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Article de presse: L'appel de Mexico

Publié le 17/01/2022

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22 octobre 1981 - A Phnom-Penh, en septembre 1966, de Gaulle avait adressé une mise en garde solennelle aux Etats-Unis englués dans le bourbier sanglant du Vietnam. Discours prophétique et historique. La machine de guerre de la première puissance mondiale a dû reculer devant un petit peuple en armes animé par une idée simple : bouter l'étranger hors du territoire national. A Mexico, en octobre 1981, François Mitterrand, se référant au message de Phnom-Penh et à la France de Victor Hugo, lance à son tour un appel solennel destiné cette fois aux peuples " damnés " du tiers-monde, et d'abord d'Amérique latine, qui luttent dans des conditions difficiles pour la reconquête de leur dignité nationale, et parfois pour leur liberté. Message d'espoir et de soutien, dont le chef de l'Etat français espère qu' " il fera le tour du monde ". Prononcé aux portes mêmes d'un empire américain qui surveille avec un zèle renouvelé les moindres menaces de révolte dans ce qui fut et reste encore largement une chasse gardée, l'appel de Mexico est aussi, bien sûr, comme à Phnom-Penh, un défi lancé à Washington. Mais le contexte est différent. La guerre du Vietnam contenait en germe un affrontement planétaire. Les guerres d'Amérique centrale (que l'on hésite à qualifier de " civiles " tant la disproportion est énorme entre les mouvements révolutionnaires et des forces armées entraînées et équipées par les Etats-Unis) favorisent l'aggravation de conflits secondaires entre Moscou et Washington, mais ne remettent pas en cause, du moins pour le moment, l'équilibre sur le terrain entre les deux impérialismes. Enfin, c'est une Amérique mal guérie du syndrome vietnamien, revancharde, submergée par sa bonne conscience traditionnelle, de nouveau sûre de son bon droit et de sa force, même quand elle contribue à écraser les plus pauvres des peuples subsistant dans son ombre, qui place plus que jamais ses intérêts au premier plan. Une Amérique qui caricature et pratique l'amalgame, expliquant les tensions politiques d'Amérique latine par la seule volonté d'intervention de l'Union soviétique. Amalgame dangereux, qui fausse l'analyse en négligeant le sous-développement économique et culturel, l'égoïsme et l'aveuglement des classes dirigeantes, les multiples interventions, directes ou indirectes, des Etats-Unis depuis le début de ce siècle. François Mitterrand a donc raison de souhaiter que l'antagonisme entre les super-puissances ne fausse pas le combat des peuples pour leurs libertés et leur souveraineté menacées. Il n'est pas sûr, comme il le dit, que l'Amérique latine soit déjà au premier rang de la scène mondiale. Il est malheureusement certain, en revanche, que la région, par ailleurs en croissance constante, est aussi celle des massacrés, des fusillés, des torturés, des laissés-pour-compte du développement. Les violations des droits de l'homme prennent même en Amérique centrale le caractère d'un véritable génocide. BULLETIN DE L'ETRANGER Le Monde du 22 octobre 1981

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