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Vérités de fait, vérités de raison

Publié le 08/01/2020

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Dans les chapitres précédents, nous avons montré qu'on pouvait, selon les philosophes, définir différemment la vérité (correspondance, cohérence...), et aussi mettre en avant des critères de vérité différents (évidence ou observation, ou encore calcul...). Laquelle de ces définitions est juste ? Lequel de ces critères est le bon ? À ces questions, il ne peut exister de réponse simple, parce que cela dépend d'une distinction très importante, mais aussi très problématique, entre les types de vérités.

1. Il existe d'abord un type de vérité qui concerne les faits et sur lequel insistent les partisans de la « vérité-correspondance » (cf. texte 6) : « cette pomme est rouge » est un énoncé vrai si la pomme en question est en fait rouge.

Mais même la théorie de la vérité-correspondance doit tenir la cohérence, c'est-à-dire l'accord de la pensée avec elle-même, pour une condition nécessaire de toute vérité, même si elle n'est pas suffisante. Car une proposition logiquement mal formée ou une série de propositions contradictoires entre elles n'exprimeraient aucun état possible du monde et ne sauraient donc être ni vraies ni fausses. « Nous ne saurions dire d'un monde illogique, écrit Wittgenstein, ce que serait son aspect. »

Il y a même un domaine où le critère de la cohérence est à lui seul valide, nécessaire et suffisant : celui de la logique formelle. Il faut alors distinguer entre « vérité de logique » et « vérité empirique », ou « vérité formelle » et « vérité matérielle », ou encore, pour parler comme Leibniz, entre « vérité de fait » et « vérité de raison », distinction reprise par Hume (cf. texte 12).

Quelles différences, par exemple, y a-t-il entre ces deux propositions : « M. Dupont est célibataire » et « Tous les célibataires sont célibataires » ?

« La première dépend d'une investigation empirique : on ne pourra jamais savoir si M.

Dupont est ou non célibataire sans enquêter sur son état-civil.

Si cette proposition est vraie, c'est une vérité de fait; et elle aurait pu ne pas être vraie (il est parfaitement possible de concevoir M.

Dupont marié): c'est une vérité contingente.

Le deuxième énoncé, en revanche, est une vérité de rai­ son, ou« vérité logique».

Il apparaît vrai quels que soient les faits.

Sa vérité dépend de la seule structure logique du lan­ gage, indépendamment non seulement des faits, mais même de la signification des termes.

«Tous les célibataires sont célibataires » peut se réduire à « A est A ».

C'est ce que ' Leibniz appelait encore « vérité nécessaire » ou « identi­ que » et que la logique moderne nomme «tautologie* » (lit­ téralement « répétition du même » - le mot vient du grec tautos: «le même»).

Contrairement aux vérités de fait, une tautologie est vraie nécessairement, ou inconditionnellement (de même qu'une contradiction est inconditionnellement fausse).

Par exemple « il pleut ou il ne pleut pas » est vrai inconditionnellement, parce que c'est vrai qu'il pleuve ou qu'il ne pleuve pas.

Apparaît ainsi un caractère essentiel de la tautologie : elle est purement formelle.

Valable quels que soient les faits, elle est soustraite aux contingences du réel.

Elle est vide de tout contenu, vide de sens, et ne nous apprend rien sur le monde.

Quand je sais qu'il pleut ou qu'il ne pleut pas, je n'en sais pas plus sur le temps qu'il fait.

Il faut cependant faire, avec Wittgenstein, une distinction importante entre la tautologie vide de sens (en allemand « Sinn/os») et une proposition dénuée de sens (« Unsin­ ning »).

Une tautologie est vide de sens parce qu'elle ne dit rien sur le monde.

Une proposition dénuée de sens est une pseudo-proposition qui, formée au mépris des règles de la syntaxe logique du langage, ne saurait être ni vraie, ni fausse (Wittgenstein donne l'exemple «Socrate est identi­ que»).

Les phrases sont donc non de deux, mais de trois sortes : vraies, fausses ou dépourvues de sens.

La signifi­ cation des phrases (ce qu'elles représentent) est la condi­ tion de leur vérité.

Le vrai et le faux ne s'opposent que pour les énoncés pourvus de sens.

Mais cette opposition est seconde et renvoie à une opposition plus fondamentale entre. »

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