Une société juste peut-elle s'accommoder d'inégalités ?
Publié le 29/01/2004
Extrait du document
- 1. Société et individus
- 2. L'utilitarisme et ses limites
- 3. « Le voile d'ignorance «
- 4. Communauté et justice pluraliste
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Or, dans les sociétés démocratiques, le sujet libre fixe ses propres objectifs et développe une conceptionpersonnelle de son bien privé et du bien commun.
Comment dans ce cadre s'accorder sur une définition de la justicedistributive, c'est-à-dire sur une conception commune d'une échelle de valeurs ?
La justice selon Aristote.
S'il y a lieu de distinguer les vertusmorales et les vertus intellectuelles (oudianoétiques, de discernement), la justices'apparente aux premières (la vertuéthique et la justice supposent mêmedisposition) et aux secondes (un acte del'intelligence intervient, qui évalue,rectifie, met en relation).
Elle a trait ànotre conduite envers les autres hommes.On ne saurait être « juste » ou « injuste »envers soi-même (Éthique à Nicomaque,V, 15, 1138 a 26).
Comme l'a vu Platon,c'est la vertu toute entière.
Mais en unsens plus spécial, c'est elle qui présideaux partages (justice « distributive ») ;c'est elle aussi qui redresse (justice «réparatrice ») ce qui a été faussélorsqu'un tort a été causé ; enfin elleintervient pour régler les échanges et les transactions commerciales.La justice distributive préside à la répartition des charges, des biens et deshonneurs dans la cité.
Elle ne procède pas selon l'égalité arithmétique, car elletient compte des inégalités effectives de mérite.
Le juste, alors, estproportionnel aux services rendus et aux qualités manifestées par les membresde la communauté politique, à leur degré de participation à la réalisation du biencommun (Éthique à Nicomaque, V, 5, 1130 b 30).En revanche la justice réparatrice ou corrective repose sur la stricte égalité.
Onne demandera pas si l'homme qui a subi un préjudice est un misérable et s'il aété lésé par un homme de bien.
Ici, la justice doit procéder au rétablissementd'une égalité que le délit (vol, coup, meurtre) a rompue ; le jugement ne fait pasacception des personnes.
Il ne s'agit pas de considérer la qualité des parties,mais le délit.
Or le code ne s'applique pas tout seul ; il faut, pour appliquerl'universalité de la loi à la singularité du cas, l'acte de juger, de rectifier (selonl'image implicite du droit) en tenant compte des circonstances, en appréciant.Aussi, venir devant le juge, est-ce venir devant la justice vivante.
La peineprononcée a quelque chose d'une indemnité réparant autant que faire se peutl'échange injuste imposé à la victime.La justice dans les échanges économiques a quelque chose de la justesse.
Onéchange des choses utiles, des services.
L'échange peut-il tendre à la justice,quand les circonstances sont hétérogènes ? Comment rendre égaux des bienséchangés qui diffèrent qualitativement ? Le cordonnier devra-t-il fournir aumaçon une quantité de chaussures dont celui-ci n'aura pas l'usage en toute unevie ? La monnaie est instituée ; son nom le dit bien, nomisma signifie la « choselégale », mais aussi « ce qui assure le partage » (de némô, partager).
Elle a pourfonction d'assurer l'échange économique ; unité de mesure conventionnelle, ellen'est pas arbitraire : il faut que toutes choses soient évaluées pour que chacun,alors qu'il est encore en possession de ses produits, puisse échanger.
Lamonnaie permet de passer du troc (échange d'une marchandise contre uneautre) à l'échange proprement économique.
Cette région ne constitue pas leplus haut de la vie humaine, mais sans échanges, il n'y a pas de vie sociale(ibid., V, 8).
2.
L'utilitarisme et ses limites
Bien-être individuel et collectif
La théorie utilitariste, initiée notamment par David Hume, constitue une tentative pour donner un contenu auconcept de bien commun en partant de l'individu concret et de sa recherche individuelle du bien-être.
Cettedoctrine subordonne le juste au bien : le bien étant préalablement et indépendamment défini, le juste est alors cequi contribue à la maximisation de ce bien.
John Rawls résume cette conception.
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