Y a-t-il une morale ou des morales ?
Publié le 27/02/2008
                             
                        
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                                «
                                                                                                                            peut être que  dans le temps  ; le milieu  ambiant, le  moment historique se  trouvent liés à la conscience  la plusimmédiate de nous-mêmes.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est en fonction de ce milieu que nous nous définissons à nos propres yeux et aux yeuxdes autres.
                                                            
                                                                                
                                                                    Tout notre être est solidaire des êtres et des choses qui nous entourent, enraciné au plus profond.Adhérence au monde, participation et appartenance à des groupes, à des époques, figurent notre inscription sur laterre des vivants...
                                                            
                                                                                
                                                                    Nous ne sommes pas étrangers sur la terre, inaccessibles aux circonstances, mais insérés enelles,  comme le  voyageur toujours  situé entre les lignes mouvantes  d'un horizon qu'il peut déplacer mais  jamaissupprimer.
                                                            
                                                                                
                                                                    La mesure de l'homme est sans cesse à reprendre, parce que son existence ne se suffit pas à elle-mêmeet porte  la marque  de son  temps...
                                                            
                                                                                
                                                                     » (Gusdorf, «  Traité de l'existence  morale » 1949).
                                                            
                                                                                
                                                                    Les philosophes  et lespenseurs qui prétendraient  énoncer des principes  moraux définitifs  et éternels,  ne pourraient  le faire  qu'en  sefondant  sur l'identité  d'une « nature  » humaine  à travers le  temps et l'espace  ; or cette  conception même  del'homme porterait, sans qu'ils le sachent, la marque historique de leur époque et ils « projetteraient » dans ces idéesles normes implicites de leur culture.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ainsi au cours d'une interview d'un célèbre psychosociologue  américain, unFrançais essayait d'avoir son avis  sur les valeurs  idéales,  sur les absolus  qui, disait-il,  sont les aspirationspermanentes et générales des hommes.
                                                            
                                                                                
                                                                    Et l'Américain répondit : « Votre problème représente Une manière de voirtypiquement Vieille-Europe des débuts du XXe siècle »...
— II — Stabilité de l'axe moral.
Les considérations qui précèdent ont une valeur de faits et il serait vain de les discuter, car elles sont indiscutables.Chaque homme participe à un univers historique, pense en fonction de ce que les situations présentes exigent de luiet en fonction de ce qu'il prend pour des règles absolues et qui sont des habitudes sociales incorporées à son être.Non seulement  les morales varient  selon l'âge, les cultures, les milieux et  les classes, mais il existe des moralessimultanées, une morale des individus et une morale des nations, une morale du temps de paix et une du temps deguerre, une morale de l'occupant et  une morale des opprimés...
                                                            
                                                                                
                                                                    Pire  encore, il existe pour  chacun de nous  unemorale selon le groupe historico-social auquel on s'identifie à tel moment de la vie et peut-être même de la journée :ainsi en tant que père de famille je me conduis selon d'autres normes qu'en tant que participant à une partie fine ouqu'en tant qu'automobiliste, ou qu'en tant que malade lorsque je suis malade etc.Il convient d'ajouter cependant un certain nombre d'autres constatations si l'on veut avoir une vue plus complète duproblème moral :1 — Identification des phénomènes sociologiques et des phénomènes moraux dans les thèses de la relativité de lamorale.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les faits par lesquels la diversité des morales se prouve le plus, sont les faits où se mêlent inséparablementles phénomènes sociaux, les phénomènes religieux et les attitudes morales : les cérémonies rituelles d'initiation desjeunes, par exemple,  dans les peuplades  dites primitives  sont en même  temps  des institutions,  des cérémoniesreligieuses et des obligations morales...
                                                            
                                                                        
                                                                    La diversité des institutions sociales et celle des rites religieux contaminedans ces exemples la pureté de la démonstration.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il en est de même dans les exemples de la relativité selon l'âge oùle changement d'ordre  biologique intervient, comme  interviennent les différences de  soucis professionnels ou  destructure sociale dans les exemples de relativité des normes morales selon le milieu ou la classe sociale.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'hypothèseimplicite est donc l'identité de nature des normes morales et des normes biologiques ou sociales.
                                                            
                                                                                
                                                                    Loin de démontrercette identité, les arguments donnés la présupposent, ce qui est une « pétition de principes ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Or il y a deux ordresde faits au moins où la séparation de ces normes peut être constatée :
A.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'insurrection d'individus contre les normes du milieu au nom de valeurs qu'ils jugent supérieures.
                                                            
                                                                                
                                                                    « De tout temps», écrit  Bergson  dans « Les  deux  sources  de la Morale  et de  la Religion  » (1932),  « ont  surgi  des hommesexceptionnels en lesquels une nouvelle morale s'incarnait.
                                                            
                                                                                
                                                                    Avant les saints du christianisme, l'humanité avait connules sages de la Grèce, les prophètes d'Israël, les Arahants du bouddhisme et d'autres encore...
                                                            
                                                                                
                                                                    » Ajoutons-y tousles doctrinaires des révolutions, de Spartacus à Lénine et à Gandhi.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il est évident que leur insurrection morale étaitfonction  des circonstances  historiques et du  milieu  dans lesquels  ils se  trouvaient.
                                                            
                                                                                
                                                                     Mais dans  cette  phrase,l'expression « était fonction des circonstances » n'a pas le même sens que dans les arguments relativistes puisqueles habitudes  d'action et de  pensée  contre lesquelles  ils s'élevaient,  étaient précisément  aussi, chez leurscontemporains conformistes, « fonction » des circonstances historiques et du milieu.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les uns s'imprègnent de ceshabitudes  sociales, les autres  s'insurgent  contre elles ; dans  les deux  cas le comportement  est fonction  deshabitudes sociales, mais dans le premier cas il les exprime, dans le second cas il les met en question au nom d'autresprincipes.
                                                            
                                                                                
                                                                    D'où viennent donc ces autres principes ?Une des meilleures  réponses que l'on puisse faire à cet argument  est de dire que  précisément de  tels individusparaissent immoraux à la conscience collective de leur époque.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais d'une part, cette réaction est.
                                                            
                                                                                
                                                                    une réactionnormale de défense  d'un système  d'habitudes devant  l'émergence d'une idée nouvelle (il y a toujours  une sorted'inertie des habitudes collectives qui fait qu'on « ne comprend pas », et qu'on « n'y croit pas ») ; d'autre part, ilest non  moins  incontestable  que ces idées  éveillent  d'autres consciences,  et trouvent  à plus  ou moins  longueéchéance, des échos et des fidèles.
B — L'identité  d'inspiration des  revendications contre  les normes sociales  historiques.
                                                            
                                                                                
                                                                    Nous  aurons l'occasion derevenir sur ce fait important.
                                                            
                                                                                
                                                                    Constatons ici que tous ces « hommes exceptionnels » qui ont rompu avec la forceprégnante et pétrifiante  des habitudes  sociales d'une époque  pour proclamer  une idée  morale  neuve etrévolutionnaire, étaient animés par des soucis, des besoins et des sentiments identiques qui peuvent se résumer enceci : « Davantage de justice et davantage de liberté ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Socrate devant le tribunal du peuple qui allait le condamneren 399  av.
                                                            
                                                                                
                                                                    J.-C.
                                                            
                                                                                
                                                                     pour corruption  de la jeunesse,  Thomas Morus condamné  à mort  en 1535  par Henri  VIII.
                                                                                                                    »
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