet Être, qui est de nature irrationnelle et échappe à nos analyses, peut être appréhendé dans une vision synthétique de l'unité vivante de tous les êtres différenciés : le tao, dans lequel disparaîttoute différence et tout contraste, autrement dit toute relativité.

Le monde n'est pas irréel pour autant : " Jadis, une nuit, je fus un papillon, voltigeant, content de son sort.

J'avais oublié que j'étais Tchouang-tseu ; puis je me réveillai, étant Tchouang-tseu.

Qui suis-je en réalité ? Un papillon qui rêve qu'il est Tchouang-tseu, ou Tchouang-tseu quis'imagine qu'il fut papillon ? " Tout se transforme et rien ne demeure (comme chez Héraclite H022 ).

Mais il n'y a pas de métamorphose à proprement parler : ce n'est pas un homme qui devient papillon ni un papillon qui devient homme.

C'est une suite d'états instables.

Y a-t-il une différence réelleentre le papillon et Tchouang-tseu, ou une illusion de différence ? Tchouang-tseu a ceci de commun avec les autres philosophes chinois que son point de départ n'est pas pessimistecomme celui des Hindous.

Il s'ensuit que sa morale n'est pas ascétique.

L'homme, s'il est délivré, n'a pas besoin denier la vie.

La nature de l'homme est d'ailleurs aussi bonne que celle de l'univers, dans l'unité du tao.

Aussi n'a-t-onpas à se contraindre : le bien et le mal sont des distinctions qui n'ont de valeur que du point de vue de cette vie,mais qui n'en ont pas du point de vue du tao.

Et même il faut dire que " l'homme n'est pas bon parce qu'il pratique labonté et l'équité artificielles ; il est bon par l'exercice de ses facultés naturelles ; la bonté et l'équité artificielles mesont aussi odieuses que le vice et la dépravation ".

(VIII, D.) Il faut donc laisser agir la Nature, pratiquer le wou-wei (wou-wei signifie : non-agir, laissez-faire).

Avec les hommes, il faut user de modération, traiter tout de loin et de haut, sans entrer dans les détails ; de la patience, dela condescendance, et même du laisser-aller.

Pas de lâcheté la mort vaudrait mieux mais pas de courage non plus.L'inaction est toujours préférable à l'action, car elle conserve, l'action use.

Le wou-wei ne signifie pas qu'il faille donner libre cours aux passions ; seule est à préserver la partie céleste de l'homme, et celle-ci n'est connue que par l'intuition de " l'homme véritable ".

Pas d'autre critérium : l'existence del'homme véritable renferme la preuve même de la validité de ses opinions.

Les sages taoïstes n'ont jamais exprimé leur pensée d'une manière systématique ; ils ont toujours prodigué desparaboles enfermant des images saisissantes.

Tchouang-tseu, lui, parle d'une manière particulièrement poétique.

Voici quelques exemples de ses enseignements : " L'harmonie universelle provient de l'unité qui, en elle-même, est indéterminée comme le vent et ne produit pas deson, mais qui fait résonner différemment chaque chose.

Les hommes se trompent et prennent ces sons différentspour autant de différences essentielles ; en réalité " autant de sons nés du même instrument ", " autant dechampignons nés d'une même humidité " " Cette vérité, inutile de se donner de la peine pour l'exposer au vulgaire : imitons l'éleveur de singes qui, ayantmécontenté ceux-ci en leur disant : Je vous donnerai 3 taros le matin et 4 le soir, se ravisa : Je vous en donnerai 4le matin et 3 le soir, ce qui satisfit les singes.

" Le résultat de l'exercice taoïste sera une économie de la vie qui risque d'être gaspillée par l'esprit, comme uninstrument risque d'être abîmé par un maître insatiable.

" Un bon boucher découpe un boeuf sans effort parce qu'il ne pense qu'au principe du découpage, et non à l'objetdécoupé.

Il ne s'applique pas au détail et laisse le couteau glisser en évitant les parties dures.

Au lieu d'user uncouteau par mois comme les débutants, ou un par an comme les bouchers médiocres, il garde le même pendant desannées.

" Finalement, rien ne vaut l'inutilité car elle sauve : " En produisant des forêts, la montagne attire ceux qui ladépouilleront ; en laissant dégoutter sa graisse, le rôti active le feu qui le grille.

Le cannelier est abattu parce queson écorce est un condiment recherché.

On incise l'arbre à vernis pour lui ravir sa sève précieuse.

La presquetotalité des hommes s'imagine qu'être jugé apte à quelque chose est un bien.

En réalité, c'est être jugé inapte àtout qui est un avantage.

" La sagesse ne s'obtient pas du premier coup, et la facilité est difficile à acquérir.

Il ne faut pas non plus s'arrêter en chemin comme le faitConfucius L049 qui finit par être dépassé par un disciple ouvert à la vérité du tao :. »

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