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ARTICLE DE PRESSE: Gouverner l'Italie

Publié le 22/02/2012

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13 janvier 1995 - Après trois semaines de négociations qui semblaient bloquées, enfin une fumée blanche : vendredi après-midi 13 janvier, le président de la République, Oscar Luigi Scalfaro, a officiellement chargé Lamberto Dini, ministre du Trésor du gouvernement démissionnaire de Silvio Berlusconi, de tenter de former le nouveau gouvernement. Discours attendu s'il en fut où chacun, après les revirements et les calculs inattendus de ces derniers jours, a cherché à sonder les intentions de celui qui sera peut-être le prochain président du conseil. Or que dit M. Dini ? Première indication : " Je vais m'efforcer de composer un gouvernement dont les personnalités n'auront aucun lien avec des groupes politiques, et qui seront sélectionnées uniquement sur la base de critères de qualité et de professionnalisme : un gouvernement de techniciens. " Pour cela, aucune consultation préalable des partis politiques ne sera nécessaire, ce qui pourrait rendre plus courts les délais indispensables. Deuxième indication : cette équipe de techniciens " aura un programme bien délimité, destiné à trouver des solutions aux questions qui semblent vraiment urgentes ". " Et je fais référence, a-t-il précisé, aux mesures d'austérité économiques et financières nécessaires pour corriger les tendances en cours et pour soutenir la reprise de l'économie et de l'emploi. " Une des priorités étant la réforme du système des retraites : un important accord a été passé avec les syndicats pour qu'elle fasse l'objet d'une loi à part entière, après le violent rejet par l'opinion des mesures contenues à l'origine dans le projet de budget. Troisième indication : il s'agira aussi de " mettre un peu de discipline dans les moyens de la communication pour toutes les forces politiques ". Le fait que le président du conseil sortant, Silvio Berlusconi, soit propriétaire des trois grandes chaînes privées a en effet posé avec acuité le problème de l'égalité d'accès à la télévision. Enfin, il faudra réformer la loi électorale en un sens majoritaire pour les élections régionales. Un programme précis, limité donc aux réformes indispensables, de la part d'un homme qui, venant pourtant du gouvernement sortant, a choisi de se placer au-dessus des partis, et de calmer les tensions politiques en faisant appel à des techniciens de haut niveau, prêtés à la politique comme il le fut lui-même, lorsque Silvio Berlusconi le fit venir au ministère du Trésor, au printemps dernier. Ce choix de compromis, effectué par Oscar Luigi Scalfaro, qui jusque- là était bloqué par l'intransigeance de M. Berlusconi et de ses alliés, lesquels exigeaient " un gouvernement Berlusconi bis ou des élections immédiates ", a eu en tout cas pour premier effet de désamorcer la campagne d'invectives et les violentes attaques verbales échangées ces derniers jours. Et depuis vendredi soir une certaine prudence un certain attentisme aussi prévaut dans les commentaires. En effet, en dehors des buts précis qu'il s'est fixés, M. Dini n'a omis qu'une chose, pourtant primordiale, c'est de définir quel type de gouvernement lui a été confié. En clair, combien de temps compte-t-il rester au palais Chigi avant de nouvelles élections législatives, qui à plus ou moins long terme sont indispensables ? En attendant d'y voir plus clair à l'occasion du choix des ministres, chaque ténor politique a commenté la nomination de Lamberto Dini en donnant l'explication la plus valorisante pour lui. Le plus satisfait est sans conteste le secrétaire du Parti populaire (ex-démocrate- chrétien), Rocco Buttiglione, qui voit presque respecté à la lettre le profil qu'il avait tracé du nouveau chef de gouvernement : " un technicien qui fasse les réformes et ne soit pas étranger à Forza Italia ". Satisfaits également, pour des raisons inverses, les néo-communistes de Rifondazione comunista, qui, divisés jusque-là, ont retrouvé une unité " de blocage " et ont fait savoir qu'ils ne voteraient pas la confiance au Parlement au " pire ennemi des retraités ". Chez les progressistes, la réaction est plus perplexe, même si la satisfaction de ne plus avoir en personne M. Berlusconi au gouvernement fait accepter bien des compromis. Et Massimo D'Alema annonce : " Si ce gouvernement est bien au-dessus des partis, nous voterons pour lui. " De son côté, Umberto Bossi, le leader de la Ligue, le " traître " qui en sortant de la majorité a fait tomber le gouvernement Berlusconi, respire enfin, lui qui, il y a trois jours à peine, était violemment contesté par son mouvement, durement travaillé par les sirènes berlusconiennes. Mais ne rêve-t-il pas un peu en niant catégoriquement le mandat " limité " bien qu'important - que s'est fixé Lamberto Dini ? " D'ici aux prochaines élections, a commenté un Umberto Bossi jubilant, tellement d'eau aura passé sous les ponts que Berlusconi mourra de vieillesse ! " Enfin les sourires les plus crispés étaient du côté de Forza Italia et de ses alliés d'extrême droite de l'Alliance nationale. Le calice est en particulier bien amer pour Gianfranco Fini, coordinateur d'A. N, qui se retrouve affaibli et hors du gouvernement pour affronter dans quelques jours la métamorphose historique de l'ex-parti néo-fasciste en droite nationale, et faire avaler à ses adversaires, les " camerati " (camarades)irréductibles, un changement redouté. Seul objectif pour récupérer des forces pour l'avenir : les élections. Le gouvernement Dini, a-t-il laissé clairement entendre, n'aura son appui que s'il est évident qu'il s'agit d' " un gouvernement limité et préélectoral ". Même son de cloche pour Silvio Berlusconi, qui acceptera un " gouvernement de trêve " à l'unique condition que ce dernier " ne trahisse pas l'esprit de la splendide victoire électorale des législatives du 27 mars dernier " et mène aux élections à bref délai, pour " donner une réelle stabilité politique au pays ". Dans un communiqué, le " cavaliere " a annoncé sa prochaine campagne : " Dans les mois à venir j'entends personnellement contribuer à la constitution d'une ample alliance de forces modérées, libérales, catholiques, fédéralistes, de la droite sociale et européenne. Quand les Italiens pourront par leur vote exercer à nouveau leur droit souverain, nous serons au rendez-vous et nous leur offrirons une grande alliance pour les libertés. ". MARIE-CLAUDE DECAMPS Le Monde du 16 janvier 1995

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