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Article de presse: La gégène et la corvée de bois

Publié le 22/02/2012

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12 septembre 1957 - La guerre d'Algérie a été essentiellement une lutte pour le contrôle de la population musulmane. Le FLN s'efforce, en implantant son Organisation politico-administrative (OPA), d'imposer son pouvoir par tous les moyens, y compris l'assassinat et la torture. L'armée française s'efforce de l'en empêcher. Les gouvernements-ou du moins certains de leurs membres-ferment les yeux sur les méthodes employées et sévissent contre ceux qui mettent l'armée en cause. De part et d'autre, on emploie la torture et on liquide les suspects. A partir du massacre des Européens à Philippeville, le 20 août 1955, la répression se durcit. L'envoi en Algérie des " rappelés ", au début de 1956, puis du contingent lance dans la guerre subversive des unités mal préparées et mal encadrées. On y recourt souvent à la torture par l'électricité (la " gégène " ), aux sévices corporels les plus graves, et à la " corvée de bois " (exécution sommaire de prisonniers en dehors des enceintes militaires). L'offensive du terrorisme urbain du FLN, fin 1956-début 1957, à Alger, où des bombes dans les lieux publics provoquent la mort de nombreux civils, amène Guy Mollet, président du conseil, et Robert Lacoste, ministre résidant en Algérie, à donner tous les pouvoirs dans la ville au général Massu, commandant de la 10e division parachutiste. Il est verbalement incité à utiliser tous les moyens. Pour découvrir les " poseurs de bombes ", les parachutistes quadrillent Alger et installent des centres d'interrogatoire dans plusieurs villas. La torture y est pratiquée jour et nuit. Les Européens " suspects " ne sont pas épargnés. Dans la nuit du 11 au 12 juin 1957, un assistant de la faculté des sciences d'Alger, Maurice Audin, est arrêté et torturé. On ne le reverra pas. Sa disparition soulève l'indignation des milieux universitaires. Un avocat connu, Me Ali Boumendjel, est défenestré ou se suicide à l'issue d'un long interrogatoire. En métropole, la réprobation se manifeste. Le livre d'Henri Alleg, directeur du journal communiste Alger républicain, la Question, qui raconte ce qu'il a subi en juin 1957, fait grand bruit malgré les saisies répétées. André Malraux, Roger Martin du Gard et Jean-Paul Sartre lancent un appel solennel au président de la République. François Mauriac, dans son " bloc-notes " de l'Express, condamne avec force, au nom de sa foi, l'emploi de la torture. Pierre-Henri Simon lui fait écho. Claude Bourdet, ainsi que de nombreux intellectuels s'insurgent. En mai 1957, le général Paris de Bollardière demande à être relevé de son commandement. Dans une lettre à l'Express, il dénonce " l'effroyable danger qu'il y a à perdre de vue, sous prétexte d'efficacité immédiate, les valeurs morales "... Guy Mollet, malgré ses réticences, crée, le 7 mai 1957, une commission de sauvegarde des droits et libertés individuels. Son rapport remis le 14 septembre 1957, est rendu public-par le Monde-le 14 décembre. La torture continue d'être pratiquée dans de véritables " usines " par des détachements spécialisés, les DOP. Malgré l'indignation d'une partie de la presse, les dénonciations précises et répétées de l'historien Pierre Vidal-Naquet, elle est considérée comme inséparable de la guerre révolutionnaire. L'arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958 ne mettra pas fin aux abus, même si ces derniers diminuent. Des centaines de milliers d'Algériens sont enfermés dans des camps où les conditions de vie sont souvent déplorables et les sévices fréquents, ainsi que le montre un rapport de la Croix-Rouge internationale publié en janvier 1960. La torture sera appliquée plusieurs fois dans la lutte contre l'OAS. En métropole, la " gangrène " s'étend dans la police. A l'occasion d'une manifestation interdite du FLN à Paris, une centaine de travailleurs algériens sont torturés et jetés à la Seine, le 17 octobre 1961 et les jours suivants. Il n'y aura jamais de véritables sanctions contre les responsables. L'amnistie proclamée à la fin de la guerre empêchera ou interrompra les poursuites. JEAN PLANCHAIS Octobre 1985

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