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Toute connaissance est-elle relative ?

Publié le 27/02/2005

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La relativité de la connaissance s'entend donc d'un scepticisme à la manière de Montaigne, à la façon du « Que sais-je ? », car lorsque Socrate affirme : « Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien », ce n'est point là du relativisme, mais, en un sens, c'est presque du dogmatisme. Socrate est sûr de ne rien savoir. S'il sait qu'il ne sait rien, il sait quelque chose. De même, Descartes, au seuil de la deuxième Méditation métaphysique, s'interroge sur son doute hyperbolique et aboutit à cette certitude : « Qu'est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? peut-être rien autre chose, sinon qu'il n'y a rien au monde de certain ». Mais même dans cette hypothèse d'une philosophie sceptique, il croit encore à une certitude, celle suivant laquelle, il n'y a rien de certain ? Écoutons-le nous dire, dans cette perspective : « Je m'efforcerai néanmoins, et suivrai derechef la même voie où j'étais entré hier, en m'éloignant de tout ce en quoi je pourrai imaginer le moindre doute, tout de même que si je connaissais que cela fût absolument faux ; et je continuerai toujours dans ce chemin jusqu'à ce que j'aie rencontré quelque chose de certain, ou du moins, si je ne puis autre chose, jusqu'à ce que j'ai appris certainement qu'il n'y a rien au monde de certain. Archimède, pour tirer le globe terrestre de sa place et le transporter en un autre lieu, ne demandait rien qu'un point qui fût ferme et immobile : ainsi j'aurai droit de concevoir de hautes espérances si je suis heureux pour trouver seulement une chose qui soit certaine et indubitable ».II.

Kant remerciait Hume de l'avoir réveillé de son sommeil dogmatique et Thomas Reid déclarait en parlant des philosophes sceptiques : « Ils emploient le raisonnement à ruiner la raison ; ils jugent qu'ils n'ont point de jugement en partage ; ils voient clair qu'ils sont aveugles «. Nous sommes habitués à ce genre de raisonnement et, depuis que le Mythe de Sisyphe d'Albert Camus nous a prouvé en termes cohérents que tout dans l'univers était incohérent, le relativisme de la connaissance humaine nous apparaît de plus en plus évident. « Lorsque Hegel s'en allait faire son cours, une pantoufle d'un pied et un soulier de l'autre... «, selon Alain, la considération que nous avons pour le philosophe parait chanceler. Il faut que cette relativité apparaisse de prime abord, avec la façon même de penser : faute de quoi ce n'est qu'artifice de style et affectation pure.

 

 

« 1.

« Notre monde, notait Renouvier il y a quelque cent ans, meurt d'un manque de foi dans une véritétranscendante.

» S'il est vrai que la relativité se détruit elle-même puisque le doute du doute finit, par sa doublenégation, par se nier lui-même, il nous faut réintégrer la certitude dans sa vraie perspective d'absolue vérité.Montaigne est peut-être celui qui a montré, avant Pascal, le plus nettement, le plus strictement, que ce douteperpétuel aboutissait à une auto-négation.

« Vous voilà au rouet, disait-il.

Pour juger des apparences que nousrecevrons des sujets, il nous faut un instrument judicatoire pour vérifier cet instrument, vous voilà au rouet.

Puisqueles sens ne peuvent arrêter notre dispute, étant pleins eux-mêmes d'incertitude, il faut que ce soit la raison : nousvoilà à reculons jusqu'à l'infini.

» Au reste, cette idée, Pascal, lecteur de Montaigne, devait la reprendre et lacreuser.

« Les discours d'humilité sont matière d'orgueil aux gens glorieux, et d'humilité aux humbles.

Ainsi ceux dupyrrhonisme sont matière d'affirmation aux affirmatifs ; peu parlent de l'humilité humblement ; peu de la chastetéchastement ; peu du pyrrhonisme en doutant.

Nous ne sommes que mensonge, duplicité, contrariété, et nous nouscachons et nous nous déguisons à nous-mêmes » (Pensées, 501).2.

Ainsi personne n'est plus dogmatique qu'un sceptique.

Pour mettre tout en doute et suspendre son assentiment, ilfaut arriver à un jugement si sûr et à une intention si ardue à maintenir que J.

Maréchal a pu dire : (Le point dedépart de la Métaphysique) : « L'époché représente le freinage brutal que nous exercerions sur nous-mêmes par uneffort réflexif et concentré.

Le scepticisme apparaît dans sa prétention d'éviter tout dogmatisme, comme ledogmatisme le plus choquant et le plus étroit qui se puisse concevoir.

» C'est là la reprise de l'idée que Montaigneavait développée abondamment contre l'incertitude des sceptiques : « Je vois les philosophes pyrrhoniens qui nepeuvent exprimer leur générale conception en aucune manière de parler ; car il leur faudrait un nouveau langage : lenôtre est tout formé de propositions affirmatives qui leur sont du tout ennemies ; de façon que quand ils disent « jedoute », on les tient incontinent à la gorge, pour leur faire avouer qu'au moins assurent et savent-ils cela., qu'ilsdoutent.

Ainsi, on les a contraints de se sauver dans cette comparaison de la médecine sans laquelle leur humeurserait inexplicable : quand ils prononcent « j'ignore », ou « je doute », ils disent que cette proposition s'emporteelle-même quand et quand le reste, ni plus ni moins que la rhubarbe qui pousse hors les mauvaises humeurs, ets'emporte hors quand et quand elle-même.

»3.

Aussi, la certitude est-elle la seule voie que la philosophie se soit tracée d'une manière définitive.

Lamétaphysique n'est pas l'aveu de l'impuissance de la raison, mais la quête d'une vérité certaine, « la recherche et laconnaissance de l'absolu », la reconnaissance de « l'expérience intégrale ».

« De même qu'un purgatif, en entraînanttout ce que contiennent l'estomac et l'intestin, disait Diogène Laerce, disparaît lui-même, ainsi le doute sceptique serejette lui-même en rejetant toutes les autres affirmations.Il est contradictoire de prétendre atteindre le probable sans pouvoir aboutir au certain.

C'est à Descartes qu'il fautrevenir ici et non à Kant : « Les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement, dit la quatrièmepartie du Discours de la Méthode, sont les seules vraies.

» III.

NÉCESSITÉ DE LA RELATIVITÉ. 1.

Le sens commun a peut-être, en un sens, raison d'affirmer : tout est relatif.

Mais il est une bonne et mauvaisefaçon de douter.

Il faut, selon le mot de Lequier, « pousser la sincérité jusqu'à essayer de la mauvaise foi ;soupçonner de fausseté la vérité, par respect pour elle ».

C'est là une des conditions de cette auto-critique, decette ironie dirigée contre soi-même sans laquelle il n'est pas de philosophie saine.

Ne parlons point de philosophie ;il n'est pas même de pensée, de raisonnement, de science possible sans cette recherche d'un doute : « la premièrecondition que doit remplir un savant qui se livre à l'investigation dans les phénomènes naturels, c'est de conserverune entière liberté d'esprit assise sur le doute philosophique », dit Claude Bernard.2.

« Il importe de bien déterminer sur quel point doit porter le doute, afin de le distinguer du scepticisme etdémontrer comment le doute scientifique devient un élément de plus grande certitude.

Le sceptique est celui qui necroit pas à la science et qui croit en lui-même ; il croit assez en lui pour oser nier la science et affirmer qu'elle n'estpas soumise à des lois fixes et déterminées.

Le douteur est le vrai savant ; il ne doute que de lui-même et de soninterprétation, mais il croit à la science ; il admet même dans les sciences expérimentales un critérium ou un principescientifique absolu.

Ce principe est le déterminisme des phénomènes, qui est absolu aussi bien dans les phénomènesdes corps vivants que dans ceux des corps bruts » (Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecineexpérimentale, ch.

II, § 6).

Si les proverbes confirment cette indication de la science expérimentale, si Hegel peutcommercer son Esthétique par l'idée que : de gustibus non disputandum, c'est dire que tout reste nécessairementou « certainement » relatif.3.

Ainsi donc, qu'il s'agisse de la relativité en matière de psychologie (et il n'est que de penser à l'idée bergsoniennede la subjectivité, de la durée, à l'incertitude qualitative du temps qui varie selon les instants et selon leurappréciation, ou à la relativité dans le sens où l'on a pu depuis Héraclite comprendre l'irréversibilité du temps et lesvariables dans les paramètres dont nous nous servons pour connaître l'espace — pour comprendre que la relativitéreste la grande tentation des systèmes philosophiques depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours.

Contre l'esprit desystème, contre une sorte de dogmatisme trop strict, Pascal le dit expressément : « le pyrrhonisme sert à la religion» (Pensées, 507).

«Le pyrrhonisme est le vrai.

Car, après tout, les hommes, avant Jésus-Christ, ne savaient où ilsétaient ni s'ils étaient grands ou petits.

Et ceux qui ont dit l'un ou l'autre n'en savaient rien, et devinaient sansraison et par hasard ; et même ils erraient toujours en excluant l'un ou l'autre...

Humiliez-vous, raison impuissante,taisez-vous, nature imbécile...

Écoutez Dieu » (Pensées, 527). CONCLUSION. C'est donc avec Pascal qu'il faut conclure toute recherche sur la relativité.

Partant de l'idée que la vraie morale semoque de la morale, l'auteur des Pensées n'a fait, toute sa vie, que développer cette intuition profonde de larelativité de toute espèce de connaissance humaine.

Entre l'instinct et l'expérience, entre la grandeur et la misère. »

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