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Article de presse: Enquête sur l'OAS

Publié le 22/02/2012

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1er septembre 1961 - L'OAS, (Organisation de l'armée secrète) est née en février 1961 des " accords de Madrid ". que conclurent entre eux quelques-uns des futurs participants du putsch d'avril. Après l'échec, l'organisation prit une forme nouvelle, traversa des crises, reçut quelques coups mais s'assura de nombreux soutiens, élimina enfin-ou tenta d'éliminer-tous ceux qui, autour d'elle, ne se pliaient pas à la discipline militaire que ses chefs voulaient lui imposer. Pour la première fois en effet les activistes algérois se sont placés sous la coupe d'hommes étrangers à leur milieu... et d'un tempérament assez différent du leur. Et c'est pour l'instant la personnalité de ses chefs qui donne à l'Organisation ses caractères originaux. Une " instruction particulière " de Raoul Salan, datée du 2 septembre dernier, déclarait : " L'OAS/Algérie-Sahara est actionnée par un état-major installé sur place, à la tête duquel se trouvent Guy (Gardy) et Claude (Godard), assistés de trois responsables de branche : Pauline (Dr Perez) pour la partie renseignement, Fleur (Gardes) pour l'organisation, et Janine (Susini) pour la politique et l'action psychologique. Cet état-major est, en ce qui concerne l'Algérie/Sahara, l'instrument de commandement direct. " Cette hiérarchie ne correspond plus tout à fait à la réalité. Jean-Jacques Susini, surtout, a pris une importance nouvelle, et, au sein de l'état-major proprement dit, bénéficierait de la même liberté d'action que Godard et Gardy. Ce jeune homme pâle et blond, frêle d'apparence, fasciste convaincu, aurait notamment autorité sur les tueurs de l'OAS. Sans doute faut-il encore mettre à part dans cet état-major l'ex-général Jouhaud, dit Compagnon, relativement effacé et qui cumule les fonctions d'adjoint auprès de Soleil (Salan) et de commandant de la zone III de l'OAS, c'est-à-dire de son pays natal, l'Oranie. Aux autres échelons, l'organisation clandestine a en principe calqué son dispositif sur celui de l'armée, divisant le territoire en zones, secteurs, sous-secteurs et quartiers. A la tête de la zone d'Alger, par exemple, se trouve une " organisation de renseignement et d'opération ", dite ORO, dirigée par un " bureau d'opération et d'action " (BOA). C'est là que sont rassemblés tous les renseignements sur les personnalités jugées " suspectes " ou " dangereuses ", c'est là que sont formés les commandos spécialisés chargés des attentats et mises au point les actions de choc. Une seconde branche de l'OAS s'occupe de l'organisation des masses (OM), de leur " structuration " -selon le vocabulaire employé il n'y a pas si longtemps par l'autorité militaire-et du soutien de l'action clandestine. Là s'organisent les collectes de fonds, la mobilisation des UT (unités territoriales), l'assistance aux familles des clandestins, la mise au point des filières de passage à l'extérieur de l'Algérie ou d'un point à un autre du territoire, etc. Enfin, une organisation d'action psychologique (OAP) assume une tâche de propagande, définit les mots d'ordre, assure leur diffusion par tracts, affiches, inscriptions murales, etc. Tel est le schéma. On voit qu'il s'inspire à la fois de l'expérience des militaires, des techniques de la guerre subversive telles que Gardes, Lacheroy, Godard et bien d'autres les ont assimilées, enfin de quelques leçons empruntées au FLN. La réalité ne correspond pas toujours à cette image. L'OAS, bien sûr, a des points forts et des points faibles. Géographiquement, son influence dépend beaucoup des appuis locaux dont elle bénéficie. On admet cependant qu'elle est surtout solidement implantée dans l'Algérois (zone côtière allant de la région de Méderville à l'est à celle de Cherchell à l'ouest), dans les secteurs où la population européenne est plus dense-Oran et Bône bien entendu-et là où des complicités particulièrement actives, militaires ou autres, lui sont assurées. Mais, au sein même de l'Organisation, des difficultés plus ou moins graves se font parfois sentir. L'OAS, par exemple, ne contrôle qu'imparfaitement certains de ses responsables. La collecte de fonds a longtemps causé de graves soucis aux responsables de l'OAS. Malgré l'afflux des cotisations, c'est à peine si l'organisation parvenait à couvrir l'essentiel de ses dépenses. Un gros effort a été entrepris depuis quelques semaines dans ce domaine. Les collecteurs sont désormais tenus, afin de limiter les risques de détournements, de délivrer une quittance au " cotisant " : il s'agit de petits imprimés roses, portant le timbre ambigu d' " office d'action sociale " et sur lesquels sont indiquées les sommes versées. De plus, une sélection a été faite parmi les collecteurs. Ce sont les " groupes de choc " de l'organisation clandestine qui constituent assurément l'élément le plus solide de l'OAS, celui dont les activités sont les plus redoutables. On comptait, à Alger seulement, en septembre, une trentaine d'équipes de ce genre, d'un effectif total de l'ordre de deux cents hommes, chacune étant désignée par une appellation allant de " Delta 1 " à " Delta 30 ". C'est au dispositif " Delta " qu'étaient imputés les attentats à l'explosif et les assassinats commis par l'OAS dans la ville. A en croire l'OAS, le recrutement s'effectue sans difficultés. Les effectifs Il reste que, pour l'ensemble de l'Algérie, on estime à plus de 1500-dont plusieurs centaines de tueurs proprement dits-le nombre d'individus vivant actuellement dans la clandestinité, effectivement contrôlés par l'OAS et dépendant en principe de l'ORO (Organisation renseignement opérations). Un peu plus d'un millier encore seraient également contraints de se cacher, mais ne sont pas aptes, pour des raisons diverses, à des actions de commando. Entre ces militants irrémédiablement engagés et la masse des sympathisants, il existe une troupe de manoeuvre beaucoup plus nombreuse, qui participe à des activités moins violentes et moins meurtrières, mais qui constitue la véritable infrastructure de l'Organisation. On ne peut se risquer à aucune évaluation sérieuse d'effectifs pour l'ensemble de l'Algérie. Pour l'agglomération algéroise, une estimation de dix mille à quinze mille hommes-la plupart armés-est fréquemment avancée. A Oran, des renseignements sérieux font état de deux cents personnes occupant des fonctions au sein des différents réseaux de l'OAS, auxquelles s'ajoutent une cinquantaine de militants de l'ancien réseau " France-Résurrection " et plusieurs centaines d'éléments occasionnels. Il faut aussi tenir compte des unités territoriales (U.T.), qui représentent plusieurs milliers d'hommes dans la ville et près de dix mille dans la région. Le recrutement dans ce domaine dépend largement des circonstances et des services demandés. Parmi les unités territoriales, dont Salan annonçait récemment la mobilisation, la plupart des officiers ont été sollicités, mais la " prise en main " de la troupe proprement dite paraît peu avancée. Il est vrai qu'elle se heurte à des exigences de clandestinité auxquelles les chefs de l'OAS ont appris à se soumettre avec rigueur. Les UT ne sont pas seules en cause. Ce n'est pas sur cette organisation, en fait, que l'OAS s'appuie pour l'essentiel, mais plutôt sur l'ancien DPU (Dispositif de protection urbaine), créé en 1956 et longtemps animé par les services des colonels Godard et Vaudrey, notamment. Cet organisme a sensiblement remanié son dispositif, abandonnant en particulier le principe du découpage par arrondissements de police pour " coller " de préférence au quadrillage militaire. Les activistes bénéficient enfin d'innombrables complicités parmi ceux qui devraient précisément les combattre. C'est ainsi que des policiers algérois communiquent régulièrement aux services de renseignement de l'organisation clandestine les informations qu'ils recueillent dans les commissariats. D'autres ferment obligeamment les yeux sur l'identité de tel ou tel individu interpellé-par erreur ?-à un contrôle routier. Au-delà, il y a la masse des sympathisants. Il est d'usage d'affirmer-dans les milieux les plus divers-qu'elle représente 95 % de la population européenne, au moins à Alger, à Oran et peut-être à Bône. Le fait est que les Français d'Algérie, dans leur majorité, se déclarent volontiers " pour " l'OAS. Avec des nuances toutefois : certains, engagés par conviction, accomplissent scrupuleusement les tâches qui leur ont été assignées; d'autres, venus à l'OAS par ambition ou intérêt, espèrent jouer quelque jour un rôle politique. Mais, dans l'ensemble, les cotisations " rentrent bien ", et parmi les esprits les plus pondérés on ne songe guère à récuser une organisation à qui l'on accorde sa sympathie. Pour la grande majorité des Européens d'Algérie, l'OAS se présente comme un dernier espoir, en qui l'on a confiance " parce qu'il faut bien avoir confiance en quelque chose ", et que l'on est devenu sourd, après tant de déceptions, à tout ce qui peut venir d'un gouvernement honni, presque étranger. Reste à savoir ce que l'on espère exactement de l'OAS, ce que l'on attend de ses chefs. Les intentions qu'on leur prête sont mal définies, et chacun ne veut y voir le plus souvent que le reflet de ses propres opinions. L'avenir de l'OAS Il n'existe pratiquement aucune unité de vue dans le mouvement. C'est assurément la faiblesse la plus évidente de l'OAS, celle aussi dont ses membres intelligents sont le plus conscients. Aussi bien se préoccupent-ils moins de mobiliser leurs hommes sur un programme constructif que sur le refus d'une politique qui fait l'unanimité contre elle. La peur des masses musulmanes tout d'un coup libérées, la peur du FLN, c'est le ciment de troupes que rien d'autre n'unit. C'est pourquoi l'idée la plus communément admise est que l'OAS ne risquera pas son va-tout avant que cette peur ait atteint son paroxysme, avant que les Français d'Algérie aient perdu tout espoir d'éviter un sort que la plupart jugent inacceptable. Peut-être la paix suffira-t-elle à désarmer les moins résolus. Mais l'angoisse demeure et ne pourra s'éteindre avant que l'expérience d'une condition nouvelle ait été réussie. Avant cela, en toute hypothèse, le moment précis où un accord conclu entre la France et le GPRA devra être appliqué en Algérie sera un moment critique. Les complicités militaires sur lesquelles peut compter l'OAS sont, à vrai dire, très... nuancées. Elles sont naturellement d'autant plus assurées que les officiers à qui l'organisation clandestine fait appel éprouvent à l'égard du régime un ressentiment plus vif. Outre l'inconfort que ressentent de nombreux cadres à l'idée qu'il pourrait leur être demandé d'arrêter certains de leurs anciens camarades, d'autres officiers traversent actuellement des épreuves qui les rendent plus sensibles que d'autres aux sollicitations de l'opposition activiste. Ainsi nombre d'officiers des SAS (sections administratives spécialisées) sont-ils actuellement contraints, compte tenu du " resserrement " du dispositif militaire, d'abandonner des postes et des populations à l'égard desquels ils persistent à se sentir personnellement et politiquement engagés. S'étonnera-t-on, dans ces circonstances, que certains officiers ne refusent pas d'accueillir sous leur toit " des ennemis du régime " ? D'autres complicités militaires, plus déclarées, peuvent être assurées à l'OAS si l'occasion paraît favorable. Çà et là, on s'inquiète du loyalisme de tel ou tel officier. Ailleurs, on n'ignore pas que l'attachement à la République du commandant d'une unité n'est pas partagé par la majorité de ses cadres. Mais les préoccupations les plus sérieuses concernent la Légion étrangère. Non pas toute la Légion, mais plusieurs de ses régiments. Dans une Algérie indépendante et unitaire, elle perdrait avec Sidi-Bel-Abbès son " haut lieu ", son domaine, ses quartiers et son terrain de manoeuvre. L'engagement de plusieurs de ses unités dans le putsch d'avril, leur dissolution ensuite, ont également affecté la majorité des képis blancs. Pour ces raisons notamment, l'opposition au régime a trouvé chez certains légionnaires une audience favorable. C'est de leurs rangs que viennent la majorité des déserteurs. L'OAS fait volontiers état des multiples appuis dont elle jouirait dans l'armée. A en croire ses représentants, il existerait une véritable organisation militaire clandestine en contact régulier dans chaque zone, mais à cet échelon seulement, avec les responsables civils du mouvement. Sans doute quelques officiers sont-ils effectivement engagés dans les rangs de l'OAS. Celle-ci obtient ici ou là, grâce à eux, un appoint en matériel ou de précieux renseignements. Le contraire, si l'on tient compte des expériences antérieures, serait surprenant. Mais, plus encore dans l'armée qu'auprès de la population européenne, l'OAS ne bénéficie pas d'un appui " inconditionnel ". Déjà les attentats individuels heurtent moralement trop d'officiers. Politiquement, les mêmes sympathisants ne soutiendraient pas de la même manière n'importe quelle entreprise. Il est vraisemblable que beaucoup de militaires ne se résoudraient pas, le cas échéant, à ouvrir le feu les premiers sur des " manifestants " français, armés ou non, et il est difficile de prévoir ce qu'il adviendrait le jour où un accord avec le FLN amènerait d'abord l'installation en Algérie de " ministres " du GPRA, ensuite un changement de drapeau. Peu d'officiers, en revanche-ne serait-ce que par crainte d'une violente réaction du type " Front populaire " -estimeraient raisonnable de provoquer, aujourd'hui, un nouveau coup de force. Les possibilités tactiques de l'OAS sont, logiquement, limitées. Lancés à contre-courant d'une évolution politique inévitable, ses chefs ne sauraient remporter de succès durable. Reste à savoir si les passions exaspérées autour du règlement de l'affaire algérienne ne leur permettront pas, malgré tout, d'infliger au pays de nouvelles et difficiles épreuves. ALAIN JACOB Le Monde du 15-20 novembre 1961

« constituent assurément l'élément le plus solide de l'OAS, celui dont les activités sont les plus redoutables.

On comptait, à Algerseulement, en septembre, une trentaine d'équipes de ce genre, d'un effectif total de l'ordre de deux cents hommes, chacune étantdésignée par une appellation allant de " Delta 1 " à " Delta 30 ".

C'est au dispositif " Delta " qu'étaient imputés les attentats àl'explosif et les assassinats commis par l'OAS dans la ville. A en croire l'OAS, le recrutement s'effectue sans difficultés. Les effectifs Il reste que, pour l'ensemble de l'Algérie, on estime à plus de 1500-dont plusieurs centaines de tueurs proprement dits-lenombre d'individus vivant actuellement dans la clandestinité, effectivement contrôlés par l'OAS et dépendant en principe del'ORO (Organisation renseignement opérations).

Un peu plus d'un millier encore seraient également contraints de se cacher, maisne sont pas aptes, pour des raisons diverses, à des actions de commando. Entre ces militants irrémédiablement engagés et la masse des sympathisants, il existe une troupe de manoeuvre beaucoup plusnombreuse, qui participe à des activités moins violentes et moins meurtrières, mais qui constitue la véritable infrastructure del'Organisation.

On ne peut se risquer à aucune évaluation sérieuse d'effectifs pour l'ensemble de l'Algérie. Pour l'agglomération algéroise, une estimation de dix mille à quinze mille hommes-la plupart armés-est fréquemment avancée.

AOran, des renseignements sérieux font état de deux cents personnes occupant des fonctions au sein des différents réseaux del'OAS, auxquelles s'ajoutent une cinquantaine de militants de l'ancien réseau " France-Résurrection " et plusieurs centainesd'éléments occasionnels. Il faut aussi tenir compte des unités territoriales (U.T.), qui représentent plusieurs milliers d'hommes dans la ville et près de dixmille dans la région. Le recrutement dans ce domaine dépend largement des circonstances et des services demandés.

Parmi les unités territoriales,dont Salan annonçait récemment la mobilisation, la plupart des officiers ont été sollicités, mais la " prise en main " de la troupeproprement dite paraît peu avancée.

Il est vrai qu'elle se heurte à des exigences de clandestinité auxquelles les chefs de l'OAS ontappris à se soumettre avec rigueur. Les UT ne sont pas seules en cause.

Ce n'est pas sur cette organisation, en fait, que l'OAS s'appuie pour l'essentiel, mais plutôtsur l'ancien DPU (Dispositif de protection urbaine), créé en 1956 et longtemps animé par les services des colonels Godard etVaudrey, notamment.

Cet organisme a sensiblement remanié son dispositif, abandonnant en particulier le principe du découpagepar arrondissements de police pour " coller " de préférence au quadrillage militaire. Les activistes bénéficient enfin d'innombrables complicités parmi ceux qui devraient précisément les combattre.

C'est ainsi quedes policiers algérois communiquent régulièrement aux services de renseignement de l'organisation clandestine les informationsqu'ils recueillent dans les commissariats.

D'autres ferment obligeamment les yeux sur l'identité de tel ou tel individu interpellé-parerreur ?-à un contrôle routier. Au-delà, il y a la masse des sympathisants.

Il est d'usage d'affirmer-dans les milieux les plus divers-qu'elle représente 95 % dela population européenne, au moins à Alger, à Oran et peut-être à Bône. Le fait est que les Français d'Algérie, dans leur majorité, se déclarent volontiers " pour " l'OAS.

Avec des nuances toutefois :certains, engagés par conviction, accomplissent scrupuleusement les tâches qui leur ont été assignées; d'autres, venus à l'OAS parambition ou intérêt, espèrent jouer quelque jour un rôle politique. Mais, dans l'ensemble, les cotisations " rentrent bien ", et parmi les esprits les plus pondérés on ne songe guère à récuser uneorganisation à qui l'on accorde sa sympathie. Pour la grande majorité des Européens d'Algérie, l'OAS se présente comme un dernier espoir, en qui l'on a confiance " parcequ'il faut bien avoir confiance en quelque chose ", et que l'on est devenu sourd, après tant de déceptions, à tout ce qui peut venird'un gouvernement honni, presque étranger.

Reste à savoir ce que l'on espère exactement de l'OAS, ce que l'on attend de seschefs.

Les intentions qu'on leur prête sont mal définies, et chacun ne veut y voir le plus souvent que le reflet de ses propresopinions. L'avenir de l'OAS. »

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