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Article de presse: IDS, des lignes Maginot spatiales

Publié le 17/01/2022

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23 mars 1983 - L'idée de réaliser en orbite autour de la Terre de véritables lignes Maginot spatiales, capables d'intercepter en vol des missiles balistiques n'est pas nouvelle. Depuis plusieurs années déjà, les Deux Grands ont mis leurs spécialistes au travail pour mettre au point de tels systèmes d'armes faisant appel soit à des faisceaux lasers, soit à des faisceaux de particules analogues à celles qui tournent dans les grands accélérateurs scientifiques. Ces armes sont-elles pour demain? Pour certains scientifiques, c'est peu probable dans la mesure où trop d'obstacles restent encore à franchir. Mais on ne peut s'empêcher de s'interroger sur les formidables moyens mis en oeuvre par les Etats-Unis et l'Union soviétique, et, à une échelle plus modeste, par la France, pour les développer. Le budget alloué en 1982 à la seule Defence Advanced Research Project Agency (DARPA) américaine pour ses lasers spatiaux de grande puissance-programme connu sous le nom de code de Triad-s'est élevé à 120 millions de dollars. Son objectif : développer-pour quand?-un laser chimique hydrogène-fluor d'une puissance de 5,5 mégawatts constituant une première étape vers la réalisation d'un système d'armes capable de contrer le lancement de missiles intercontinentaux. Les trois armées américaines travaillent aussi dans cette voie avec des budgets qui étaient de 25 millions de dollars en 1982 pour l'armée de terre, de 61 millions de dollars pour la marine et de 95 millions de dollars pour l'armée de l'air. Recherches, tirs réels sur cible-réussis ou ratés-se succèdent comme cela s'est fait avec un laser de 400 kilowatts monté sur un avion Boeing KC-135. Les Soviétiques font de même : ils ont selon les services de renseignements américains construit à Sarychagan une installation équipée d'un laser à iode. Pour aboutir vraiment à un système d'armes opérationnel, les scientifiques doivent résoudre les problèmes suivants : mise au point d'optiques capables de supporter les énergies énormes mises en jeu; développement de plates-formes de pointage et d'alimentation en énergie de ces systèmes d'armes (pour certains spécialistes, ce dernier point serait impossible à résoudre à bord des systèmes spatiaux, en raison des tonnages considérables de produits chimiques qu'il faudrait amener à pied d'oeuvre); atténuation enfin de ces faisceaux de lumière au cours de leur passage dans l'atmosphère, sans compter les systèmes de contre-mesure que tout système d'arme nouveau génère automatiquement. Les mêmes problèmes se posent bien évidemment pour des armes tirant des faisceaux de particules élémentaires (électrons, protons ou particules neutres). Là encore, les Deux Grands ne sont guère à court d'idées et multiplient les expériences en ce sens. Périodiquement, par revues spécialisées interposées, les Américains font part des progrès soviétiques et de l'état d'avancement des installations comme celle présumée de Sarychagan. Là encore, les sommes engagées outre-Atlantique sur ces sujets sont considérables-plusieurs centaines de millions de dollars-et servent à financer des expériences qui ont pour nom de code Chair Heritage (particules chargées) ou White Horse (particules neutres). Ces travaux, comme pour les lasers, conduiraient, s'ils débouchent, à des armes tirant à la vitesse de la lumière et dont certaines fonctionneraient tant en dehors de l'atmosphère que dans l'atmosphère. Ce n'est en effet pas un des moindres problèmes posés aux promoteurs de ces armes que de s'affranchir des difficultés de dispersion des particules avant leur arrivée sur la cible ou de ceux que les variations du champ magnétique terrestre engendrent, déviant ainsi les particules chargées. Mais, selon certains spécialistes, notamment français, l'avènement de ce type d'armes paraît plus aléatoire que celui des armes lasers. JEAN-FRANCOIS AUGEREAU Le Monde du 26 mars 1983

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