Devoir de Philosophie

Traité de la nature humaine, Livre II : Les Passions

Publié le 23/03/2015

Extrait du document

Nulle qualité n'est plus remarquable dans la nature humaine, à la fois en elle-même et dans ses conséquences, que notre propension à sympathiser avec les autres et à recevoir par communication leurs inclinations et leurs sentiments, fussent-ils différents des nôtres, voire contraires aux nôtres. Cette qualité n'est pas seulement frappante chez les enfants qui embrassent sans réflexion toute opinion qu'on leur propose ; elle l'est aussi chez les hommes du plus grand jugement et de la plus haute intelligence, qui estiment bien difficile de suivre leur propre raison ou inclination, quand elle va à l'encontre de celle de leurs amis ou de leurs compagnons ordinaires. C'est à ce principe que nous devons imputer la grande uniformité observable dans les dispositions et façons de penser des hommes d'une même nation ; il est beaucoup plus probable que cette ressemblance provienne de la sympathie plutôt que de l'influence du sol ou du climat 1...1.

Traité de la nature humaine, Livre II : Les Passions,

Première partie, Section XI,

trad. J.-P. Cléro, éd. Flammarion, 1991, p. 155-156.

 

« Textes commentés 49 Dans une section consacrée à!'« amour de la renommée», Hume présente une cause « secondaire » de l'orgueil et de l'humilité, « qui réside dans les opinions des autres » : c'est ainsi que l'on voit paraître un concept qui prendra beaucoup d'importance dans toute la suite de sa philosophie, celui de sympathie.

Certes, il n'est pas le seul, surtout en son temps, à faire remarquer cette compréhension affective: on sait le rôle que joue la sympathie dans la Théorie des sentiments moraux d'Adam Smith ou la pitié dans l'anthropologie et la pédagogie de Rousseau.

Néanmoins, il est intéressant de remarquer ici quelles attestations le philosophe présente pour consolider l'hypothèse.

Le mimétisme que l'on attribue aux enfants et que l'on croit caractéristique de leur âge ne leur est pas spécifique ; resterions-nous donc toujours des enfants ? Que l'on en juge : le philosophe indique très précisément la preuve que la sympathie avec l'entourage exerce encore son influence chez les adultes, et les plus adultes d'entre eux ; chacun n'a-t-il pas éprouvé la « difficulté » évoquée dans le texte, de se tenir à ses déterminations quand elles sont contraires à celles des proches ? À cela, il ajoute que le « caractère des nations 1 », c'est-à-dire l'ensemble des traits psychologiques spécifiques à un même peuple, ne dépend pas des conditions physiques de l'existence collective, comme le pensait Montesquieu, mais plutôt de cette collectivité même, en tant qu'elle ne peut exister au sens le plus fort, que si et seulement si les hommes ne sont pas indifférents les uns aux autres, mais modifiés les uns par les autres.

Comment opère la sympathie ? Elle a, dans le système des perceptions, une véritable originalité, puisque la passion transmise n'est d'abord connue que par son idée : notre accès à autrui n'étant pas immédiat, nous interprétons ses actes et ses paroles pour les rapporter à une personnalité qui ne sera jamais qu'attribuée.

Or cette idée se convertit en impression (mécanisme inverse du rapport ordinaire) sous l'effet de la proximité (physique ou affective).

Autrui nous est en effet relié par la ressemblance, et l'idée que nous avons de nous-mêmes étant particulièrement vive, cela rend possible un transfert de vivacité que renforce la contiguïté des proches.

Néanmoins, cette thèse n'implique pas nécessairement l'illusion d'un altruisme impartialement généreux.

D'une part, nous sympathisons avec des dispositions différentes, « voire contraires » aux nôtres -c'est l'une des causes de l'ambivalence.

D'autre part, la sympathie est inégale ; elle est amorale en son principe, et ce n'est qu'une fois corrigée par l'existence et la réflexion qu'elle se révèle au fondement de la moralité.

1.

Auquel il consacre un essai : cf.

EMPL, p.

241-255.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles