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Tout ce qui est naturel est-il normal ?

Publié le 07/01/2004

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A ce titre, Durkheim souligne que le crime par exemple peut être qualifié de normal puisque se produisant régulièrement dans une société. C'est ici qu'il est possible de disjoindre normalité et norme : le crime ne répond pas aux normes d'une société, pour autant il est naturel et normal puisqu'il a une fonction dans celle-ci.   La norme s'oppose à la Nature   La norme exclut l'accident, pourtant « naturel »... : A considérer à présent la « normalité » au sens de « norme », il apparaît contradictoire d'associer ce terme aux productions naturelles : car une norme, c'est une règle par rapport à laquelle sont fixés les jugements de valeur. Le « canon » utilisé dans l'art classique écarte d'emblée les « accidents » produits par la Nature : les monstres, les anomalies et autres exceptions. Plotin, dans les Ennéades, souligne ainsi que la norme repose sur la beauté, alors que la laideur constitue un accident, une privation de matière absolue. Mais cette vision, profondément ancrée dans la tradition chrétienne, fait de la Nature un instrument de Dieu : à considérer la Nature comme une création non habitée par un esprit supérieur, on ne peut penser ses productions en termes de « valeurs ». La norme ou la domestication de la Nature : cette maîtrise de ce qui pourrait apparaître naturel par la norme est particulièrement visible dans les commandements religieux ou moraux : défendre de tuer, c'est extraire l'être humain de son animalité pour conférer à l'humanité une valeur supérieure. Il n'y a guère de « normes » dans les communautés animales puisqu'elles ne possèdent pas de conscience d'exister : la norme est également l'expression d'une distance réflexive vis-à-vis de ce qui est naturel ou inné. La règle constituée propose un modèle sans cesse réélaboré, bien loin de la conscience médiate de la Nature. Ainsi la norme que constitue l'établissement du Droit dans le Projet de Paix perpétuelle de Kant permet-il à l'homme de résoudre de manière pacifiste l'expression de son « insociable sociabilité » naturelle, non plus à travers le conflit, qui serait la réponse immédiate, mais dans une union de tous les esprits vers un projet plus haut, au sens où il a pour but ultime la sauvegarde des êtres.

 

Le sens commun qualifie le plus souvent une action ou une pensée qui lui apparaît dans l’ordre des choses en employant l’expression « c’est naturel «. Pourtant, en s’interrogeant sur la « normalité « de ce qui est ainsi qualifié, deux pistes diamétralement opposées s’offrent à nous : car ce qui est normal, au sens strict, doit s’apprécier de manière quantitative. Pourtant, il est fréquent de remarquer la contamination de ce jugement par le qualitatif, autrement dit la règle qui renvoie à une norme.

Ainsi, comment considérer les créations de la nature elle-même ou ce qui renvoie à l’absence d’acquis ? Comment serait-il possible de mesurer à la fois la « naturalité « de la chose quand elle renvoie à une pensée ou à un comportement si nous usons d’une norme pré-établie ? Serait-il même possible de penser ce qui a trait à la nature en termes de norme, alors que le mot renvoie le plus souvent à un fait culture ? Les enjeux de telles interrogations sont multiples, dans la mesure où il s’agit d’explorer des domaines d’étude aussi variés que les sciences naturelles, l’anthropologie et la sociologie. Ainsi sont questionnées tant la frontière entre nature et culture que la possibilité d’un arrachement à cette dualité.

« communautés animales puisqu'elles ne possèdent pas de conscience d'exister : la norme est également l'expressiond'une distance réflexive vis-à-vis de ce qui est naturel ou inné.

La règle constituée propose un modèle sans cesseréélaboré, bien loin de la conscience médiate de la Nature.

Ainsi la norme que constitue l'établissement du Droit dansle Projet de Paix perpétuelle de Kant permet-il à l'homme de résoudre de manière pacifiste l'expression de son « insociable sociabilité » naturelle, non plus à travers le conflit, qui serait la réponse immédiate, mais dans une unionde tous les esprits vers un projet plus haut, au sens où il a pour but ultime la sauvegarde des êtres. L'insociable sociabilité de l'homme «J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doubléepar une répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagrégercette société.» Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vuecosmopolitique (1784). • Kant dit bien la tension interne qui règne dans le tempérament humain et,du coup, dans la société.

D'un côté, les hommes tendent à s'associer, del'autre, ils y répugnent.

L'homme est ambivalent, et la société est traversée àla fois par des forces qui la maintiennent, et des forces qui la mettent endanger.• Cependant, l'effet de ces forces est, lui aussi, ambivalent.

Car Kant voitdans cet égoïsme naturel des hommes, dans leur vanité et leur désir dedomination, un aiguillon qui les pousse à développer leurs talents.

Sans cela,la société baignerait «dans une concorde, une satisfaction et un amourmutuel parfaits», qui serait, en fait, moins profitable à l'espèce que cetteémulation.

L'égoïsme a donc paradoxalement aussi son rôle à jouer dans ledéveloppement de la société. « L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plusqu'homme par le développement de ses dispositions naturelles.

Mais il manifeste aussi une grande propension à sedétacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout dirigerdans son sens ; et de, ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres.

C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte àsurmonter son inclination à la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, àse frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer.

L'homme aalors parcouru les premiers pas, qui de la grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la valeursociale de l'homme […] .

Sans ces qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes, source de larésistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient àjamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une satisfaction et unamour mutuel parfaits ; les hommes, doux comme des agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à l'existence plus devaleur que n'en a leur troupeau domestique […].

Remercions donc la nature pour cette humeur non conciliante pourla vanité rivalisant dans l'envie, pour l'appétit insatiable de possession ou même de domination.

Sans cela toutes lesdispositions naturelles excellentes de l'humanité seraient étouffées dans un éternel sommeil.

» Kant. L'éthique, entre nature et norme : puisqu'il est impossible à l'homme de museler définitivement ce qui lui est inné, comme les besoins, il convient d'examiner la question de la conduite de l'action en tentant de combiner l'aspirationvers une norme qui lui permet de dépasser sa condition première et la prise en compte de ces données « normales »au sens de naturelles.

La doctrine stoïcienne invite ainsi non pas à une négation absolue de ce qui nous parvient dela Nature, mais à une reconsidération de celle-ci via une éthique qui propose une distinction entre les désirs et lapossibilité de leur maîtrise.

La visée ultime en est l'ataraxie ou absence de troubles de l'âme : non pas immédiateténaturelle, mais constitution d'un juste équilibre entre édits naturels et norme spirituelle. Au terme de cette analyse, il apparaît que l'équivalence entre norme et normalité ne peut être conservée que dansun contexte sociologique, où la norme se traduit en terme de quantité et non de qualité.

Car à utilisé le terme de« normal » au sens de non pathologique, ce n'est qu'en conservant l'idée d'un entité créatrice supérieure d'un toutparfait que cette équivalence peut être sauvegardée : la Nature elle-même produit des « accidents », qui nepeuvent entrer dans l'acception de la « norme » au sens de règle ou de loi. Par ailleurs, à considérer la norme comme une règle supérieure qui permet à l'homme de s'arracher de sa conditionpremière, établir l'équivalence entre nature et normalité reviendrait à l'enfermer dans cette naturalité, réduisantl'usage de la liberté à néant.

C'est dans l'exercice d'un juste équilibre entre norme librement établie et ouverture auxlois de la Nature que se situe la possibilité d'envisager l'homme conscient de son existence.. »

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