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Article de presse: G 8 La Russie dans le club des grands pays industrialisés

Publié le 22/02/2012

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20-22 juin 1997 - Boris Eltsine a inauguré, le 20 juin au soir, le premier dîner du sommet des huit de Denver, consacrant ainsi l'accession presque plénière de la Russie au "club" des principaux Etats industriels, après cinq années de participation contrôlée et partielle. A la demande de Bill Clinton, qui s'est félicité de l' "intégration radicale de la Russie dans les institutions les plus importantes du monde", c'est Boris Eltsine qui a ouvert les débats par un exposé sur les changements intervenus dans le monde depuis le sommet précédent de Lyon, en 1996. L'intégration de la Russie avait déjà été envisagée en 1996. Mais c'était compter sans l'élection présidentielle russe, et la grande crainte de l'éviction de Boris Eltsine par Guennadi Ziouganov, après la victoire communiste aux législatives de décembre 1995. Les sept se réunissaient à Lyon du 27 au 29 juin 1996, alors que le deuxième tour du scrutin russe était prévu pour le 3 juillet. Consacrer la transformation du G 7 en G 8 dans une telle conjoncture politique semblait trop risqué. Serrant les dents à l'idée que la paternité de la création du G 8 reviendrait probablement aux Etats-Unis, hôtes du sommet de Denver, l'Elysée accepta de tenir un simple G 7. Donné largement vainqueur à l'issue du premier tour du 16 juin, mais en pleine préparation du second tour, Boris Eltsine ne fit même pas le voyage de Lyon. Le mot d'ordre de Denver est d'autoriser Moscou à participer à l'ensemble des discussions, en dehors de celles consacrées, samedi, spécifiquement aux questions économiques et au système financier international. Les ministres des finances des sept devaient d'ailleurs tenir leurs propres réunions, en marge de celle des chefs d'Etat et de gouvernement. L'assistance financière à la transition vers l'économie de marché étant largement prise en charge par le Fonds monétaire international, le pays empruntant déjà sur les marchés internationaux des capitaux, le thème de l'aide à la Russie figure à peine sur l'agenda de Denver. C'est une nouvelle évolution de cette rencontre annuelle, plus loin de la discussion économique informelle, et plus près du sommet politico-stratégique global. Denver offre l'occasion à Boris Eltsine de célébrer son "succès géostratégique prodigieux", selon l'expression d'un haut fonctionnaire français. Il est effectivement peu courant qu' "un pays très largement sous-développé soit ainsi admis dans le cercle le plus intime des pays industriels". En termes purement économiques, Moscou a encore peu de préoccupations communes avec le reste du monde industriel. Plusieurs "économies émergentes", comme la Chine, le Brésil, l'Inde, ou l'Indonésie, non seulement produisent davantage que la Russie, mais ont une structure économique désormais semblable à celle des pays industriels. Les quatre nouveaux pays industriels d'Asie (Hongkong, la Corée du Sud, Singapour et Taïwan) comptent ainsi déjà pour plus de 10 % des exportations mondiales, contre 1,5 % seulement pour la Russie. La Russie peut se vanter d'avoir, comme le Japon, l'un des premiers excédents commerciaux du monde. Mais 80 % de ses ventes à l'étranger sont composées uniquement d'énergie et de matières premières. La transition vers l'économie de marché s'est, par ailleurs, traduite par une explosion des inégalités qui rappelle beaucoup plus l'Amérique latine que la moyenne des pays occidentaux. Le PNUD (programme des Nations unies pour le développement) comptabilise 60 millions de pauvres en Russie, sur une population totale de 150 millions. Mais l'organisme relève aussi que les 20 % d'habitants les plus riches ont des revenus quatorze fois supérieurs à ceux des 20 % les plus pauvres, alors que cet écart n'est que de un à quatre au Japon, et de un à sept en moyenne dans le monde industriel. Rejoidre l'OMC La Russie ne s'est guère montrée reconnaissante de l'invitation de Denver. A quelques jours du sommet, Boris Nemtsov a refusé de rencontrer Sir Leon Brittan, vice-président de la Commission européenne, venu à Moscou pour une visite longtemps attendue. Le jeune vice-premier ministre a fait savoir qu'il entendait ainsi protester contre une nouvelle taxe européenne anti-dumping sur les tubes d'acier exportés par la Russie, celle-ci n'étant pas considérée comme une "économie de marché". Le Kremlin affirme que le pays perd chaque année 1 milliard de dollars sur le marché mondial en raison de telles taxes. L'Union européenne, qui compte pour 40 % des échanges russes, réplique que ses taxes n'affectent que 1,1 % des exportations de Moscou. Et que la Russie bénéficiera des conditions plus avantageuses, sur ses tubes ou son textile, offertes aux pays à économie de marché, après avoir rejoint l'Organisation mondiale du commerce c'est-à-dire quand elle aura réduit ses taxes à l'importation, ouvert son secteur des services à la concurrence étrangère et progressé dans la protection de la propriété intellectuelle. Avant de partir pour Denver, jeudi 19 juin, le président Eltsine a déclaré qu'il désirait voir "écrit noir sur blanc" que le G 7 était désormais transformé en G 8. Un principe qui n'était pas encore tout à fait admis par le Japon, ni même par les Etats-Unis. Soucieux de faire un geste envers le premier ministre japonais Ryutaro Hashimoto, Boris Eltsine a annoncé vendredi que plus aucun missile russe ne serait dirigé contre son pays. Les deux pays s'opposent sur les îles Kouriles, occupées par l'armée rouge depuis la fin de la seconde guerre mondiale et revendiquées par Tokyo. M. Hashimoto a néanmoins maintenu son refus poli d'effectuer une visite officielle à Moscou d'ici à la fin de l'année. FRANCOISE LAZARE Le Monde du 23 juin 1997

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