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Vivons-nous dans le meilleur ou dans le pire des mondes possibles ?

Publié le 04/01/2006

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« Ce qui fait l'occupation de tout être vivant, ce qui le tient en mouvement, c'est le désir de vivre. Eh bien, cette existence, une fois assurée, nous ne savons qu'en faire, ni à quoi l'employer ! Alors intervient le second ressort qui nous met en mouvement, le désir de nous délivrer du fardeau de l'existence, de le rendre insensible, "de tuer le temps", ce qui veut dire de fuir l'ennui. » C'est la raison pour laquelle nous voyons bien des hommes à l'abri du besoin et des soucis, « une fois débarrassés de tous les autres fardeaux, finir par être à charge à eux-mêmes ». A chaque heure qui passe, ils se disent : autant de gagné ! A chaque heure, c'est-à-dire « à chaque réduction de cette vie qu'ils tenaient tant à prolonger ». La joie que procure l'union avec autrui, dans l'amour, n'est-elle pas suffisante pour donner un sens à notre vie ? La réponse de Schopenhauer ne fait pas dans le détail. L'amour qui orne notre morne vie, comme un diamant étincelant, n'est qu'un instinct déguisé qui sert, à travers la reproduction sexuelle, l'intérêt de l'espèce et non des individus : « Les amants parlent en termes pathétiques de l'harmonie de leurs âmes; mais cette harmonie n'est autre chose [...] que cette convenance de leurs natures capable d'assurer la perfection de l'être à engendrer.. » Force est, d'ailleurs, de constater que cette « harmonie des âmes » se dissipe souvent, peu après le mariage ou une fois la descendance assurée, et dégénère en « une criante discorde ». Car l'illusion ne dure pas toujours : à l'entente des sexes succède inévitablement le malentendu des âmes.

« La trop fameuse formule : « Tout est pour le mieux dans lemeilleur des mondes possibles» apparaît en substance dans unouvrage de Leibniz (1646-1716) qui sut mettre son génie delogicien au service de la religion : La Théodicée (1710), dont letitre exact est : Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, laliberté de l'homme et l'origine du mal. La Théodicée est un ouvrage où Leibniz s'efforce de résoudrequelques problèmes classiques posés à la théologie, et qu'ilénonce ainsi :« Quand il n'y aurait point de concours (le Dieu aux mauvaisesactions, on ne laisserait pas de trouver de la difficulté en ce qu'illes prévoit et qu'il les permet, les pouvant empêcher par sa toute-puissance.»Comment peut-on concilier la bonté de Dieu avec l'existence dumal ? Comment peut-on concilier la liberté humaine avec la toute-puissance divine ?Le terme même de théodicée signifie « justice de Dieu » (du grecthéos qui signifie « Dieu » et dikè qui signifie « justice »).

Leibnizest le premier à avoir formé ce néologisme qui devait rester dansla langue philosophique.

Mais les problèmes qu'il pose sont bienconnus et Épicure (341-270 avant J.-C.) en avait déjà donné une formulation vigoureuse, qui tendait à prouver que notre conception du divin est parfaitement erronée.

Lebut de Leibniz est tout autre, puisqu'il s'agit de défendre la cause de Dieu.Voltaire a eu beau jeu dans Candide (1759) de se gausser d'une formule qu'il ne comprend pas et qu'ilmalmène.

Leibniz n'écrit pas «tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes », mais« L'on a montré que cet univers doit être effectivement meilleur que tout autre univers possible »ou encore :« Il faut dire que Dieu, entre les suites possibles de choses, infinies en nombre, a choisi la meilleure, etque par conséquent la meilleure est celle-là même qui existe en acte.»Ce qui varie de la formule voltairienne à la formule vraie de Leibniz est l'idée de pluralité.

Dieu conçoitune infinité de mondes possibles, et il choisit suivant le principe du meilleur.

Cela ne veut pas dire queLeibniz nie le mal et que nous vivons «dans le meilleur des mondes », mais que tous les autres mondespossibles, que Dieu a conçus, sans choisir de les faire exister, seraient pires.

Ce qui, avouons-le, n'estguère réjouissant, Leibniz va jusqu'à écrire :« En outre, si Dieu n'avait pas choisi la meilleure suite universelle (suite dans laquelle le péchéintervient), il aurait admis quelque chose de pire que tout péché des créatures.

»Le Dieu de Leibniz n'est pas un despote, ni, comme chez Descartes, un « libre créateur des véritéséternel-les ».

Dieu est en quelque sorte « assujetti » à la logique.

Si son esprit comprend et conçoit toutce qui peut ou pourrait exister, il ne crée pas les vérités : il les comprend.

La création consiste alors àélire, parmi toutes les possibilités concevables et calculables, celle qui offre le plus de perfection,compte tenu de la limitation des créatures, de leur imperfection.

Le Dieu de Leibniz est avant toutcalculateur, logicien.

Guidé par leprincipe du meilleur, il porte à l'existence la totalité la plus harmonieuse.Ce qui apparaît aux créatures comme une déficience, comme un mal, comme une imperfection, doit êtreen vérité compris comme l'élément d'un ensemble :«Ainsi il peut se faire que, dans une construction ou une décoration, on ne choisisse pas la pierre la plusbelle, ou la plus précieuse, mais celle qui remplit le mieux la place vide.

»Il faut donc comprendre non pas que le mal n'existe pas, que l'imperfection n'existe pas, mais qu'ilspermettent la beauté de l'ensemble.

La créature, l'homme prend la partie pour le tout.

Il est nécessaired'admettre au contraire qu'« il faut qu'il y ait une raison pour que Dieu permette le mal plutôt que ne lepermette pas; or la raison de la volonté divine ne peut être prise que du bien ».« Tout est pour le mieux » ne doit donc pas être compris comme «tout est bien », et la pensée deLeibniz n'a rien d'un optimisme béat.

Il ne pouvait rien avoir de meilleur qu'un monde où le péché originelexiste.

«Dieu permet quelques maux, pour que beaucoup de biens ne soient pas empêchés.

»Le mal et le péché ne sont donc que des éléments servant la beauté et l'harmonie de l'ensemble.

Maisleur cause essentielle est l'imperfection, la limitation des créatures.

Leibniz emploie pour l'expliquerl'image du fleuve.

Quand un fleuve emporte avec soi des embarcations, la différence de leur vitesse vientde ['inertie des bateaux.

« Ici donc, la rapidité vient du fleuve, et la lenteur du fardeau; le positif de lavertu du moteur, le privatif de l'inertie du mobile.

» Les perfections accordées par Dieu sont comparablesà ce fleuve, et les maux à la limitation des êtres créés et finis.Resterait à expliquer en quoi la liberté de l'homme, c'est-à-dire sa capacité de choix, est compatibleavec l'omniscience divine.

La solution de Leibniz est d'une subtilité logique telle qu'il est difficile de larésumer.

On pourrait dire que nos actions sont prévues, puisqu'elles concourent elles aussi à laperfection de l'ensemble, sans être nécessaires.

En toute logique, le contraire de telle action estpossible.« Dieu a vu les choses dans la suite idéale des possibles, telles qu'elles allaient être, et parmi elles,l'homme péchant librement; et en décrétant l'existence de cette suite, il n'a pas changé la nature de lachose, ni n'a rendu nécessaire ce qui était contingent.

». »

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