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Y a-t-il des limites a la liberté d'expression ?

Publié le 09/01/2006

Extrait du document

-         Les lois qui régulent la cité ont donc pour but de forger également les individus qui la composent, et c'est pourquoi elles doivent donner des prescriptions très précises sur ce que l'individu doit et ne doit pas faire. Les lois doivent renforcer le fil d'or présent en chaque être humain car l'État a un rôle d'éducateur à l'égard du peuple et il doit se comporter comme un père avec ses enfants. -         C'est pourquoi les lois doivent interdire certaines formes d'expression, car celles-ci pourraient dégrader la raison des individus. Or, détruire la raison chez un homme, c'est détruire chez lui toute possibilité de connaître la vraie liberté. -         Platon donne à ce sujet l'exemple de la musique et de la danse. Dans le second livre des lois, il expose sa thèse selon laquelle c'est dans les choeurs de danse et les chants institués à l'occasion des fêtes que les citoyens développent le sens de l'ordre et de l'harmonie qu'ils ont reçu de la nature et qu'ils suppléent ainsi aux lacunes de leur éducation morale. En effet, la danse et la musique, à l'aide du rythme et de l'harmonie, expriment une certaine harmonie du corps qui renvoie à l'ordre de l'âme. -         Ce faisant, puisqu'il y a corrélation entre l'harmonie musicale et l'ordre de l'âme, il faut veiller à encourager certaines mélodies et à en interdire d'autres, car de mauvaises harmonies fabriqueront de mauvaises âmes, seule la musique vraiment belle pouvant conduire à la vertu et éduquer les hommes. Des censeurs doivent donc avaliser ou prohiber les mélodies composées par les artistes. -         C'est pourquoi Platon dénonce les dérives qui eurent lieu à Athènes : il écrit à ce sujet que les artistes : « ravalèrent inconsciemment la musique et poussèrent la sottise jusqu'à croire qu'elle n'avait pas de valeur intrinsèque et que le plaisir de celui qui la goûte, qu'il soit bon ou méchant, est la règle la plus sûre pour en bien juger.
Analyse du sujet :
 
-          Il semble de prime abord qu'il n'y ait aucune raison de poser des limites à la liberté d'expression, car parler ne cause aucun tort. La liberté d'expression véhicule des idées et des paroles mais ne commet pas de crimes.
-          Cependant, la liberté d'expression peut provoquer des crimes qui n'auraient peut-être pas eu lieu sans elle. Il apparaît ainsi dangereux qu'une société tolère qu'on diffuse des appels au meurtre dans ses journaux. On peut ainsi très bien imaginer que les paroles influent sur l'esprit et qu'elles poussent les esprits faibles dans certaines directions : Socrate n'a-t-il pas été condamné à mort pour « corruption de la jeunesse « ?
-          Considérer également que les paroles ne font pas de mal, c'est s'aveugler au sujet de ce qu'un mal peut être : il n'y a pas que le mal physique qui constitue un crime, mais également le mal moral. Que la calomnie puisse être relayée par la presse est ainsi problématique.
-          Ce faisant, la liberté d'expression pose problème, car elle existe principalement pour contrer l'arbitraire du pouvoir, or, si on choisit de la limiter, ce sera nécessairement le pouvoir qui la limitera. Aussi il semble difficile d'encourager une telle limitation, car ce serait comme rendre le plein pouvoir à la puissance en place.
-          Il apparaît donc qu'il n'y a que deux alternatives : soit tolérer une liberté d'expression absolue, soit renoncer à la liberté d'expression.
-          Le problème consistera donc plutôt à évaluer les bénéfices et les désavantages que l'on peut tirer de l'une ou l'autre proposition, et de choisir laquelle des deux est la meilleure.
 
Problématisation :
La liberté d'expression semble bien inoffensive. Toutefois, croire cela c'est peut-être oublier que l'expression est à la source de toutes les actions des hommes, et que mis à part dans le cas de la folie, les crimes commencent toujours par des pensées, sinon par des « idées tordues «. Ne faudrait-il donc pas empêcher que de telles idées germent dans les esprits fragiles ? Toutefois, peut-il exister une liberté d'expression limitée ? Comment garder le contrôle sur les censeurs s'il n'est pas possible de parler d'eux ? Les maux engendrés par la liberté d'expression sont-ils si grands que l'on doive se priver des bienfaits de cette liberté ?
 
 

« n'avait pas de valeur intrinsèque et que le plaisir de celui qui la goûte, qu'il soit bon ou méchant,est la règle la plus sûre pour en bien juger.

En composant des poèmes suivant cette idée et en yajoutant des paroles conformes, ils inspirèrent à la multitude le mépris des usages et l'audace dejuger comme si elle en était capable.

» (Platon, Lois , 700d) Ainsi la raison déclina-t-elle, et les artistes, esclaves de la multitude, allèrent toujours plus avant dans leur détérioration de l'artmusical.

« L'aristocratie céda la place dans la ville à une méchante théatrocratie » ajoute Platon(Platon, Lois , 701a). - De cette liberté excessive découle ainsi l'instauration de la démocratie, ce « bazar aux constitutions » comme il l'écrit dans la République (en 557d).

Sans autorité légiférant d'après la raison, ce sont alors les sophistes qui prennent le pouvoir et il s'en suit la tyrannie dans laquelleaucune liberté n'est plus possible. - Platon a pris l'exemple de la musique pour justifier la censure, mais on aurait pu en prendre d'autres, en invoquant notamment le fait que certains discours corrompent la jeunesse, ou quecertains comportements ostentatoires encouragent le vice.

Aussi peut-on penser que la libertéd'expression doit parfois être limitée pour permettre l'usage de la liberté fondée en raison. Mais c'est lorsqu'on laisse le peuple s'exprimer qu'il s'éduque le mieux et par lui-même. 2.

- Le point de vue platonicien est cependant largement critiquable.

On peut notamment en trouver une critique parfaitement valable chez Kant, dans son opuscule Qu'est-ce que les Lumières ? - Kant y établit que les lumières se caractérisent par « La sortie de l'homme de sa minorité dont il est lui-même responsable.

Minorité, c'est-à-dire incapacité de se servir de son entendementsans la direction d'autrui, minorité dont il est lui-même responsable puisque la cause en réside nondans un défaut de l'entendement mais dans un manque de décision et de courage de s'en servirsans la direction d'autrui.

Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propreentendement.

Voilà la devise des Lumières.

» - On sait que les Lumières représentent le progrès de la raison au sein de l'humanité.

Ainsi cette sortie de la minorité exprime-t-elle un progrès vers plus de raison chez tous les hommes. - Kant ajoute que cette sortie de la minorité provoque une peur qui est entretenue par des discours fallacieux, et dans lesquels on pourrait semble-t-il ranger celui de Platon.

Ces discourssont le fait des « tuteurs qui très aimablement ont pris sur eux d'exercer une haute direction surl'humanité.

Après avoir rendu bien sot leur bétail et avoir soigneusement pris garde que cespaisibles créatures n'aient pas la permission d'oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ontenfermés.

Ils leur montrent les dangers qui les menacent, si elles essayent de s'aventurer seulesau dehors.

» - D'après Kant, si un public ne naît pas forcément doué et intelligent, il est en mesure, par l'exercice de son entendement, de parvenir à la lumière.

Dans le quatrième paragraphe de sonopuscule, il écrit ainsi : « qu'un public s'éclaire lui-même, rentre davantage dans le domaine dupossible, c'est même pour peu qu'on lui en laisse la liberté, à peu près inévitable.

Car onrencontrera toujours quelques hommes qui pensent de leur propre chef, parmi les tuteurs patentésde la masse et qui, après avoir eux-mêmes secoué le joug de leur minorité, répandront l'espritd'une estimation raisonnable de sa valeur propre et de la vocation de chaque homme à penser parsoi-même.

» - Ainsi Platon ne semble pas comprendre que, si les hommes se laissent guider par leurs plaisirs viciés plutôt que par leur vertu, c'est peut-être parce qu'il ne favorise en rien leur esprit critique.« Les hommes se mettent d'eux-mêmes en peine peu à peu de sortir de la grossièreté, siseulement on ne s'évertue pas à les y maintenir » écrit encore Kant dans Qu'est-ce que les Lumières ? - La liberté d'expression, qui est un encouragement à se servir de son entendement et donc à sortir « l'homme de sa minorité » ne doit donc peut-être pas connaître de limites.

Ce n'est peut-être que parce qu'on maintient l'homme dans la bêtise qu'il se sert bêtement de sa liberté, et lepaternalisme promu par Platon est peut-être le meilleur moyen de le maintenir ainsi hors del'entendement.

En effet, la censure est la façon la plus sûre de ne pas entraîner sa raison critiqueen déléguant celle-ci à des autorités prétendument compétentes. - Mais comment expliquer que la liberté d'expression livrée à elle-même puisse encourager la raison ? La démonstration des bienfaits de la liberté d'expression par Mill dans De la liberté. 3.

- Nous trouverons une démonstration rigoureuse des bienfaits de la liberté d'expression dans l'ouvrage de John Stuart Mill intitulé De la liberté . - Dans le deuxième chapitre de De la liberté , Mill insiste sur le fait qu' « il y a eu, et il y aura encore peut-être, de grands penseurs individuels dans une atmosphère générale d'esclavageintellectuel.

Mais il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais dans une telle atmosphère de peupleintellectuellement actif.

» Or, lorsque le peuple est intellectuellement actif, c'est là qu'à lieu unevéritable émulation intellectuelle qui seule permet de grandes avancées sociales et de grandesdécouvertes.

La liberté d'expression est donc favorable pour élever le niveau culturel du peuple etainsi permettre qu'un plus grand nombre d'esprits inventifs s'exprime.. »

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