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Article de presse: Dégel entre Moscou et Pékin

Publié le 22/02/2012

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10 juillet 1985 - 1984 avait été pour la Chine l' " année des Etats-Unis ", avec la visite à Pékin du président Reagan; 1985 aura été l' " année de l'URSS ". Jamais, depuis leur brouille il y a un quart de siècle, les deux pôles du communisme mondial n'avaient échangé autant de délégations, ni resserré autant leurs relations. Les contacts avaient débuté de manière spectaculaire fin décembre 1984 avec la visite à Pékin du vice-premier ministre soviétique, Ivan Arkhipov. La mort de Tchernenko et l'arrivée au pouvoir de Mikhail Gorbatchev ont modifié le climat plutôt frais qui prévalait pendant l'ère brejnévienne. Cet été, Yao Yilin, vice-premier ministre, a rendu à Moscou la visite d'Ivan Arkhipov et signé un accord commercial pour cinq ans. Il y eut ensuite la rencontre des ministres des affaires étrangères aux Nations unies. On ne compte plus les échanges de délégations : parlementaires, écrivains, artistes, sportifs. Les échanges commerciaux se sont intensifiés, et plusieurs points de passage de marchandises ont été ouverts. Parallèlement, les relations entre la Chine et les pays du bloc de l'Est se sont intensifiées, notamment la RDA. Pékin ne se satisfait cependant pas d'entretenir des relations avec les durs du bloc de l'Est. En dehors de ses liens privilégiés avec la Yougoslavie et la Roumanie, la Chine s'intéresse aux expériences économiques novatrices de la Hongrie, voire même de la Pologne. Elle serait prête à rétablir des relations de parti à parti avec certains pays de l'Est, mais il semble que, pour le moment, le Kremlin lui-même n'y soit pas favorable. En effet, de telles relations semblent toujours hors de question entre PC chinois et PC soviétique. Les Chinois le répètent tout haut, les Soviétiques le confirment tout bas. Car si les relations avec l'URSS se sont améliorées, " jusqu'à un certain point ", il n'y a pas encore eu, comme vient de le déclarer Wu Xuequin, " à notre regret ", d'amélioration fondamentale. La raison principale en est que persistent les fameux " trois obstacles " mis en avant par la Chine: retrait des forces soviétiques de la frontière chinoise; départ des Soviétiques d'Afghanistan et des Vietnamiens du Cambodge. La solution de ces trois problèmes, ou d'au moins un ou deux d'entre eux, est donc la précondition chinoise à une normalisation pleine et entière. Mais cela n'empêche pas le développement des échanges commerciaux. Le Kremlin et Zhongnanhai (la résidence des dirigeants chinois) ont un égal pragmatisme, et les affaires sont les affaires. Il faut cependant se méfier des apparences: si Moscou a tout intérêt à gonfler les effets de ce rapprochement, en partie dans le but de créer un fossé entre Pékin et Washington, les Chinois ont, pour leur part, intérêt à minimiser les progrès accomplis, en partie pour ne pas inquiéter outre mesure la Maison Blanche, qui ne voit pas toujours d'un bon oeil ce rapprochement entre les deux géants communistes. Si l'URSS est intéressée à une normalisation avec la Chine, cette dernière aurait encore plus à y gagner, à condition que le prix soit supportable. En dehors des affaires, et de la possibilité d'exporter des produits invendables sur le marché occidental, Pékin voudrait que le Kremlin l'aide à résoudre d'une manière qui lui soit favorable l'imbroglio cambodgien. Les Soviétiques font la sourde oreille sur cette question, tandis que les Chinois accordent une certaine place aux informations sur les succès de la résistance afghane. Quoi qu'il en soit, même si le processus de normalisation se prolonge encore des années, au point de susciter l'impatience publique de Deng Xiaoping, un pas déterminant a été franchi. Certes, l'URSS demeure l'adversaire potentiel numéro un de la Chine, et certains Chinois parlent encore de la possibilité d'attaques surprises, mais la réforme de l'armée chinoise, qui vient de se voir amputer de plus d'un million d'hommes, montre que l' " ours " soviétique ne fait plus aussi peur. PATRICE DE BEER Le Monde du 20 décembre 1985

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