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Une langue implique-t-elle une conception du monde ?

Publié le 10/02/2011

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• Introduction (principaux éléments).    — On a longtemps cru en l'existence d'une langue mère, langue universelle rattachée à une nature humaine prédéfinie.    — Confrontée à la diversité de fait des langues (et des cultures), cette croyance a dû s'assortir d'explications mythologiques (la tour de Babel et la faute humaine).    — Avec le rationalisme classique, la diversité est prise en charge, mais réduite à une différence des « moyens d'expression «, les pensées exprimées demeurant identiques et universelles.    — L'avènement des sciences humaines a problématisé une telle réduction. La diversité des cultures ne porte pas seulement sur les formes d'expression. Elle engage les pensées, les valeurs, les structures mentales.    — Ne faut-il pas, dès lors, redéfinir complètement le statut culturel des langues? Une langue implique-t-elle une conception du monde ?   

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« ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Méditer le texte suivant (notamment pour la position des questions à mettre en oeuvre) de Von Humboldt :« Tout le mode de la perception subjective des objets passe nécessairement dans la constitution et l'usage de la langue.

Le mot naît en effet de cetteperception et n'est pas une copie de l'objet en soi, mais de l'image que celui-ci engendre dans l'âme.

Comme la subjectivité est inévitablement mêlée àtoute perception objective, on peut déjà, indépendamment de la langue, considérer toute individualité humaine comme un point de vue propre pour la visiondu monde.

Mais elle le devient encore plus par la langue, car à son tour le mot devient lui-même un objet par rapport à l'âme et vient apporter uneparticularité supplémentaire nouvelle qui se distingue du sujet, à tel point qu'il y a désormais trois choses dans le concept : l'empreinte de l'objet, la façondont elle est reçue dans le sujet et l'effet que produit le mot en tant que son linguistique.

C et effet produit par le mot est nécessairement dominé danschaque langue par une analogie constante; et, comme, dans chaque nation, une subjectivité homogène exerce déjà son action sur la langue, il y a danschaque langue une vision du monde particulière.

Cette façon de s'exprimer n'excède en aucune façon la mesure de la simple vérité.

C ar le lien de toutes lesparties de la langue entre elles, et le lien entre la langue dans son ensemble et la nation sont si étroits que, dès que cette interaction a indiqué une certainedirection, il en résulte nécessairement une particularité d'ensemble.

Au reste la langue n'est pas seulement vision du monde parce qu'il lui faut êtreproportionnée à l'univers — tout concept devant pouvoir être saisi par elle —, mais aussi parce que c'est seulement cette transformation qu'elle opère surles objets qui permet à l'esprit d'accéder à l'intuition de ce lien qui est inséparable du concept de monde...

D'autre part l'homme vit essentiellement avec lesobjets tels que les lui apporte la langue, et comme sentir et agir dépendent chez lui de ses représentations, c'est même exclusivement de cette manièrequ'il vit.

C'est par le même acte qui fait que l'homme tisse le langage à partir de lui-même qu'il se mêle à sa trame, et chaque langue trace autour de lanation à laquelle elle appartient un cercle dont on ne peut sortir que dans la mesure où l'on passe en même temps dans le cercle d'une autre langue.

» W.von Humboldt, Uber die Verschiedenheit des menschlichen Sprachbaues, in Gesammelte Schriften, Berlin 1907, pp.

179-180; passages soulignés parnous. • Positions de certains ethno-linguistes à partir d'un certain nombre d'investigations empiriques :Ces investigations peuvent avoir un champ privilégié en ethno-linguistique dans la mesure où celle-ci étudie le langage et la pensée de peuples dont laculture a gardé des traits plus ou moins-accentués d'archaïsme et qui appartiennent à des cercles culturels éloignés et relativement isolés du nôtre (dansces conditions, c'est-à-dire quand les systèmes linguistiques diffèrent essentiellement entre eux, il peut être possible de dégager les éventuellesdifférences entre les « images » (ou « conceptions ») du monde impliquées dans les différentes langues.Cf.

l'étude de Whorf sur les Hopis.« Je trouve qu'il est faux de présumer que le Hopi, qui ne connaît que sa langue et les idées culturelles de sa société, possède les mêmes notions que nousdu temps et de l'espace, souvent supposées comme des intuitions et présumées en général comme étant universelles.

En particulier, il n'a pas la moindrenotion générale ou intuition du ternps en tant que continuum coulant lentement, dans lequel chaque chose dans l'univers passe uniformément du passé parle présent dans le futur; ou, dans lequel, pour renverser l'image, l'observateur est constamment porté par le courant de la durée du passé dans l'avenir...D'où, la langue hopi ne contient aucune référence au « temps », ni explicite, ni implicite.»An American Indian Model of the Universe in Language, Thought, and Reality, Whorf, pp.

57 - 58D'après Whorf, les Hopis remplacent la métaphysique de l'espace à trois dimensions et du temps linéaire (les « nôtres ») par la métaphysique de ce qui estobjectif et de ce qui est subjectif: Le temps futur est remplacé par ce qui est subjectif.

Les verbes apparaissent non pas linéairement dans les troisdimensions du temps (passé-présent-futur) mais sur le plan d'une « gradation opérationnelle ». • En fait ces thèses ne sont pas — loin s'en faut — acceptées par tous les chercheurs.— Critiques méthodologiques.— C ritiques de ce qu'on peut appeler « vision du monde » qui n'est pas définie clairement , ce qui entraîne qu'il n'y a pas de critères opératoires pouvantrégler le problème de façon décisive. • Que de nombreux travaux scientifiques montrent que la langue dans laquelle nous pensons influence notre appréhension de « la réalité ».Est-ce que cela signifie pour autant que cette influence équivaut :— à la formation de toute notre vision du monde;— à la constitution de « visions » ou « conceptions » du monde n'ayant aucun point de jonction (strictement originales et ...

intraduisibles...

?).• S'interroger sur ce qu'on peut penser sous les termes « implique » et « conception du monde ».INDICATIONS DE LECTURE • Langage et C onnaissance de A dam Schaff (Anthropos).Cet essai cherche à délimiter, à partir de positions marxistes, le rôle du langage dans la connaissance.

Après une analyse des solutions proposées par lesdifférents courants philosophiques, Adam Schaff s'emploie à penser le rapport du langage à la pensée, le rapport du langage et de la pensée à la réalité, enfinl'influence du langage et de la pensée sur le comportement des hommes. • Bulletin de P sychologie de janvier 1966 intitulé « A spects du langage ».

En particulier :Le Rôle médiateur du langage par J.F.

Richard.Langage et pensée, culture par O.

Klineberg.Langage et pensée opératoire par H.G.

Furth.L'Organisation temporelle et l'organisation spatiale dans Les Troubles.

du langage par M.

Stambak. • Le Langage et les Opérations intellectuelles par Jean Piaget dans « P roblèmes de psycholinguistique » (P.U.F.) pp.

51à 54.Affirmation fondamentale de Piaget : « Le langage peut constituer une condition nécessaire de l'achèvement des opérations' logico-mathématiques sansêtre pour autant une condition suffisante de leur formation».• Langage et C lasses sociales de Basil Bernstein (Éditions de Minuit).Cet auteur reprend et soumet à l'épreuve empirique les analyses de Sapir et Whorf sur la fonction constituante du langage, les thèses de Durkheim sur larelation entre structure sociale et structures logiques.

Le langage est appréhendé comme déterminé par et déterminant de l'expérience sociale.• Linguistique et A nthropologie de Benjamin Lee Whorf (Denoel).. »

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