Une connaissance métaphysique est-elle possible ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
« Si de cela seul que je puis tirer de ma pensée l' idée de quelque chose, il s'ensuit que tout ce que je reconnais clairement et distinctement appartenir àcette chose, lui appartient en effet, ne puis-je pas tirer de ceci un argumentet une preuve démonstrative de l'existence de Dieu ? Il est certain que je ne trouve pas moins en moi son idée , cad l' idée d'un être souverainement parfait, que celle de quelque figure ou de quelque nombre que ce soit.
Et je neconnais pas moins clairement et distinctement qu'une actuelle et éternelleexistence appartient à sa nature, que je connais que tout ce que je puisdémontrer de quelque figure ou de quelque nombre, appartient véritablementà la nature de cette figure ou de ce nombre.
Et partant, encore que tout ceque j'ai conclu dans les Méditations précédentes ne se trouvât pointvéritable, l'existence de Dieu doit passer en mon esprit au moins pour aussi certaine, que j'ai estimé jusques ici toutes les vérités des mathématiques, quine regardent que les nombres et les figures : bien qu'à la vérités cela neparaisse pas d'abord entièrement manifeste, mais semble avoir quelqueapparence de sophisme.
Car ayant accoutumé dans toutes les autres chosesde faire distinction entre l'existence et l'essence, je me persuade aisémentque l'existence peut être séparée de l'essence de Dieu , et qu'ainsi on peut concevoir Dieu comme n'étant pas actuellement.
Mais néanmoins, lorsque j'y pense avec plus d'attention, je trouve manifestement que l'existence ne peutnon plus être séparée de l'essence de Dieu , que de l'essence d'un triangle rectiligne la grandeur de ses trois angles égaux à deux droits, ou bien de l' idée d'une montagne l' idée d'une vallée ; en sorte qu'il n'y a pas moins de répugnance de concevoir un Dieu (cad un être souverainement parfait) auquel manque l'existence (cad auquel manque quelque perfection), que de concevoir unemontagne qui n'ait point de vallée.
[...]De cela seul que je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s'ensuit que l'existence est inséparable de lui, et partant qu'il existe véritablement : non pas que ma pensée puisse faire que cela soit de la sorte, et qu'elle imposeaux choses aucune nécessité ; mais, au contraire, parce que la nécessité de la chose même, à savoir de l'existencede Dieu , détermine ma pensée à le concevoir de cette façon.
Car il n'est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence (cad un être souverainement parfait sans une souveraine perfection), comme il m'est libre d'imaginerun cheval sans ailes ou avec des ailes.
»
Descartes , « Méditations métaphysiques ».
Descartes avait tout d'abord, dans son « Discours de la méthode », montré que les idée s que nous concevons clairement et distinctement, qui s'imposent donc à nous avec évidence, sont innée s (antérieures à notre propre naissance) et vraies (auxquelles par conséquent nous pouvons nous fier).
Par la suite, dans les « Méditationsmétaphysiques », l'auteur avait avancé un argument a posteriori de l'existence de Dieu : j'ai en moi l' idée (claire et distincte) de parfait ; moi qui suis un être imparfait, je ne peux l'avoir posée en moi-même ; seul un être parfait peutdonc être la cause de la présence en moi de cette idée de parfait (« Méditation troisième »). Dans le présent texte (« Méditation cinquième ») , Descartes double cet argument a posteriori d'un argument ontologique, purement conceptuel.
Parmi les idée s innée s, se trouvent les nombres et figures mathématiques, mais aussi l' idée de Dieu , que l'auteur définit comme « un être souverainement parfait et infini ». A partir de cette définition, Descartes développe sa version de l'argument ontologique : il déduit l'existence de Dieu de son essence même.
En effet, Dieu est par définition doté de toutes les perfections ; or l'existence est une perfection : l'existence en tant que perfection fait partie de sa définition.
Dieu ne peut donc pas ne pas exister.
La distinction entre essence et existence ne convient pas au sujet de Dieu . Descartes associe ces deux arguments, l'un qui remonte de l'effet à la cause, l'autre qui déduit l'existence de l'essence, pour démontrer l'existence de Dieu , « être parfait ».
De même, si Spinoza accorde à l'évidence intellectuelle la valeur d'une connaissance absolue, c'est parce que toutepensée claire et distincte est coïncidence avec la Pensée divine à l'oeuvre dans l'univers.
Dans ce système, commeon l'a souvent dit, «toute vraie pensée est une pensée vraie ».
Autrement dit, lorsque je pense c'est Dieu qui penseen moi ; et cette connaissance divine est une connaissance absolue car l'opération par laquelle Dieu pense ne faitqu'un avec l'opération par laquelle les choses réelles sont produites : « L'ordre et la connexion des idées sont lesmêmes que l'ordre et la connexion des choses ».
« Notre âme étant une partie de l'entendement de Dieu, il estnécessaire que les idées claires et distinctes de notre âme soient vraies comme celles de Dieu ».
Toutefois ces ambitions ontologiques se révèlent à l'épreuve décevantes, car il y a autant de métaphysiques que demétaphysiciens, comme Kant en fait la remarque.
Descartes, Leibniz ou Spinoza croient que nous disposonsd'intuitions intellectuelles qui nous révèlent l'essence même des choses.
Mais leurs trois systèmes métaphysiquessont différents et inconciliables.
Tandis que les savants prouvent leurs propositions — qui finissent toujours par fairel'accord des esprits compétents — les métaphysiciens discutent indéfiniment sans se convaincre.Pourquoi cet échec des métaphysiques ? Kant répond : parce que nous ne disposons pas d'intuitions intellectuelles.Le seul donné de la connaissance, c'est le sensible.
L'absolu, le « noumène », nous échappe.
Nous ne connaissons le.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- PRINCIPES D'UNE MÉTAPHYSIQUE DE LA CONNAISSANCE (Les) Nicolai Hartmann (Résumé et analyse)
- Friedrich Nietzsche (1844-1900): La critique de la métaphysique - Statut de la connaissance chez Nietzsche - Le Surhomme : politique nietzschéenne
- — La métaphysique est un véritable mode de connaissance —
- Peut-on parler d'une connaissance métaphysique ?
- Examinez cette définition de SCHOPENHAUER: « Par métaphysique j'entends tout ce qui a la prétention d'être une connaissance dépassant l'expérience, c'est-à-dire les phénomènes donnés, et qui tend à expliquer par quoi la nature est conditionnée dans un sens ou dans l'autre, ou, pour parler vulgairement, à montrer ce qu'il y a derrière la nature et qui la rend possible.» ?