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Vincent van Gogh

Publié le 26/02/2010

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Un jour de l'été de 1882, Vincent van Gogh allait à pied avec un camarade jeune comme lui-même, par les dunes près de La Haye, en quête d'un motif. Il faisait très chaud. Le soleil brûlait, il n'y avait pas d'ombre sur le sentier sablonneux, sec et lourd, sur lequel Vincent marchait au lieu de suivre une piste parallèle, au sol ferme, ombragée d'aubépines et de sureaux. Vincent, étouffant, se plaignit. Son camarade lui demanda : "Pourquoi ne viens-tu pas ici dans l'ombre ?" Vincent répondit : "Il faut souffrir pour l'art." Pour le camarade qui m'a raconté lui-même, cinquante ans après, cette petite histoire, Vincent était un fou ; il ne prenait pas cette absurdité comme une bizarrerie, mais comme une marque de folie. Il ne pouvait en discerner le sublime. Il en fut ainsi durant la courte vie de van Gogh, qui s'éteignit huit ans après : son entourage (sauf, peut-être, seul, son frère Théo) le prit pour fou, et ce qui se cachait sous cette apparence d'illogisme, d'irrationnel, lui échappa. Cet illogisme est cependant la source même de son oeuvre ; ce n'est pas de l'irrationnel, et c'est bien ce qui distingue van Gogh de ses contemporains, son art de tout ce qui l'a précédé depuis des siècles. Pour lui, le symbole a force de réalité. Dans une civilisation qui, ne pouvant concevoir de valeur réelle que dans la réalité matérielle, tenait le symbole pour une abstraction vide, rien de plus qu'un signe conventionnel, van Gogh, mû par cette conviction intime, inébranlable, qui lui fut naturelle, reconnut dans le symbole la vraie réalité des choses et dans son expression le but suprême de l'art. Il ne s'en fit pas un programme ; il ne faisait que suivre le penchant de sa propre nature sans même qu'il lui vînt à l'idée qu'il était en cela tout à fait différent d'autrui. Ses lettres nous prouvent que, d'emblée, ce fut ainsi qu'il conçut le but de l'art et la tâche de l'artiste.

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« Van Gogh se montre un descendant lointain mais très reconnaissable des vieux maîtres intimistes de son pays.

Enmême temps, on y sent l'influence de son contemporain Joseph Israëls, bien plus âgé que lui et qu'il admirebeaucoup, mais quelle différence dans le sentiment ! Israëls cherche à exprimer l'essentiel de ses intérieurs ensupprimant tous les détails dont il diffuse l'apparence et en subordonnant tout à l'expression totale de la vie paisibledes humbles et des vieux, à la sérénité ; on y reconnaît le sentiment juif.

Rien de cela chez van Gogh, qui cherche àpeindre les paysans comme étant lui-même l'un d'eux, sentant et pensant comme un paysan.

C'est ce qu'il écrit àThéo. Il n'y a en lui rien d'une attitude d'artiste, de l'homme cultivé, civilisé, qui donne des observations sur les paysans,leur vie, leurs mœurs.

Il semble constater, en bon naturaliste, pour ainsi dire par le dedans, leur intimité, leur satiétéaprès un repas très sobre, et la scène doit rappeler le labour de leurs mains, avec lesquelles ils ont arraché lespommes de terre ; il peint sans réserve l'apparence brute, bestiale même de ces gens.

Il n'essaie en rien de plaireavec ces figures aux corps mal bâtis.

La sincérité du peintre hollandais et en même temps du naturaliste ne luipermet pas de transiger avec la réalité ; l'essentiel, dont cette scène doit être le symbole, est bien au-dessus detoute pensée de cet ordre. Mais ce qui plaît quand même et sait ravir, c'est, après tout, la beauté harmonieuse des tons et des couleurs,l'humanité vraie et simple de ses sujets. Cette composition des Mangeurs de pommes de terre est déjà un chef-d'œuvre et elle nous révèle, à la fin de lapériode hollandaise, tout l'essentiel de l'art de van Gogh.

Il changera encore de fond en comble ses manières et sesmoyens d'expression, il maîtrisera encore plus d'une technique, il trouvera des raffinements dont il n'a pas encoreune notion, il aura encore des moments d'équilibre, d'harmonies bien plus grandes, mais aussi des extases plusvéhémentes, déchirantes...

toujours il restera ce qu'il est déjà à ce moment et ce qu'il a toujours été : le maîtreintransigeant, pour qui le sens symbolique de ce qu'il imagine est le vrai motif de l'œuvre.

A ce but tout est soumis,les couleurs sombres, les caractères bêtes et brutes, la facture brutale, mais aussi la magie de la tonalité intime,des touches de couleurs l'une contre l'autre très harmonisées, comme aussi l'expression d'une humanitéprofondément comprise dans un grand rapprochement de sympathie humaine. Il ira encore beaucoup plus loin dans la soumission de tous les éléments de son œuvre au but final qui est d'enexprimer le sens symbolique, en acquérant toujours plus sûrement ses moyens d'expression, en se libérant et ens'écartant de plus en plus de toute convention. En s'initiant aux écoles nouvelles qu'il apprend à connaître à Paris, comme dans ses rapports personnels avec lesgrands peintres qui sont les chefs de ces écoles et les créateurs de l'art de leur temps, il ne se soumet pas ; il saisitleur technique, leur coloris, leurs idées, mais les plie à ses desseins. Ainsi il joue dans l'évolution de l'art de son temps un double rôle, de même que Cézanne ; il en donne une synthèsemais le transforme pour en faire un point de départ pour l'art de l'avenir. L'apport de l'art français dans l'évolution de van Gogh est considérable ; ce qu'il voit à Paris fixe l'aspect de son artpour une longue période celle de cette deuxième moitié de sa vie artistique, qu'il passe en France.

C'est seulementdans les deux dernières années de son existence, à Saint-Rémy et à Auvers, qu'il s'en éloigne, pour évoluer vers unstyle et un coloris tout à fait personnels, loin de tout ce qu'il voit autour de lui.

Mais, même alors encore, ce qu'il aappris à Paris reste la base de sa technique et de sa palette.

Dans ces deux années passées à Paris, en 1886 et1887, il semble renaître et se dépouiller du bagage trop lourd qu'il s'est acquis par des années d'étude acharnée enHollande, de 1880 à 1885.

Il le change contre une armure technique plus légère et plus commode dans la luttefarouche avec la matière.

Mais ce qu'il ne change en rien, c'est le caractère même de son art, non seulement sesdesseins d'artiste mais aussi ceux de l'homme profondément religieux. Tout l'art de van Gogh se fonde sur le grand élan irrésistible de son cœur à témoigner.

Il y eut des années au coursdesquelles il voyait sa vocation dans l'apostolat même, comme pasteur.

Alors, il suivait la même voix intérieure, lamême poussée que plus tard, mais sans bien la distinguer.

Il y eut toujours dans sa vie une vocation sociale trèsforte, même une tendance communiste.

Au fond de tout cela, il y a l'amour du prochain, l'amour de l'homme engénéral, de la nature et de toutes les forces créatrices, pour Dieu.

Tous ses symboles tendent à exprimer cetAmour, ce grand sentiment mystique d'attachement indissoluble à tout ce qui l'environne et à Dieu. Ainsi chaque œuvre de van Gogh devient signe symbolique ; mais ce ne sont pas des signes de symboles convenus,même pas de symboles rationnels ; on ne peut pas les traduire en mots.

Pour le prouver, il y a encore ses lettresdans lesquelles il essaie d'expliquer ce qu'il veut dire, ses intentions, mais il ne peut donner que des indications,certainement pas des analyses.

Elles révèlent les sources sentimentales dont surgissent symboles et œuvres, et nonpas celles des idées qu'ils doivent représenter, comme dans l'art symboliste.

Ainsi, l'art de van Gogh n'est passymboliste par programme, il est lui-même symbole, tout comme l'homme ne s'exprimait pas par symboles maisagissait en symboles, de même que ce fut avec la plus grande sincérité, sans aucune ironie, qu'il avait dit, au débutde sa carrière de peintre, à son camarade dans les dunes près de La Haye, qu'il faut souffrir pour l'art. Certes, ce ne fut pas des mots creux : Vincent a souffert pour l'art comme très peu de grands artistes.

Il lui a toutsacrifié, ses amitiés, sa santé, ses forces, ses amours...

la vie.

Ce fut, en effet, lorsqu'il vit sombrer sa raison et ses. »

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