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Y a-t-il des désirs naturels ?

Publié le 27/02/2008

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La réponse dépendra évidemment du sens des deux concepts, désir et naturel. On pourrait d'abord, à l'appui de la thèse, constater l'universalité et la nécessité des désirs : ils sont constitutifs de la nature humaine. En outre, une modération des désirs est possible -- tel était du moins le point de vue de Bouddha, d'Épicure et de Rousseau. Entre le désir d'être aimé, par exemple, et celui d'être le maître du monde, une distinction doit pouvoir être faite — et l'adjectif naturel peut ainsi aider à distinguer entre les différents types de désirs. Mais (antithèse) les désirs sont déterminés socialement et psychologiquement, ils ne sont donc pas, à strictement parler, naturels. De plus, le propre de l'homme est de multiplier ses désirs à l'infini : on peut le déplorer, au nom d'une certaine idée de sagesse, mais force est de constater que l'Histoire marche ainsi, même dans ses plus belles dimensions (que seraient l'art et la science sans désir ?). Conclusion (en guise de synthèse) : il conviendrait de différencier l'origine (« naturelle «) et la réalisation (nécessairement non naturelle) des désirs. De plus, si les besoins sont naturels (mais ce n'est déjà plus le cas de leur mode de satisfaction) parce que liés au corps, les désirs ne sauraient l'être.

  • I. Il faut distinguer désir naturel et désir non-naturel

1. L’homme est un être naturel 2. L’expansion de la vie se fait grâce au désir 3. Distinction désir naturel et non-naturel

  • II. Les désirs portent sur le superflu et sont modelés par la culture

1. Le désir se distingue du besoin 2. Le désir est mimétique et donc social 3. Les valeurs des objets sont donnés par la société

  • III. Le désir est inscrit dans la nature humaine mais sa réalisation façonne le monde de la culture

1. Le désir est liée à la vacuité même de l’homme et à son essence 2. La société régule les désirs naturels à l’homme

« l'expansion de la puissance de l'être.

Spinoza nomme conatus cet effort pour persévérer dans son être mais il explique aussi que cet effort vise l'augmentation de la puissance d'agir et de penser.

Réfléchissons en effet aumécanisme du désir.

Quelque chose nous manque et se crée alors une représentation de l'objet désiré.

Nous faisonsen sorte d'obtenir cette chose, à travers des efforts et l'obtention de l'objet nous procure une satisfaction d'unenature multiple : nous possédons un objet considéré comme un bien, nous avons réussi à vaincre les obstacles et àmener à bien notre projet.

3.

Distinction désir naturel et non-naturel Dans l'antiquité, il s'agissait de réduire et de maîtriser les désirs.

Même si ces derniers étaient liés à la nature, ilfallait les contrer.

On peut même dire que c'est parce que les désirs rattachent l'homme à la nature et à ses lois qu'ilfaut la contrer.

En effet, il s'agit pour l'homme de s'éloigner de l'animalité et de privilégier la raison, seule avantageet caractéristique propre de l'homme.

Epicure, lui, a l'inverse ne condamne pas tous les désirs.

Il remarque que leplaisir est bien le but des actions humaines et l a faculté de ressentir du désir constitue pour nous le bien suprême, et il nous faut la préserver à tout prix.

Mais il ne s'agit pas pour autant, au contraire de l'idée courante surl'épicurisme, de satisfaire tous les désirs.

Epicure réalise alors une nomenclature des désirs dans la Lettre à Ménécée : les désirs naturels et les désirs vains.

Mais comment reconnaître les premiers : pour Epicure, il suffit simplement de remarquer ceux qui se rattachent à notre corps et à sa santé.

Par exemple, le désir de nourriture (lafaim) est un désir naturel ; il n'en va pas ainsi avec le désir du pouvoir politique ou de la gloire militaire, car notrecorps peut se porter correctement même si nous sommes de simples citoyens.

Epicure effectue cependant uneautre distinction entre les désirs naturels et nécessaires et ceux qui sont simplement naturels.

Ainsi, les désirsnaturels portent sur des objets dont l'absence mènerait rapidement l'individu à sa perte et au déclin.

Cependant, lesdésirs simplement naturels peuvent ne pas être assouvis sans danger pour l'individu.

Le désir de boire estnécessaire, celui de boire ce type de vin particulier ne l'est pas.

Les autres désirs pour Epicure viennent de la peurde la mort.

Miné par la terreur du néant, l'homme ne peut connaître le contentement.

Cette crainte se convertit ici-bas par la peur de manquer : celle-ci suscite des désirs multiples portant sur des biens palpables ou immédiats.

Cesdésirs en créent à leur tour d'autres et l'homme constamment à la recherche d'un plaisir supérieur, gâche sa vie.

Ladistinction des désirs naturels ou non est alors nécessaire pour se contenter de satisfaire les premiers et pouvoirconnaître le repos de l'âme.

Cependant, en associant désir et corps, Epicure ne nie-t-il pas tout spécificité dudésir ? Il n'y aurait alors que le besoin naturel et le désir se constituerait de la catégorie de tout ce qui est vain.

II Les désirs portent sur le superflu et sont modelés par la culture 1.

Le désir se distingue du besoin Pourtant, une vision purement naturaliste du désir, telle que la développe Epicure tendrait à le réduire aux besoins, çune tendance consciente orientée vers les objets nécessaires de notre nature.

Désirer ne serait alors rien d'autreque chercher à accomplir ce que le besoin exige.

Gaston Bachelard s'oppose à cette conception en mettant enavant une distinction très nette entre le besoin et le désir.

Il affirme dans la Psychanalyse du feu que « la conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire.

L'homme est une création dudésir, non pas une création du besoin.

» Il réaffirme l'opposition du désir au besoin.

Ce dernier est naturel etobjectif : il répond à des nécessités vitales.

Le désir lui ne se rattache ni au biologique ni au vital.

Il arrache ainsil'homme à sa condition : il lui fait envisager ce qui n'est pas, un objet absent et imaginaire et nier ce qui est.

Ledésir vise donc autre chose que la simple survie : il arrache l'homme à l'emprise du besoin et vise le superflu : c'est-à-dire non pas manger, mais bien manger, accompagné par des amis,… Il précise ainsi « aussi haut qu'on puisseremonter la valeur gastronomique prime la valeur alimentaire.

» Pour l'auteur, si l'homme éprouve un plaisir à désirerc'est parce qu'il invente sa propre humanité et qu'il forme son existence.

Le superflu que vise le désir est donc lié àla naissance de l'esprit sous toutes ses formes culturelles : l'art, les sciences, les techniques,… Il n'y aurait pasalors à proprement parler de désirs naturels.

2.

Le désir est mimétique et donc social - de plus, il faut considérer l'aspect mimétique du désir.

Il ne faut pas croire que mon désir naît à partir du néant.L'homme est un être qui est mû par un besoin d'imitation.

Cela lui est naturel comme le remarque Aristote.

RenéGirard a mis en exergue le fait que le désir portait généralement sur la chose désirée par autrui.

C'est ainsi, en autre,que naissent les modes.

Mais, pourquoi ce désir mimétique serait-il violent ? C'est que cette imitation va faire desindividus des rivaux.

C'est parce que l'autre possède quelque chose que ça me donne envie de l'obtenir : il suffitd'observer deux enfants devant plusieurs objets pour s'en convaincre : ils vont très vite se disputer le même.

Cetteimitation devient immédiatement conflictuelle : le modèle devient rival et le rival à son tour modèle.

Il y a alors uneescalade du désir et de la violence.

L'enfant fonctionne encore sous la loi du plus fort.

Il n'hésitera pas à s'emparerde l'objet de son désir par la force ou par la contrainte.

Le désir sans la raison est alors violence.

René Girard écritainsi “En imitant le désir de mon modèle, je l'encourage à imiter le mien et vice-versa.

L'imitateur devient le modèle de son propre modèle et l'imitateur de son propre imitateur.

[…] Ce que nous ignorons ou feignons d'ignorer, c'estque le conflit, c'est l'identité et non la différence.

Ce n'est pas vrai que les hommes se battent à propos d'idées, ilsse battent toujours à propos de désirs...

parce qu'ils ont le même désir.

» Hegel fait remarquer dans la même optique qu'un objet ou un être- dans le cas de la relation érotique – est d'autantplus désiré qu'il l'a déjà été par un autre.

C'est le principe à l'œuvre dans la vente aux enchères, de la publicité oumême de la mode.

Une telle circulation du désir confirme l'appartenance à l'humanité et vise le non-nécessaire.. »

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