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Article de presse: Le désengagement américain

Publié le 17/01/2022

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27 janvier 1973 - Dès sa prise de fonctions, Richard Nixon déclare qu'un président incapable de terminer la guerre en quatre ans ne mériterait pas d'être réélu. Mais il rêve encore de victoire. Le but politique demeure le même depuis 1954 : préserver le Sud d'une victoire des révolutionnaires. Un atout local : le président Thieu et quelques-uns de ses bons généraux, dont Do Cao Tri. Cependant, avant même l'amorce de leur retrait, les forces américaines ne sont plus ce qu'elles étaient pendant les beaux jours du général Westmoreland : Abrams a affaire à une armée écoeurée, droguée, où il arrive que les soldats jettent des grenades sur leurs supérieurs. Progressivement, cette armée va se retirer, laissant derrière elle un pays épuisé. La " doctrine Nixon " peut se résumer ainsi : l'Amérique est prête à fournir aux gouvernements amis une aide quasi illimitée, mais ce sont des Asiatiques qui combattront les Asiatiques. Une assistance considérable est alors fournie au Sud. La lutte politique et policière est intensifiée contre les oppositions légales que l'on divise ou que l'on fait taire. Pendant un temps, cette politique donne l'impression de " payer " : la " pacification " progresse-le programme Phoenix coûtera la vie à des dizaines de milliers de personnes; le FNL et ses alliés du Nord, qui récupèrent après la saignée de 1968, se contentent d'opérations limitées. Washington repousse le plan de paix dans lequel le GRP (gouvernement révolutionnaire provisoire) lui propose, en mai 1969, de cesser tout soutien à l'administration des généraux Thieu et Ky et de laisser organiser des élections menant à la formation d'un gouvernement de concorde nationale. Saigon a enfin trouvé son chef en la personne du général Thieu, mais enfin, rien de décisif ne se produit. Du moins jusqu'à un certain jour de mars 1970 qui vient brusquement rappeler que la guerre n'est pas celle du Vietnam mais de l'Indochine : alors que le prince Sihanouk a fini de se reposer sur la Côte d'Azur et s'envole pour Moscou et Pékin, les généraux khmers renversent leur maître, déclarent vouloir en finir avec les enclaves vietcongs, massacrent des milliers de civils d'origine vietnamienne, mettent fin à une neutralité et à une paix vieilles de seize ans, plongent leur pays dans la guerre, acclamés pendant quelques semaines par une petite élite intellectuelle urbaine fatiguée de l'ancien régime, mais bientôt totalement dépassée par les événements. Il est certain qu'au cours des années précédentes la CIA, Saigon, Bangkok avaient comploté contre le prince Sihanouk, cet empêcheur de tourner en rond. Il est non moins certain que le système autocratique du prince était à bout de souffle. Mais Hanoï avait besoin des franges frontalières du territoire khmer et du port de Sihanoukville et semble ne pas avoir beaucoup encouragé les révolutionnaires. L'intervention au Cambodge En mars 1970 tout change; en quelques jours, ce qui était " sanctuaire vietcong " s'étend à la quasi-totalité du Cambodge-moins, tout de même, Sihanoukville,-l'invasion américano-sud-vietnamienne plonge le pays dans le chaos d'abord, dans la résistance armée ensuite. Il apparaît très vite que les opérations " de recherche et de destruction " des " alliés " n'ont pas donné de grands résultats; que l'équipe au pouvoir à Phnom-Penh ne représente guère qu'elle-même et que, de Pékin, le prince Sihanouk contrôle en grande partie la situation. Mais le chef charismatique travaille désormais avec des personnalités qui, à l'extérieur, mais surtout à l'intérieur, bâtissent un régime, une société fort différents de ceux de naguère. Le coup de mars 1970 signifie fondamentalement la fin d'une certaine Indochine, celle de la colonisation et de l'après-colonisation française. A preuve, cette conférence des peuples indochinois qui se réunit bientôt à Canton et qui voit s'embrasser Pham Van Dong, Nguyen Huu Tho Souphanouvong et Sihanouk. En septembre 1969, Ho Chi Minh, l'homme du vieux Parti communiste indochinois, meurt sans avoir vécu la réalisation du rêve de sa jeunesse. Le putsch de Phnom-Penh est survenu trop tard pour ses auteurs : le retrait américain était amorcé et Washington ne pouvait pas s'offrir le luxe de baser en permanence au Cambodge un corps expéditionnaire, bref, de mener sérieusement une politique de " khmérisation ". En revanche, Nixon va mettre à l'épreuve la " vietnamisation " en dépêchant au Bas-Laos, en février et en mars 1971, certaines des meilleures unités sud-vietnamiennes héliportées, appuyées par l'US Air Force : la défaite est totale, l'opération se termine en piteuse débandade. On en vient, pendant ces mois de 1970 et du début de 1971, à oublier qu'à Paris, chaque semaine, quatre délégations se réunissent pour rien. L'attention est accaparée par les sanglants combats dans les trois pays d'Indochine, par les retraits progressifs des forces américaines du Vietnam du Sud, par la retombée du mouvement hostile à la guerre aux Etats-Unis, par le coup de tonnerre diplomatique de juillet 1971. Henry Kissinger, conseiller du président des Etats-Unis pour les questions de sécurité, s'est rendu à Pékin pour y préparer une visite de Nixon, en attendant un autre voyage de celui-ci, à Moscou cette fois. Le coup est dur assurément pour Hanoï, et on en vient à passer sous silence une proposition faite à Paris par Mme Binh, au début de juillet, et qui allait pourtant fortement aider à mettre fin au conflit : le GRP amorçait son mouvement en faveur d'un gouvernement " à trois composantes ". Le moment était bien choisi : Nixon avait l'occasion lors des élections au Parlement (août) et à la présidence (octobre) de faire se modifier l'équipe dirigeante de Saigon et de la rendre acceptable pour le GRP. Mais il ne saisit pas cette occasion. Dans le secret, les Nord-Vietnamiens rencontrent Kissinger, mais la Maison Blanche prépare, en même temps, une nouvelle phase de la guerre. Le retrait La situation est bloquée pour les forces révolutionnaires indochinoises au Laos, dans la mesure où le Pathet-Lao, qui marque certes des points, ne parvient pas à lever la pression américaine. Au Cambodge, le temps travaille à l'évidence pour les forces sihanoukistes, certaines de leur victoire et qui manifestent à l'occasion leur présence à Phnom-Penh. Au Vietnam du Sud, les troupes du général Thieu ont surtout été engagées à l'extérieur, tant au Laos qu'au Cambodge. Le GRP et Hanoï vont les mettre à l'épreuve, entre les voyages du président américain à Pékin et à Moscou, et à huit mois des élections américaines, en déclenchant, en mars 1972, l'offensive générale. Cette fois les forces de Giap et du FNL, contrairement à leur tactique au moment du Têt en 1968, ne cherchent pas à jeter le plus vite et le plus en avant possible le maximum de commandos, mais à conquérir systématiquement du terrain, à fixer les meilleures unités de Saigon et à les user, et, derrière des opérations spectaculaires parfois réussies, parfois manquées, à étendre partout la guerre populaire. Il s'agit de démanteler la " pacification " dans les zones les plus peuplées et aussi de démontrer que, sans une réaméricanisation de la guerre, la " vietnamisation " ne pourra tenir longtemps. Ce dernier pronostic se révèle juste : l'aviation américaine, considérablement renforcée (B-52, F-111 ensuite, porte-avions de la VIIe flotte, réouverture de bases en Thaïlande), va déverser pendant les six premiers mois de la bataille 800 000 tonnes de bombes, relançant l'escalade arrêtée, à part quelques raids, depuis octobre 1968. Ce sont les B-52 qui " sauvent " An-Loc, Quang-Tri, Kontum, Pleiku, Hué, même si ici et là parachutistes et fusiliers-marins gouvernementaux se battent bien. Nixon mine les ports, instaure le blocus de la RDV, bombarde les digues. Cependant, les pourparlers secrets reprennent. Le 11 septembre, le GRP précise son plan de paix. Puis c'est le coup de théâtre du 8 octobre, sur l'initiative de Hanoï : un accord est rapidement mis au point, mais n'est pas signé comme prévu le 31. Nixon pose de nouvelles conditions avant de prendre, à la mi-décembre, la terrible décision de lancer les B-52 contre Hanoï et Haïphong et, finalement, de renvoyer Henry Kissinger à Paris pour une ultime négociation. Richard Nixon va retirer ses dernières troupes, mais ni le corps expéditionnaire ni les B-52 n'ont permis la mise en place à Saigon d'un régime réellement représentatif de la population. Et c'est contre ce système policier, dont les prisons sont pleines, que les révolutionnaires et la " troisième force " vont maintenant engager le combat. JACQUES DECORNOY Le Monde du 25 janvier 1973

« et à la présidence (octobre) de faire se modifier l'équipe dirigeante de Saigon et de la rendre acceptable pour le GRP.

Mais il nesaisit pas cette occasion. Dans le secret, les Nord-Vietnamiens rencontrent Kissinger, mais la Maison Blanche prépare, en même temps, une nouvellephase de la guerre. Le retrait La situation est bloquée pour les forces révolutionnaires indochinoises au Laos, dans la mesure où le Pathet-Lao, qui marquecertes des points, ne parvient pas à lever la pression américaine.

Au Cambodge, le temps travaille à l'évidence pour les forcessihanoukistes, certaines de leur victoire et qui manifestent à l'occasion leur présence à Phnom-Penh.

Au Vietnam du Sud, lestroupes du général Thieu ont surtout été engagées à l'extérieur, tant au Laos qu'au Cambodge.

Le GRP et Hanoï vont les mettre àl'épreuve, entre les voyages du président américain à Pékin et à Moscou, et à huit mois des élections américaines, en déclenchant,en mars 1972, l'offensive générale. Cette fois les forces de Giap et du FNL, contrairement à leur tactique au moment du Têt en 1968, ne cherchent pas à jeter leplus vite et le plus en avant possible le maximum de commandos, mais à conquérir systématiquement du terrain, à fixer lesmeilleures unités de Saigon et à les user, et, derrière des opérations spectaculaires parfois réussies, parfois manquées, à étendrepartout la guerre populaire.

Il s'agit de démanteler la " pacification " dans les zones les plus peuplées et aussi de démontrer que,sans une réaméricanisation de la guerre, la " vietnamisation " ne pourra tenir longtemps.

Ce dernier pronostic se révèle juste :l'aviation américaine, considérablement renforcée (B-52, F-111 ensuite, porte-avions de la VII e flotte, réouverture de bases en Thaïlande), va déverser pendant les six premiers mois de la bataille 800 000 tonnes de bombes, relançant l'escalade arrêtée, àpart quelques raids, depuis octobre 1968. Ce sont les B-52 qui " sauvent " An-Loc, Quang-Tri, Kontum, Pleiku, Hué, même si ici et là parachutistes et fusiliers-marinsgouvernementaux se battent bien.

Nixon mine les ports, instaure le blocus de la RDV, bombarde les digues.

Cependant, lespourparlers secrets reprennent.

Le 11 septembre, le GRP précise son plan de paix.

Puis c'est le coup de théâtre du 8 octobre,sur l'initiative de Hanoï : un accord est rapidement mis au point, mais n'est pas signé comme prévu le 31.

Nixon pose de nouvellesconditions avant de prendre, à la mi-décembre, la terrible décision de lancer les B-52 contre Hanoï et Haïphong et, finalement,de renvoyer Henry Kissinger à Paris pour une ultime négociation. Richard Nixon va retirer ses dernières troupes, mais ni le corps expéditionnaire ni les B-52 n'ont permis la mise en place àSaigon d'un régime réellement représentatif de la population.

Et c'est contre ce système policier, dont les prisons sont pleines, queles révolutionnaires et la " troisième force " vont maintenant engager le combat. JACQUES DECORNOY Le Monde du 25 janvier 1973. »

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