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Abbas, Manifeste du peuple algérien

Publié le 02/04/2013

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abbas

Déçu de ne pas avoir vu triompher le courant assimilationniste dont il a longtemps été le porte-parole, Ferhat Abbas profite de la situation politique de 1943 — et particulièrement de la présence dans les départements français d’Algérie des forces anglo-américaines, depuis le débarquement du 8 novembre 1942, et du gouvernement provisoire de la France libre qui donne une audience nouvelle aux Algériens dans le concert des nations — pour publier un Manifeste du peuple algérien le 10 février 1943, signé par 28 personnalités musulmanes. Celui-ci s’appuie sur les déclarations de Roosevelt en faveur du respect des droits de tous les peuples au lendemain de la guerre, notamment dans la charte de l’Atlantique (1941), pour réclamer la participation des Algériens aux décisions et aux institutions de leur pays. Prudent et habile, Ferhat Abbas n’évoque pas la formation d’une république algérienne indépendante ou fédérée à la France. Il n’en secoue pas moins l’opinion alors que commencent à surgir dans le monde d’autres velléités d’indépendance.

Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas, 10 février 1943

 

Fort de cette déclaration, le peuple algérien demande dès aujourd’hui, pour éviter tout malentendu et barrer la route aux visées et aux convoitises qui pourraient naître demain : a) La condamnation et l’abolition de la colonisation, c’est-à-dire de l’annexion et de l’exploitation d’un peuple par un autre peuple. Cette colonisation n’est qu’une forme collective de l’esclavage individuel du Moyen Âge. Elle est en outre une des causes principales des rivalités et des conflagrations entre les grandes puissances. b) L’application pour tous les pays, petits et grands, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. c) La dotation à l’Algérie d’une Constitution propre garantissant : 1° La liberté et l’égalité absolues de tous ses habitants sans distinction de race ou de religion. 2° La suppression de la propriété féodale par une grande réforme agraire et le droit au bien-être de l’immense prolétariat agricole. 3° La reconnaissance de la langue arabe comme langue officielle, au même titre que la langue française. 4° La liberté de la presse et le droit d’association. 5° L’instruction gratuite et obligatoire pour les enfants des deux sexes. 6° La liberté du culte pour tous les habitants et l’application à toutes les religions du principe de la séparation de l’Église et de l’État. d) La participation immédiate et effective des musulmans algériens au gouvernement de leur pays ainsi que cela a été fait par le gouvernement de Sa Majesté britannique et le général Catroux en Syrie, et par le gouvernement du maréchal Pétain et les Allemands en Tunisie. Ce gouvernement pourra seul réaliser, dans un climat d’unité parfaite, la participation du peuple algérien à la lutte commune. e) La libération de tous les condamnés et internés politiques, à quelque parti qu’ils appartiennent. La garantie et la réalisation de ces cinq points assureront l’entière et sincère adhésion de l’Algérie musulmane à la lutte pour le triomphe du droit et de la liberté [...]. Le peuple algérien, connaissant le sort réservé aux promesses faites durant les hostilités, voudrait voir son avenir assuré par des réalisations tangibles et immédiates. Il accepte tous les sacrifices. C’est aux autorités responsables à accepter sa liberté.

 

 

Source : Eveno (Patrick) et Planchais (Jean), la Guerre d’Algérie, Paris, la Découverte-le Monde, 1990.

 

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