Travailler moins est-ce vivre mieux
Publié le 29/01/2017
                            
                        
Extrait du document
Partie I. Travailler moins, c'est vivre moins. Cette première piste pouvait permettre d'explorer le lien qui existe entre le travail et la vie. Si l'on définit le travail comme activité nécessaire à la vie (à la survie biologique), alors travailler moins ce ne peut-être que vivre moins bien, moins longtemps, en moins bonne santé, etc. Les « travailleurs pauvres » par exemple, catégorie qui désigne les personnes qui ont un emploi mais dont la rémunération n'est pas suffisante pour leur permettre de sortir de la pauvreté, sont en grande partie des travailleurs à temps partiel. Ici, c'est bien la durée du temps de travail qui impacte directement la qualité de la vie des individus. Mais alors, en quoi le travail est-il lié à la vie et à la survie ? D'abord, en tant qu'activité productrice. Travailler, c'est effectuer un effort, mais cet effort n'est pas vain. Il est fructueux et surtout nécessaire pour nous permettre d'extraire de la nature les biens nécessaires à notre survie. La nature ne nous fournit pas spontanément de quoi nous nourrir, ou même nous abriter, et le travail est l'activité productrice, la transformation de la nature, de la matière, qui nous permet d'en arracher de quoi survivre. C'est somme toute le sens de la malédiction infligée à Adam et Eve dans la Genèse, ils sont l'un comme l'autre condamnés au travail : celui de l'accouchement pour Eve, celui de la terre pour Adam. Si dans les deux cas le travail est associé à la douleur (« tu enfanteras avec douleur », « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »), il est aussi associé à la vie puisque l'enfantement comme le travail agricole sont nécessaires à la survie et la perpétuation de l'espèce. Dès lors, moins travailler, attendre passivement que notre survie soit assurée ne peut que réduire notre chance de survie et de vie. Il en va de même si l'on entend par travail l'activité rémunérée. On dit d'ailleurs que l'on « gagne sa vie » pour parler du travail comme emploi. Dans le fond, les choses sont assez identiques à la définition précédente : là encore, le travail est le moyen par lequel nous assurons notre survie, non plus directement en produisant nous-mêmes de quoi vivre mais indirectement en gagnant un salaire par...
«
                                                                                                                            Partie II.
Travailler moins, c'est exister plus.
On pouvait donc dans un deuxième temps essayer de voir en quoi le travail peut constituer un frein
à   la   vie.
                                                            
                                                                                
                                                                      Il   ne   s'agit   pas   plus   ici   de   la   vie   au   sens   de   survie,   à   laquelle   le   travail   reste
indissociablement   lié,   mais   de   la   vie   au   sens   d'existence.
                                                            
                                                                                
                                                                      Si   le   travail   constitue   une   activité
contrainte, que nous n'avons pas d'autre choix que d'exercer pour vivre, comment pourrions-nous y
être libres, y être pleinement nous-mêmes, y être pleinement humains ?
Parce   qu'il   est   indispensable   pour   vivre,   le   travail   se   retourne   donc   contre   lui-même   et   contre
nous-mêmes : il devient une activité subie, dont la pénibilité est coûteuse (notamment en temps et
en   énergie),   dont   la   compensation   par   le   salaire   n'est   pas   toujours   suffisante   (que   m'importe   mon
salaire si mon emploi ne me permet pas de consacrer du temps à ceux que j'aime ou si j'y laisse ma
santé ?).
                                                            
                                                                                
                                                                    L'existence se joue donc en dehors du travail.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est ce que dénonce Marx dans  le Capital .
Le contrat a priori équitable que constitue le travail dans un premier temps (force de travail contre
salaire) tourne au désavantage de l'ouvrier car celui-ci s'aliène – en vendant sa force de travail il ne
fait jamais que se vendre lui-même – et même, dit Marx, s'il occupe le temps qu'il a de disponible
pour lui, il vole le capitaliste.
                                                            
                                                                                
                                                                    De même, Arendt distingue dans  la Crise de la culture  le temps vide
du temps libre.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le temps vide appartient encore, comme le travail, à la vie – c'est le temps de loisir,
nécessaire comme le travail à la survie alors que le temps libre désigne le temps libéré de toutes les
exigences liées à la survie (travail, récupération, loisir) et dans lequel l'individu peut être réellement
disponible   pour   une   activité   proprement   humaine   telle   que   la   culture   par   exemple.
                                                            
                                                                                
                                                                      C'est   somme
toute   la   raison   pour   laquelle   l'esclave   ne   peut   être   libre   dans   l'Antiquité   :     sa   fonction   consiste
précisément à assurer les tâches liées à la survie pour libérer du temps permettant à son maître de se
consacrer aux activités spécifiquement humaines.
                                                            
                                                                        
                                                                    Dès lors, travailler moins, c'est libérer du temps
pour exister, être pleinement humain.
Ce   problème   a   aussi   une   dimension   collective.
                                                            
                                                                                
                                                                     Travailler   moins,   ce   peut   être   aussi   accorder   une
moindre   place   au   travail   dans   nos   sociétés.
                                                            
                                                                                
                                                                      Contrairement   à   ce   que   nous   avons   rappelé   de
l'Antiquité,   le   travail   (comme   effort,   activité)   est,   dans   les   sociétés   modernes   et   contemporaines,
plutôt au contraire conçu comme une source de réalisation, l'oisiveté perçue comme une forme de
paresse.
                                                            
                                                                                
                                                                    Max Weber retrace l'avènement de l'importance de la réussite individuelle, temporelle dans
Éthique   protestante   et   esprit   du  capitalisme .
                                                            
                                                                                
                                                                      Le   travail   est   donc   au   cœur   de   l'organisation   de   nos
sociétés et même des valeurs qui fondent celles-ci.
                                                            
                                                                                
                                                                    Or, là encore, n'aurions-nous pas une meilleure
vie,   collectivement,   socialement,   si   nous   travaillions   moins   ?   C'est   le   principe   de   la   réduction   de
travail, mais aussi et de manière bien plus radicale des réflexions menées sur le revenu universel de
base : fournir à chacun, inconditionnellement, un revenu minimum, c'est garantir à chaque individu
la possibilité de choisir son existence sans être contraint par les nécessités vitales – la possibilité de
travailler moins pour vivre comme il l'entend.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dans la culture bouddhiste déjà, la place du travail
est bien différente.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les questions de la production, de la consommation, de la rémunération ne sont
pas au cœur de la vie bonne, et c'est au contraire dans cette forme d'oisiveté qu'est la méditation par
exemple   que   l'individu   accède   à   une   vie   bonne,   matériellement   simple,   mais   spirituellement
remplie.
                                                            
                                                                                
                                                                      Il   s'agit   somme   toute   moins   de   faire   que   d'être.
                                                            
                                                                                
                                                                      Cette   critique   de   la   valeur   prise   par   le
travail dans nos sociétés, Nietzsche la faisait dans  Aurore   – le travail y étant conçu comme un outil
de contrôle social..
                                                                                                                    »
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