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Article de presse: La crise du détroit de Formose

Publié le 17/01/2022

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22 août 1958 - Une petite île et deux ou trois cailloux autour, située de l'autre côté du détroit de Formose, donc tout contre l'énorme Chine, voilà Quemoy. En septembre 1958 le monde a été à deux doigts d'une guerre pour cette île. La Chine ne ferait de l'île qu'une bouchée si les Américains n'étaient pas engagés ici. Ce petit front de 15 kilomètres qui résiste au colosse chinois est une invraisemblable gageure. Si tout s'est bien passé jusqu'ici, c'est qu'il y a derrière ce front la formidable puissance de la VIIe flotte, derrière celle-ci les Etats-Unis et, par-dessus le marché, la bombe atomique. Du point de vue communiste Quemoy est évidemment une provocation exaspérante. Du point de vue occidental je suis tenté de dire que c'est un scandale. Les chefs qui ont mis leurs troupes ici les ont installées littéralement dans la gueule du dragon chinois. Il n'y a pas un endroit de l'île qui ne puisse être battu par le feu de l'artillerie d'en face. En divers point on est à 7 ou 8 kilomètres de la côte, ou moins encore. Ce ne sont pas seulement les troupes qui se trouvent dans cette situation, mais toute une population civile de paysans fort pauvres. Ils sont quarante mille, dans des villages fort endommagés, qu'on n'a pas cru bon d'évacuer. Ils peuvent d'un jour à l'autre être pris en pleine bataille. Ajoutez enfin que les soldats de Tchiang Kaï-Chek sont adossés au vide de 250 à 300 kilomètres d'océan qui les séparent de Formose, source des munitions, du ravitaillement et des secours. En septembre, après quarante-quatre jours d'un bombardement comme à Verdun, qui épargnait seulement les quelques agglomérations civiles, les communistes chinois comprirent que l'île ne capitulerait pas et que pour la prendre il fallait lancer une attaque amphibie de grand style. Ils manquaient de moyens, et surtout l'Amérique était là, qui gênait le blocus et armait les avions nationalistes avec les fameuses fusées à tête chercheuse, les " Sidewinders ". Attaquer ce serait rencontrer les Américains: Pékin n'osa pas. Ce fut la dernière partie de poker de John Foster Dulles, et il faut reconnaître qu'il la gagna avec une audace et une habileté extraordinaires, avec une chance étonnante aussi: qu'un navire américain reçût une bombe ou un obus communiste par erreur, et c'était l'incident international. On frôlait la guerre.

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