-Apport de Kant : Kant
s'oppose à une conscience morale conçue comme sentiment, voix de la conscience
(Rousseau), qui reviendrait à opposer objectivité phénoménologique de la
conscience et subjectivité de la conscience morale. Il s'agit pour lui de
concevoir la conscience morale comme une forme de la raison, pratique, engagée
dans le monde empirique (Critique de la raison pratique). Par conséquent,
on ne peut pas dire que la conscience soit déterminée moralement par les
circonstances extérieures, ni que cette conscience puisse fonder une morale,
sinon dans un sens nouveau : la conscience, par la raison, se présente comme
l'instance critique qui examine elle-même la moralité d'une action. C'est donc
une fondation transcendantale : la morale est la forme même de l'exercice
mondain de la conscience. La conscience a donc valeur d'épreuve : être conscient
est une tâche morale, et non plus un simple état de fait.
-Nietzsche pousse la
critique plus loin : la critique morale de la conscience doit aller jusqu'à
exercer une critique morale envers la conscience elle-même, c'est-à-dire
examiner de façon évaluative le rôle de la conscience. C'est parce que la
conscience a naturellement conscience à penser une morale établie, fixe,
absolue, qu'elle doit en quelque sorte se méfier d'elle-même, être suspicieuse à
sa propre encontre (Le gai savoir). L'examen moral ne connaît pas de fin,
même soumis à l'épreuve de la conscience : au contraire, pour Nietzsche, c'est
la conscience qui est le plus grand danger de la morale.
Conclusion
-Toute conscience est donc
morale, au sens où engagée dans un monde, elle est l'instance critique qui
permet à l'homme de déterminer les valeurs du bien et du mal.
-Cependant, cette exigence
critique ne doit pas se confondre avec la nature objective et phénoménologique
de la conscience, laquelle doit au contraire rappeler la nature contingente du
phénomène.
Le concept de conscience est marquée d'une ambigüité : s'agit-il d'une conscience strictement phénoménologique, comme structure de la perception, ou d'une conscience morale, apparaissant comme "voix de la conscience" ? Dans l'Antiquité, chez Cicéron notamment, la notion de conscience renvoie toujours à une connotation morale ; mais la philosophie moderne a cherché à émanciper la description phénémonologique de cet horizon éthique. Dès lors, si la conscience morale ne semble pas pouvoir se séparer d'une conscience comme structure même de la pensée, cette conscience objective, phénoménale, peut-elle symétriquement ne pas contenir en son sein les critères mêmes d'évaluation du bien et du mal, et se contenter d'une description neutralisée du phénomène ?