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Une éducation de la perception est-elle possible ?

Publié le 05/11/2009

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perception

 La perception comporte une dimension intellectuelle qui interdit de la considérer comme innée ou formée une fois pour toutes. Le jugement qu'elle suscite est lié à des données culturelles, collectives aussi bien qu'individuelles, qui peuvent varier, et produire une véritable éducation de la perception. C'est ce qui autorise les changements dans notre relation à ce qui nous entoure, et nous apporte la possibilité de percevoir toujours autrement les choses et les êtres, en les enrichissant de sens multiples. L'homme ne peut vivre dans un univers dénué de signification, et sa perception entretient avec celle-ci des relations qui sont à la fois de réception et de production.

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« Ensuite, la perception est formée par la mentalité.

Puisqu'il existe des cultures aux mentalités différentes, laperception varie en fonction de ces dernières.

Le touriste, en Australie, perçoit des rochers rouges : ils sontimpressionnants, étranges, éventuellement difficiles d'accès ou à gravir, peut-être beaux.

L'aborigène perçoit un lieusacré qui évoque dans son esprit tel ou tel mythe, une cérémonie rituelle, un parcours, et non une promenade, àaccomplir à un certain moment de l'année… La perception d'un même objet aboutit ainsi à des attitudes divergentes,parce qu'elle s'appuie sur des données culturelles hétérogènes.

Une différence du même ordre peut être vécue àl'intérieur d'une seule culture lorsqu'il s'agit précisément d'en modifier la mentalité.Enfin, la perception scientifique du réel résulte d'une méfiance acquise.

C'est bien ce qui a eu lieu lorsque s'estconstituée la mentalité scientifique.

Si elle aboutit à un « désenchantement du monde », c'est parce qu'elle a dûapprendre à épurer la perception de toute référence au religieux et à la nature comme force agissante en tousdomaines, pour élaborer une perception objective.

Auguste Comte résume cette longue évolution dans sa loi des trois états , et Bachelard a amplement souligné à quel point la perception apparemment « naïve » est encombrée de notions confuses et de présupposés incompatibles avec un point de vue scientifique.

Sans considérer que seule laperception rigoureusement objective a de la valeur, on doit en retenir qu'elle résulte d'une véritable éducation, quicommence par une « suspension du jugement », dont Descartes donne le modèle en constatant qu'adhérer à saperception première reviendrait à admettre qu'un bâton droit, pour peu qu'on le plonge dans l'eau, se trouve brisé.

La perception peut être enrichie de diverses manières.

N'est-elle que fonctionnelle ? Bergson reproche à laperception de nous livrer du réel une version nécessairement tronquée ou incomplète, parce qu'elle est liée àl'intérêt et à l'action.

Nous percevons ce qui est nommable ou conceptualisable, mais aussi ce qui répond auxexigences de notre activité.

Même s'il réserve aux artistes la capacité de ne pas être ainsi étroitement déterminésdans leur saisie du réel, on peut au moins faire valoir qu'il est aussi des moments ou notre relation à ce qui nousentoure n'est pas soumise à des exigences pratiques : contempler un paysage peut se faire sans que l'on envisaged'y cultiver quoi que ce soit, ou d'y tracer une autoroute.

Sans doute cette contemplation est-elle orientée par uneintention, qui opère à l'avance une sélection dans ce que pourront être nos perceptions et les jugements lesaccompagnant.

Mais l'absence de toute intention se ramène à une totale indifférence, c'est-à-dire à un repli sur soiqui ne perçoit plus rien.De plus, la perception peut s'éduquer par le savoir.

Cependant ma rêverie peut être d'autant plus riche, etm'apporter davantage de satisfaction, qu'elle est mieux informée en amont : la perception du paysage ne risque-t-elle pas d'être plus féconde si j'ai quelques connaissances en géologie, en agriculture, en botanique ? Au lieu depercevoir de vagues courbes ou des champs indifférenciés, je deviens capable de distinguer ce qui résulte d'unehistoire, de parcours humains, d'un travail.

J'accède à une perception qui me livre, non seulement ce qui est devantmoi, mais, simultanément, une multitude de significations complémentaires composant ce que peut être le sens, à unmoment donné, de ce paysage, qui me révèle alors une profondeur que ne soupçonne pas celui qui le perçoit sansrien saisir de son histoire.Mais la perception peut aussi s'éduquer par l'art.

L'intérêt du paysage dépend aussi de la richesse de mon propreregard, de la façon dont je le cadre visuellement, des souvenirs artistiques qu'il convoque.

S'il est vrai que lecontact avec des œuvres d'art suppose une perception déjà éduquée, il est également vrai qu'il éduque laperception du reste.

Percevoir un tableau ne peut se résumer à sa seule vision, tant y affluent d'élémentsintellectuels : situation historique de l'œuvre, repérage de son thème éventuel, décodage de sa symbolique, examende sa composition formelle, etc.

En l'absence de ces données, le tableau risque de paraître insignifiant : devant unetoile de Picasso ou une œuvre abstraite, n'entend-on pas toujours ceux qui n'y perçoivent rien s'exclamer que« n'importe qui peut en faire autant » ? Cette éducation à l'art modèle aussi la perception du paysage évoqué plushaut : s'il m'incite à la rêverie, n'est-ce pas aussi parce qu'il évoque un Corot, ou un Monet, ou parce qu'il devient,en fonction de mon expérience de la peinture, pittoresque ? La perception comporte une dimension intellectuelle qui interdit de la considérer comme innée ou forméeune fois pour toutes.

Le jugement qu'elle suscite est lié à des données culturelles, collectives aussi bienqu'individuelles, qui peuvent varier, et produire une véritable éducation de la perception.

C'est ce qui autorise leschangements dans notre relation à ce qui nous entoure, et nous apporte la possibilité de percevoir toujoursautrement les choses et les êtres, en les enrichissant de sens multiples.

L'homme ne peut vivre dans un universdénué de signification, et sa perception entretient avec celle-ci des relations qui sont à la fois de réception et deproduction.. »

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