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Y a-t-il une illusion propre à la conscience ?

Publié le 04/03/2011

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illusion

On ne voit pas, au premier abord, à quoi l'illusion pourrait faire illusion sinon à la conscience que l'on peut saisir comme effort vers le plus de discernement. En ce sens, toute illusion serait propre à la conscience. Cependant un leurre peut tromper l'animal, comme le savent les chasseurs, mais pas seulement : une cellule photoélectrique permettant d'enregistrer tout ce qui coupe le rayon lumineux sera neutralisée par une source de lumière supplémentaire qui l'éclairera pendant que la première source est occultée par le passage d'un corps ; c'est bien le dispositif de surveillance qui est leurré. Le propre de la conscience tiendrait à l'inverse dans cette capacité exclusive de comprendre et neutraliser l'illusion. Il faudra dès lors, dans un premier temps, comprendre comment les facultés de l'esprit peuvent faire de l'illusion l'impropre par excellence.   

illusion

« davantage comme la 3volonté de s'en tenir, au-delà des apparences, au vrai.

Il y aurait donc une illusion propre à la conscience, uneespèce d'enchantement à propos de soi et du monde, puisque son contraire a clairement la signification dudésenchantement.

Mais on risque encore de déchanter de cette désillusion parce qu'on n'en a peut-être jamais finiavec les illusions en général.L'illusion la plus tenace consisterait alors à croire que l'on peut s'en libérer alors que, comme Diderot le fait dire àson personnage Jacques le fataliste « la vie se passe en quiproquos » et le moindre n'est pas celui qu'entretient laconnaissance.

« On est fataliste, écrit-il ailleurs, et à chaque instant on pense, on parle, on écrit comme si l'onpersévérait dans le préjugé de la liberté, préjugé dont on a été bercé, qui a institué la langue vulgaire qu'on abalbutiée et dont on continue à se servir, sans s'apercevoir qu'elle ne convient plus à nos opinions.

»(Réfutation del'Homme d'Helvétius) Dans l'attitude à adopter à l'égard de cette tromperie-de-soi, le préférable rejoint le possible :conserver cette inquiétude dont Leibniz disait qu'elle constitue le sel de la vie, être sensible à ce que l'on perçoit etremarque sans jamais croire que l'on peut venir à bout de l'obscurité d'où émergent nos résolutions.Quel statut pour le sujet conscient dans cette patience envers le vrai ?La conquête la plus manifeste de la psychanalyse est d'avoir confirmé l'effectivité de ce qui échappe à laconscience.

« L'homme n'est pas maître dans sa maison » soutenait Freud parce qu'il est soumis à des pulsions, desforces psychiques qui le conditionnent.

La preuve la plus intéressante de cette hypothèse réside dans ces maladiesqu'on ne saurait expliquer de façon classique en termes de lésion ou de déficience organiques et que Freud nommeranévroses.

Mais la guérison, la thérapie, ne sont pensables que sur la base de l'opposition entre l'illusion et la vérité -l'apparence de vivre conformément à des principes alors que l'on réagit à un contenu refoulé, à l'inverse de la prisede conscience de ce refoulé, conscience censée en neutraliser l'influence - vérité dont le critère réside dans laconscience-de-la-guérison du patient, conscience-de-la-guérison distincte de la tromperie-de-soi sans que l'onpuisse dire distinctement en quoi.Voilà une façon de souligner que la psychanalyse, comme toute discipline prétendant à une certaine scientificité, nepeut échapper à ses critiques ; mais celles-ci ne peuvent non plus annuler plus d'un siècle de son histoire au coursduquel elle a pu montrer son efficacité.

L'essentiel à retenir est cette relativisation de la conscience, mise en causedéjà présente dans la pensée de Nietzsche.

Celle-ci peut être comprise d'une part comme une philosophie de lanature : le sujet n'est que partie d'un tout dont il exprime, à son échelle, la dynamique, le jeu de forces ; il en estainsi pour les êtres vivants qui tendent tous, selon Nietzsche, à un maximum de forces ou plutôt à un maximumd'expression de toute force vitale.

Le darwinisme 4montrera cependant, sur ce point, que ce n'est pas la profusion, la dépense, mais bien l'économie, le minimum utile,qui constitue la règle.

Mais quelle place peut avoir l'illusion dans l'économie de la vie consciente des hommes ? Lacritique nietzschéenne, comme philosophie de la culture, présente de façon radicale et stimulante le rapport au vraiet la volonté de l'établir, la volonté de vérité, comme des illusions vitales, comprenons nécessaires à la vie : ainsi lascience, sa foi dans la matière, dans l'unité, dans la causalité, est une illusion nécessaire à l'action.

Ici, la physiquecontemporaine justifie les intuitions les plus hardies de cette philosophie en déréalisant la matière, en dévoilant levide derrière le plein, la fluidité des champs de forces derrière la compacité des corps perçus.

Mais toutes lesillusions ne se valent pas, selon Nietzsche : il y a une volonté de se préserver, qui est la dernière expression del'épuisement et, à ce titre, condamne la vitalité et la force en les retournant contre elles-mêmes ; telle est la moralequi produit l'illusion de la culpabilité pour tout ce qui n'est qu'instinct, impulsion, c'est-à-dire pour tout ce qui estindifférent aux valeurs.

A l'inverse, il y a une volonté qui ne veut rien d'autre que son expansion et qui s'exprimedans les grands sursauts culturels dont l'exemple, sinon le modèle, le plus univoque est l'expression artistique : elleconstitue une victoire sur l'inertie et une dépense d'énergie dont la valeur se mesure dans l'efficacité desapparences qu'elle produit sans qu'il soit nécessaire de leur opposer la vérité.

La signification de cette dernièreparaît surprenante : elle est précisément l'illusion la plus constante dont se nourrit la conscience ; pour le meilleurquand cela revient à simplifier la vie - telle est la vertu paradoxale de la connaissance - et pour le pire quand laconscience du vrai dévalorise le monde en produisant l'illusion d'une autre réalité, d'un ordre inversé où la rancoeurtient lieu de vertu et où le mérite doit consoler de la vie.Comment la philosophie peut-elle se perpétuer après une telle démystification de la recherche de la vérité ? Commevolonté de discernement, prudente quant à sa maîtrise des illusions, comme conscience décalée par rapport à cetteconscience illusoire du vrai.

Parce que ce décalage reste une condition fondamentale de tout effort pourcomprendre et qu'il renvoie à l'être de la conscience : un mouvement, un pro-jet plutôt que la compacité de lasubstance qui correspond tellement à l'illusion d'être quelque chose et de le rester. \Sujet désiré en échange : La connaissance scientifique dissipe-t-elle la superstition ?. »

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