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Article de presse: La normalisation en Tchécoslovaquie

Publié le 22/02/2012

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17 avril 1969 - Le cinquième anniversaire de l'invasion de la Tchécoslovaquie mais aussi la conférence en cours sur la sécurité et la coopération en Europe amènent les hommes politiques et les observateurs occidentaux à s'interroger sur ce qui se passe en Tchécoslovaquie. Pour certains, il faut tourner la page, mais d'autres estiment que la détente internationale ne peut rester sans effets sur la Tchécoslovaquie et qu'elle en produit d'ores et déjà. Certains faits confirment cette thèse : pas de nouvelles arrestations massives ou de nouveaux procès politiques, une certaine stabilisation économique, la normalisation des relations avec l'Allemagne fédérale, le désir de Moscou d'oublier l' " affaire " et des tentatives pour récupérer une partie des cinq cent mille communistes exclus et radiés du PC pendant les purges de 1969-1971. Il serait possible de se réjouir de ces quelques faits si d'autres n'allaient nettement dans le sens contraire. Ainsi la tentative faite pour rejeter sur Chelest (1)l'intervention militaire d'août 1968 pourrait être considérée comme positive-même si elle est artificielle et illusoire-si elle devait permettre à Brejnev de répéter l'opération que fit Khrouchtchev lorsqu'il attribua à Beria l'excommunication de la Yougoslavie du Kominform en 1948 pour présenter ses excuses à Belgrade en 1955. Mais il n'en est rien : Brejnev à Moscou, son porte-parole Zamiatine à Washington comme Husak et Bilak à Prague, continuent de parler de l' " aide fraternelle " demandée par les dirigeants du P.C. tchécoslovaque. Sans que pour autant leurs noms eussent été rendus publics, même cinq ans après l'événement. Les journaux tchécoslovaques et soviétiques continuent de qualifier le renouveau du socialisme en 1968 de " contre-révolution " inspirée par l'impérialisme et le sionisme. Quant aux dirigeants du " printemps de Prague " tels que Dubcek, Smrkovsky ou Kriegel, comme des milliers d'anciens communistes et socialistes, ils sont condamnés au silence et ne peuvent même pas se défendre contre les calomnies les plus fantastiques. Ainsi récemment, à une réunion syndicale locale, Dubcek a tenté de prendre la parole pour dire que tous les reproches qui lui sont faits sont erronés; le président de la séance lui retira la parole, affirmant que l'on ne pouvait parler que de problèmes syndicaux. Dubcek eut le temps de riposter que, précisément, c'était pour lui, depuis 1969, la première occasion de s'exprimer devant une dizaine de personnes, étant pratiquement obligé de vivre en résidence surveillée. Cent mille soldats soviétiques Le fait le plus important est la présence de troupes soviétiques sur le territoire tchécoslovaque cinq années après leur " entrée temporaire ". Après la conclusion des accords entre Bonn, Moscou, Varsovie et Prague, personne ne peut plus parler sérieusement de la menace d'une attaque allemande contre la Tchécoslovaquie, ce faux argument utilisé en 1968. Quant à la normalisation, Brejnev lui-même l'a louée dans son discours de février 1973 à Prague. Les deux raisons avancées en 1968 pour justifier la présence " temporaire " des troupes soviétiques étant tombées, l'occupation du pays est tout à fait anachronique. Mais, malgré cela, presque 100 000 soldats soviétiques y demeurent, on ne parle plus du caractère provisoire de leur séjour : on construit pour eux des casernes et des maisons pour les familles des officiers, bref, on s'installe comme chez soi. Après la série des procès politiques de juillet-août 1972 (quarante-sept personnes, en majorité des militants communistes et socialistes, dont quatre anciens membres du comité central du Parti communiste, furent condamnées à cent dix-huit années de prison), il n'y a pas eu de procès spectaculaire, même si les arrestations et condamnations pour des raisons politiques continuent. Mais aujourd'hui, la répression en Tchécoslovaquie utilise surtout des formes de discrimination matérielle. Des centaines de milliers d'intellectuels, hommes politiques, enseignants, savants, journalistes, syndicalistes, etc., ont été chassés de leur travail et condamnés à une existence misérable. Celle-ci a des conséquences pour leurs enfants, qui souvent ne sont pas admis à faire des études supérieures, sans parler des répercussions sur toute la vie culturelle et scientifique du pays. Alors, si l'on compare les faits d'une manière objective, sans se laisser guider par ses propres désirs, il faut bien constater que la " détente " n'a guère atteint la Tchécoslovaquie. Par l'intervention soviétique du 20 août 1968, le pays a été rejeté plusieurs années en arrière et sera donc parmi les derniers en Europe de l'Est à profiter de la détente internationale. JIRI PELIKAN ancien directeur de la télévision tchécoslovaque. Le Monde du 21 août 1973

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