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Un amour suspect de P. BOURDIEU

Publié le 05/01/2020

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amour

Le sociologue Pierre Bourdieu analyse ici ce qu'il nomme de manière assez ironique et critique l'amour de l'art, en faisant du goût et de la fréquentation des œuvres d'art une marque d'appartenance à une classe sociale : le bon goût, censé provenir d'un amour du beau, serait en réalité déterminé par le désir d'afficher une supériorité personnelle et incontestable vis-à-vis d'autrui.

 

La mise entre parenthèses des conditions sociales qui rendent possible la culture et la culture devenue nature, la nature cultivée, dotée de toutes les apparences de la grâce et du don et pourtant acquise, donc « méritée », est la condition de possibilité de l’idéologie charismatique qui permet de conférer à la culture et en particulier à l’«amour de l’art» la place centrale qu’ils occupent dans la sociodicée bourgeoise. Ne pouvant invoquer le droit du sang (que sa classe a historiquement refusé à l’aristocratie), ni les droits de la Nature, arme autrefois dirigée contre les distinctions nobiliaires qui risquerait de se retourner contre la « distinction » bourgeoise, ni les vertus ascétiques qui permettaient aux entrepreneurs de première génération de justifier leur succès par leur mérite, l’héritier des privilèges bourgeois peut en appeler à la nature cultivée et à la culture devenue nature, à ce que l’on appelle parfois « la classe », par une sorte de lapsus révélateur, à l’éducation, à la «distinction», grâce qui est mérite et mérite qui est grâce, mérite non acquis qui justifie les acquis non mérités, c’est-à-dire l’héritage. Pour que la culture puisse remplir sa fonction de légitimation des privilèges hérités, il faut et il suffit que soit oublié ou nié le lien à la fois patent et caché entre la culture et l’éducation.

 

Pierre Bourdieu et al., L’Amour de l’art, Éditions de Minuit, 1969, p. 164-165.

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« mérités, c'est-à-dire l'héritage.

Pour que la culture puisse rem­ plir sa fonction de légitimation des privilèges hérités, il faut et il suffit que soit oublié ou nié le lien à la fois patent et caché entre la culture et l'éducation.

Pierre BOURDIEU et al., L'Amour de /'art, Éditions de Minuit, 1969, p.

164-165.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Pierre Bourdieu reprend, en lui faisant subir quelques inflexions, la représentation marxiste de la société capita­ liste: celle-ci ne doit pas être considérée comme une tota­ lité harmonieuse ou pouvant l'être, issue de l'addition des individus qui la composent, de leurs talents et de leurs inté­ rêts.

Elle doit, au contraire, être pensée comme conflictuelle, composée de classes dont les intérêts sont opposés, les uns disposant du capital et des fruits du travail, les autres subissant leur domination.

L'accent est mis par Pierre Bourdieu sur l'aspect symbo­ lique de la domination plus que sur son aspect économique : celle-ci s'exerce au moyen de signes, se légitime par des justifications arbitraires.

Quoi de plus propre à justifier une position dominante que la possession de qualités person­ nelles qui sont l'apanage d'une minorité? L'amour de l'art et, de façon plus générale, la distinction que confère la culture de l'esprit pourraient donc ne pas être l'expression des goûts, des sentiments ou des penchants qui singularisent une personne, mais celle du désir de dis­ tinction, au sens de différence et de supériorité, qui carac­ térise sa classe sociale.

Le phénomène de la reproduction sociale s'en trouverait renforcé; on entend par reproduction sociale la tendance de tout individu à demeurer dans la classe sociale dont il est issu.

Du point de vue économique, la condi­ tion de salarié tend à se perpétuer de génération en géné­ ration, mais Bourdieu entend mettre en évidence d'autres mécanismes, comme la reproduction des comportements, des jugements de valeur, qui caractérisent l'appartenance à une classe.

Aptitudes, goûts, dispositions, malgré leur appa­ rence spontanée, seraient transmis aux individus par l'édu-. »

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