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Article de presse: La planète échappera-t-elle au surpeuplement ?

Publié le 22/02/2012

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14 août 1984 - " Explosion démographique ". Depuis plus de vingt ans, l'expression-et les fantasmes de catastrophe qui s'y rattachent-a voisiné avec la notion d'explosion nucléaire. Renouant avec les réflexes malthusiens de l'Europe du Nord, certains démographes et les opinions publiques qui les suivent énonçaient des chiffres d'autant plus apocalyptiques sur le pullulement prévisible de la population mondiale à l'horizon 2 000-et a fortiori 2 100-qu'ils succédaient aux espoirs teintés d'euphorie qu'avait fait naître, dans les années 60, la mise au point de méthodes contraceptives enfin efficaces et modernes. Les données chiffrées les plus récentes sur l'évolution de ces derniers temps et les projections qu'il est possible d'en dégager pour le siècle à venir dénotent un état d'esprit nouveau. Certes, les démographes ne sont pas près de céder une fois encore, si vite, au piège des perspectives euphoriques. Mais ils constatent que certaines politiques d'espacement des naissances, y compris dans des pays réputés réfractaires, tels que l'Inde ou le Mexique, marquent enfin des résultats. Dans son Etat de la population mondiale pour 1983, Rafael Salas souligne qu'au cours des trente dernières années la population mondiale a continué de battre ses propres records d'accroissement : ainsi, pour la seule année 1980, l'augmentation nette de la population mondiale a été de quelque... 80 millions d'habitants. Elle atteindra 90 millions en l'an 2 000. Un tel rythme ne pourra, bien sûr, pas s'infléchir rapidement, et la croissance démographique mondiale continuera selon toute vraisemblance jusqu'aux années 2 100. A ce moment, estiment les Nations unies, 9,1 des 10,5 milliards d'habitants de la planète vivront en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. A ce moment aussi-à la condition que les espoirs actuels ne soient pas déçus,-la population du monde devrait cesser de croître. L'élément déterminant de ce type d'évolution repose sur ce que les experts dénomment la " transition démographique " que les nations industrialisées ont amorcée au cours des deux derniers siècles et que les pays du tiers-monde ont abordée depuis quelques décennies dans des conditions économiques totalement différentes. A cours de cette transition, la population passe d'un équilibre entre forte natalité et forte mortalité à un nouvel équilibre : faible natalité-faible mortalité. Le nombre moyen d'enfants par femme, qui était de cinq dans l'Europe du dix-huitième siècle, se situe aujourd'hui entre 1,4 et 2,6, ce qui place la quasi-totalité du continent en dessous du seuil de remplacement des générations. Antibiotiques et pesticides Tout autre, et beaucoup plus différenciée, est la situation des pays du tiers-monde, où les démographes observent une double évolution qui a, partiellement du moins, déjoué leurs prévisions. La première surprise est venue de l'évolution de la mortalité. Dans les années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, la mortalité, dans l'ensemble du tiers-monde, a en effet marqué une nette baisse, qu'a expliquée l'exportation massive de nouveaux médicaments, notamment d'antibiotiques, de pesticides et d'insecticides jusqu'alors inconnus : la conjugaison de ces éléments, le contrôle accru des grandes endémies, ont fait chuter, de manière parfois spectaculaire, certaines maladies infectieuses et parasitaires extrêmement meurtrières, particulièrement chez les enfants. Ces résultats, joints à une confiance inaltérable dans le progrès scientifique et médical, ont fait escompter, à tort, une évolution linéaire dans la chute de la mortalité. Force fut bien de constater que le progrès, dans ce domaine, a stagné et que le déclin de la mortalité ne peut plus guère, aujourd'hui, être obtenu que par des méthodes plus difficiles et plus exigeantes, telles que l'organisation rationnelle des vaccinations, l'amélioration de l'environnement, en particulier de l'approvisionnement en eau, et la mise en oeuvre de stratégies nutritionnelles, associées à une participation active de la population. Néanmoins, sur ce chapitre, le tiers-monde a perdu son homogénéité ancienne. Dans certains pays tels que la Chine, Cuba, Costa-Rica et quelques petites républiques asiatiques, la mortalité a atteint et conservé des taux qui se rapprochent des niveaux européens ou nord-américains. Dans d'autres, s'observe une stagnation, voire, comme dans certaines zones rurales d'Afrique noire, une possible dégradation. La seconde surprise est venue de l'évolution de la fécondité. En effet, après l'euphorie des années 60 et le profond découragement provoqué par l'échec des politiques de planification familiale dans les pays où elles avaient fait l'objet d'une attention vigilante, voire d'une contrainte systématique, s'amorce aujourd'hui une phase nouvelle. Quelques pays, traditionnellement très prolifiques et très peuplés (1)observent, il est vrai, depuis peu, une évolution qui encourage leurs efforts. Les plus représentatifs à cet égard sont les cas de l'Inde, du Mexique, du Brésil, de certains pays musulmans tels que la Turquie, l'Egypte, la Tunisie, l'Indonésie, ou asiatiques comme la Thaïlande, les Philippines, Taiwan, le Vietnam... Pour l'ensemble du tiers-monde, à la fin des années 70, le nombre moyen d'enfants par femme était tombé à 4,7, soit quelque 20 % de moins par rapport aux années 60 (2) 6 milliards d'habitants en l'an 2 000 La population mondiale compte aujourd'hui 4,7 milliards d'habitants. Elle dépassera, en l'an 2 000, les 6 milliards, même si la stabilisation qui s'amorce en divers points se confirme. C'est dire que la mission de ceux qui s'efforcent de contrôler cette évolution est loin d'être achevée. Reste à espérer que les vingt ans qui viennent permettront de déjouer une fois encore les prévisions des pessimistes, et notamment celles des experts, pour qui l'augmentation de la longévité et de l'espérance de vie ne promet guère de progrès. Comment vivront, en effet, demain, ceux que le progrès aura fait échapper à la mort, sans leur fournir pour autant les moyens de vivre? CLAIRE BRISSET Le Monde du 4-5 septembre 1983

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