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Tout le monde est il artiste?

Publié le 05/01/2005

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L'artiste, le travail et la rareté Il apparaît ainsi qu'il faille penser un statut exceptionnel de l'artiste : il est celui qui a un don particulier (il pourra être utile d'interroger les notions de « talent » ou de « génie »), et qui fournit, en plus de ce don, un travail difficile et exigeant, exigé par le fait que la création artistique passe en partie par des moyens techniques. On utilisera le texte de Nietzsche ci-dessous: Nietzsche, Humain trop humain CROYANCE A L'INSPIRATION. Les artistes ont intérêt à ce qu'on croie aux intuitions soudaines, aux prétendues inspirations ; comme si l'idée de l'oeuvre d'art, du poème, la pensée fondamentale d'une philosophie, tombait du ciel comme un rayon de la grâce. En réalité, l'imagination du bon artiste ou penseur produit constamment du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé, exercé, rejette, choisit, combine ; ainsi, l'on se rend compte aujourd'hui d'après les carnets de Beethoven, qu'il a composé peu à peu ses plus magnifiques mélodies et les a en quelque sorte triées d'ébauches multiples. Celui qui discerne moins sévèrement et s'abandonne volontiers à la mémoire reproductrice pourra, dans certaines conditions, devenir un grand improvisateur ; mais l'improvisation artistique est à un niveau fort bas en comparaison des idées d'art choisies sérieusement et avec peine. Tous les grands hommes sont de grands travailleurs. infatigables non seulement à inventer, mais encore à rejeter, passer au crible, modifier, arranger. Problématique: Ce texte se rapporte aux thèmes de l'art et de la création artistique. Le problème est de savoir si le génie est travail ou disposition innée. Le génie: labeur ou don ?

Par « tout le monde «, nous entendons l’ensemble des êtres humains, sans aucune distinction de quelque sorte que ce soit. Un artiste est un individu qui pratique cette activité singulière qu’est l’art. Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art « désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau. Aujourd’hui, par art nous entendons plutôt une activité créatrice gratuite, mais sérieuse, qui représente dans des œuvres un état de la sensibilité et de la pensée d’une époque, en s’opposant à la fois à la disgrâce qui frappe les activités techniques utilitaires, jugées serviles, et à la futilité des activités ludiques vouées au divertissement. Ni labeur, ni distraction, l’œuvre d’art incarne et suggère un sentiment de la vie. Si nous posons la question « tout le monde peut-il être artiste ? «, nous cherchons à déterminer si la qualité d’artiste peut être attribuée à n’importe qui pourvu qu’il le désire et qu’il fasse suffisamment d’efforts pour la mériter. Cette thèse peut nous apparaître douteuse et contestable dès le premier abord, dans la mesure où l’on a coutume de considérer que les artistes sont précisément des êtres qui ne sont pas comme « tout le monde «. En effet, un artiste est doté, nous semble-t-il, de caractéristiques qui font de lui un être à part : que l’on appelle cela du « talent « ou du « génie «, l’artiste est cet individu singulier dans la masse indistincte. Cependant, n’est-il pas erroné de faire de l’artiste l’individu qui possède naturellement des dons exceptionnels, de sorte que, pour détourner le mot de Simone de Beauvoir à propos des femmes, « On ne devient  pas artiste, on naît artiste« ? En effet, le génie ou le talent ne seraient-ils pas des caractéristiques acquises plutôt qu’innées, que tout le monde, avec suffisamment de volonté, pourrait obtenir ? La question que nous placerons au centre de notre réflexion sera de déterminer si la qualité d’artiste est innée, de sorte qu’elle ne peut être méritée par tout le monde, ou acquise, de sorte que tout le monde peut y prétendre.

« SAGREDO : Quelle différence ne devons-nous pas supposer entre la colombe d'Archytas et une colombe de lanature ? Kant ira plus loin encore en parlant du génie artistique comme d'un don de la nature.

Le terme « art » a pendant toute l'Antiquité et le Moyen Age, simplementdésigné la forme de la production artisanale.Ainsi, Platon oppose la « theôria », connaissance purement contemplative, ausavoir-faire lié à la production matérielle (« technè »).

Cette dernièreconcerne la production et se définit comme création:« Ce qui, pour quoi que ce soit, est cause de son passage de la non-existence à l'existence, est, dans tous les cas, une création; en sorte quetoutes les opérations qui sont du domaine des arts sont des créations, et quesont créateurs tous les ouvriers de ces opérations.» (« LE Banquet »).C'est pourquoi, pour Platon, les artisans sont tous poètes.

En effet, «poésie»signifie étymologiquement «faire», ce qui consiste essentiellement à faire êtrece qui n'était pas, c'est-à-dire à créer.Si la technique (ou l'art) est création, elle porte sur le contingent, c'est-à-dire sur ce qui peut aussi bien être que n'être pas.

C'est en cela que latechnique (ou l'art) s'oppose à la science.

Cette dernière porte, en effet, surdes essences idéales, c'est-à-dire éternelles et immuables.

On comprend, dèslors, que Platon, reconnaissant la fonction sociale de la technique, ne luiaccorde aucune valeur humaine.

Insensible à la beauté de l'Acropole, il nesemble voir de la beauté que dans la nature (les beaux corps des jeunesgarçons), dans la morale (les belles actions), dans les sciences(mathématiques et philosophie).C'est à partir du XVIIIE siècle que l'art se distingue aussi bien de l'artisanatque de la technique et acquiert ainsi un statut spécifique.

D'où l'apparition de l'esthétique comme théorie desbeaux-arts.

Et, dans la Critique de la faculté de juger (1791), Kant, même s'il ne prétend pas faire une théorie desobjets beaux (car, selon lui, le beau n'est pas une qualité des objets : il n'y a pas de règle du beau ni donc descience du beau), affirme qu'il n'existe pas de belles sciences, mais seulement des beaux-arts.

Il accorde même,d'une ..

certaine manière, une supériorité à l'art sur les sciences et la technique, puisqu'il considère qu'il n'y a degénie que dans les Beaux-Arts : «Les Beaux-Arts sont les arts du génie.

»Dans la civilisation artisanale, l'artiste, qu'il bâtisse et orne les lieux du culte ou qu'il décore les palais, était auservice de la religion ou des princes.

Le développement de l'industrie permet à l'art de s'émanciper.

Désormaisindépendant, l'artiste découvre qu'il ne tient pas son pouvoir de créer de Dieu, mais que celui-ci lui appartient enpropre.

C'est ce pouvoir de créer qui, d'une certaine manière, rend l'artiste égal à Dieu, qu'on appelle le génie.Application de la science, la technique repose sur une méthode scientifique précise dont toutes les démarches sonttransmissibles, renouvelables.

Même les techniques les plus complexes peuvent être décomposées, analysées dansleurs moindres détails, et réduites à des gestes simples.

Il suffit généralement de savoir ce qu'il faut faire pourréussir.

Quant à l'artisanat, il ne requiert aucune faculté d'invention ou génie particulier.

Seul l'art, qui repose sur lafantaisie créatrice de l'artiste, demande autre chose que « l'aptitude à savoir faire ce qui peut être appris d'aprèsune règle quelconque ».

Les Beaux-Arts doivent donc nécessairement « être considérés comme des arts du génie ».Que faut-il entendre par génie sinon « un talent qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règledéterminée » ? Certes, l'art, comme toute production, exige des règles, mais celles-ci ne préexistent pas à l'œuvre.Aussi le génie peut-il être défini plus précisément comme le talent naturel de « donner des règles à l'art ».

Il n'obéitdonc qu'aux règles qu'il se donne à lui-même.

Et puisque « le talent comme faculté productrice innée de l'artiste,appartient lui-même à la nature, on pourrait également s'exprimer ainsi: le génie est la disposition innée de l'esprit(ingenium) grâce à laquelle la nature donne des règles à l'art ».Sans doute doit-on trouver dans les produits de l'art « toute la ponctualité voulue dans l'accord avec les règles,d'après lesquelles seul le produit peut être ce qu'il doit être »; mais cela ne doit cependant pas être pénible« Il ne faut pas que le produit laisse transparaître la forme de l'école, c'est-à-dire qu'il porte trace apparente quel'artiste a eu la règle sous les yeux et que celle-ci a imposé des chaînes aux facultés de son esprit.

» Le génie doit donner l'impression de produire avec la même facilité et spontanéité que la nature.

Cependant l'art,contrairement à la nature, a toujours « l'intention de produire quelque chose ».

Mais si la finalité est intentionnelledans les produits des Beaux-Arts, elle ne doit pas le paraître, c'est-à-dire que « l'art doit avoir l'apparence dé lanature, bien que l'on ait conscience qu'il s'agit d'art ».Le naturel dans l'art est donc le génie produisant comme la nature, sans règle préétablie.

Il s'ensuit que la premièrequalité du génie doit être l'originalité.

Comme l'absurde ou l'insensé peut aussi passer pour de l'originalité, il faut queles produits du génie « soient en même temps des modèles, c'est-à-dire qu'ils soient exemplaires ».

Le génie estdonc aussi originaire.

Autrement dit, il doit être à l'origine d'une école à laquelle il transmet les diverses règles et lesprocédés de son art.Ainsi, le génie se distingue aussi bien de la simple imitation scolaire (l'élève qui reprend le procédé d'un maître pourlui-même, indépendamment de ce qu'il exprimait dans l'œuvre et sans lui donner une nouvelle signification) que dumaniérisme, cette «forme de singerie qui consiste à n'être personnel (singularité) que pour tâcher de s'éloigner leplus possible des imitateurs, sans posséder le talent d'être en même temps un modèle ».. »

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