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Article de presse: Le Guatemala en quarantaine

Publié le 22/02/2012

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27 juin 1954 - Le 27 juin 1954, le président du Guatemala, Arbenz, doit démissionner à la suite d'une révolte militaire soutenue par les Etats-Unis. Deux semaines auparavant, l'envoyé du Monde était sur place. Le gouvernement du Guatemala, accusé de communisme, devra-t-il capituler devant la tension croissante exercée par les Etats-Unis ? La question reste posée au travers des nouvelles contradictoires et des rumeurs fantastiques qui circulent ici depuis dix jours. Ne nous y trompons pas. L'affaire est sérieuse. Les Etats-Unis sont en train de jouer leur prestige en Amérique latine, réservoir essentiel de matières premières et zone d'influence jusqu'alors incontestée. La faiblesse du Guatemala (trois fois grand comme la Suisse, moins de quatre millions d'habitants) n'est qu'apparente. Cent soixante millions de Latino-Américains, prompts à critiquer les gringos, jaloux de leur indépendance même si elle est fictive, observent ce duel étonnant. Si le gouvernement de Washington ne respecte pas le principe sacré de la non-intervention, des hurlements d'indignation s'élèveront au sud du rio Grande. S'il tergiverse, la contagion s'étendra. Les gouvernements totalitaires de droite, soutenus par les Etats-Unis en Amérique centrale, dans les Caraïbes et en Amérique du Sud, seront de plus en plus menacés. Jusqu'à présent, Washington s'est contenté d'agir par personnes interposées. L'opération " quarantaine " se poursuit. Elle n'a pas cependant donné tous les résultats escomptés. Et des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent aux Etats-Unis en faveur d'une intervention directe. Ira-t-on jusque-là ? En attendant, chaque jour apporte un événement nouveau. Nous avons l'impression que des cargos chargés d'armes et de munitions, pavillon rouge claquant au vent atlantique, convergent actuellement vers l'Amérique centrale. La guerre froide entre Washington et le Guatemala se double en effet d'une agitation croissante dans les républiques voisines : Honduras, Salvador, Nicaragua, Costa-Rica. Communisme ? Pas si vite. L'amorce de mouvements de grève dans les plantations bananières au Costa-Rica est effectivement due aux syndicats affiliés à la CTAL de M. Lombardo Toledano (quartier général : Mexico, procommuniste, mais pratiquement à la merci du gouvernement mexicain, qui tient les cordons de la bourse). Au Salvador et au Nicaragua, les mouvements d'opposition sont essentiellement issus des classes possédantes (riches propriétaires terriens et commerçants). Au Honduras, la grève, qui dure depuis plus d'un mois et qui paralyse les immenses plantations de l'United Fruit, est d'abord la révolte désespérée de milliers de crève-la-faim. Malgré un relief tourmenté et de mauvaises conditions atmosphériques, un C-47 mystérieux (en réalité tout le monde sait qu'il vient du Honduras) a ronronné l'autre soir pendant vingt minutes au-dessus de la capitale et lancé des tracts anticommunistes sur le palais national, le Congrès... et l'archevêché. Aussitôt, M. Guillermo Toriella, ministre des affaires étrangères du Guatemala, a convoqué une conférence de presse pour protester contre la " violation de l'espace aérien de la République " et les " menées contre-révolutionnaires de Castillo Armas ". Officier guatémaltèque réfugié au Honduras, en liaison avec le président Somoza du Nicaragua, bénéficiant d'une aide financière et militaire des Etats-Unis, M. Castillo Armas prépare depuis un an le renversement du " gouvernement communiste Arbenz ". La tension entre le Guatemala et les Etats-Unis n'est pas nouvelle. Elle était inscrite dans les promesses de la révolution d'octobre 1944. Jusque-là, le Guatemala n'existait pas. Pendant plus d'un siècle, le Guatemala a vécu sous la férule sanglante et impitoyable d'une série de dictateurs, dont le dernier a été le général Jorge Ubico. Fascisant, ami de l'Espagne franquiste, Jorge Ubico se disait libéral. Il a laissé des regrets qui deviennent lancinants dans certains milieux d'affaires de la capitale. Le jeu des Etats-Unis De 1944 à 1951, le Guatemala a connu un triumvirat d'officiers révolutionnaires, une Constitution démocratique, un code du travail, un embryon de sécurité sociale et quelques complots qui passionnèrent les Guatémaltèques, mais ne bouleversèrent pas le reste du monde. Enfin le prix du café montait sans cesse, rassurant les propriétaires de fincas et assurant au pays de confortables réserves en dollars. Tout s'est gâté avec l'arrivée à la présidence en mars 1951 du colonel Arbenz et la promulgation un peu plus tard de la réforme agraire. Les premières mises en garde américaines contre le danger communiste au Guatemala ont effectivement coïncidé avec les premières expropriations de terres appartenant à l'United Fruit. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de communistes au Guatemala. Mais on doit à la vérité de signaler cette concordance entre l'inquiétude américaine et le début d'un mouvement nationaliste guatémaltèque luttant pour l'indépendance économique. A la dixième conférence interaméricaine de Caracas (du 1er au 28 mars dernier), M. Dulles n'a eu qu'un objectif : faire adopter une résolution anticommuniste. Traduisons : disposer d'une arme juridique permettant aux Etats-Unis d'attaquer le gouvernement guatémaltèque sur le terrain légal et à travers l'Organisation des Etats américains. L'arme est maintenant brandie au-dessus de ce modeste pays, dont les dirigeants se sont crus assez forts ou assez sûrs de leur droit pour acheter des armes derrière le rideau de fer. L'arrivée du cargo Alphelm, chargé d'armes tchécoslovaques, à Puerto-Barrios a déclenché un mécanisme dont les conséquences sont encore imprévisibles : rupture des relations diplomatiques par le Nicaragua, rappel de l'ambassadeur du Honduras par son gouvernement, retour de l'ambassadeur du Guatemala à Haïti (déclaré persona non grata), visite amicale de superbombardiers atomiques américains au Nicaragua et surtout conversations à Washington entre M. Dulles et les ambassadeurs des Etats américains pour déterminer s'il existe au sein de l'OEA une majorité décidée à proposer des sanctions contre le Guatemala. L'idée essentielle du nouveau gouvernement au Guatemala est : sortir les Indiens, c'est-à-dire le peuple, de la misère, apprendre à lire et à écrire, épeler le mot liberté, donner à ces hommes des conditions décentes de vie. Les intellectuels et les officiers qui ont fait la révolution ont d'abord voulu cela. Le marxisme n'est venu qu'après. L'Amérique latine est d'abord un continent de paysans. L'Amérique latine est d'abord indienne. La plupart de ces paysans sont encore des serfs illettrés. Ils récoltent le café, les bananes et les fruits tropicaux en Amérique centrale; le maïs, le coton et le chicle au Mexique; le café et le caoutchouc au Brésil; le cacao, les fruits et les bois précieux au Pérou et en Equateur. Ils extraient le pétrole (avec les Noirs) au Venezuela, l'étain en Bolivie, les émeraudes en Colombie. La misère Ce qui se passe ici ne peut pas ne pas avoir d'échos dans le reste d'un continent dont la seule véritable unité est une misère incroyable et une sous-alimentation chronique. Cet autre aspect d'un conflit méconnu explique pourquoi l'expérience guatémaltèque est suivie avec passion par des millions d'hommes, pourquoi elle est un cas. Il est possible qu'elle soit finalement exploitée par le communisme. Au départ, elle bénéficie de la sympathie de tous les hommes et de tous les mouvements politiques latino-américains qui veulent faire passer leurs patries du féodalisme au monde moderne. On ne peut pas demander aux représentants de compagnies étrangères de faire de la sociologie. En Amérique centrale, les dirigeants de l'United Fruit ont construit des écoles, des voies de communication quand ils en avaient besoin, des dispensaires, quelques stades. Ils payent généralement leurs ouvriers à des taux infiniment supérieurs à ceux qui sont pratiqués par les riches finqueros. Ce qui est sûr, c'est que la frutera avait établi au Guatemala et dans quelques autres républiques un véritable Etat dans l'Etat. Ici, l'United Fruit (UFCO), l'International Railways of Central America (IRCA), la Compania Agricola Guatemalteca (CAG), sont une seule et même chose. Ce monopole contrôle les trois ports du pays (Puerto-Barrios, San-José et Champerico), possède la seule flotte marchande et pratique des tarifs exorbitants. Il faut pourtant beaucoup d'imagination pour réduire les Etats-Unis à Wall Street. Le gouvernement guatémaltèque ne veut voir dans les attaques américaines que des réflexes de défense économique. Washington ne parle que de communisme et de menace pour la sécurité américaine. Où est la vérité? Le Guatemala est-il déjà une démocratie populaire, la première en Amérique ? En vérité, le communisme est partout et nulle part au Guatemala. Je l'ai même rencontré au fond d'un village indien sur les bords du lac Atitlan. Dans une casa de paja (hutte aux parois de roseaux et au toit de feuilles), où un jeune garçon m'avait emmené. Toute une famille vivait là sans même un rudiment de meuble. Au centre, un foyer grossier fait des pierres. A même le sol, enroulées dans une couverture mangée de vermine, deux petites filles dormaient. Nous sommes restés quelques instants sans rien dire. Et brusquement le jeune Indien s'est approché et m'a dit : " No somos comunistas, senor [nous ne sommes pas communistes], no somos comunistas... " Des casas de paja, il y en beaucoup au Guatemala. Les Indiens illettrés et misérables forment la très grande majorité de la population, un peu plus de deux millions. Leur univers ne dépasse pas les 50 kilomètres qui les séparent de Coban, de Chichicastenango, de Huehuetenango ou de toute autre ville où il y a un marché. Ils se nourrissent de maïs et de frijoles (haricots noirs), parfois de poisson séché. Ils marchent sans cesse sur des routes où passent des Cadillac ou sur des chemins de terre, courbés en avant sous des charges de poteries amoncelées, en s'aidant d'un fronteau. Quand ils ont vendu leur charge, ils la remplacent parfois par de grosses pierres afin de conserver cette même démarche qui lance le corps en avant. Ils parlent le " quiché ", dialecte maya. Quand quelque chose ne va pas, ils vont voir le sorcier, implorer la Vierge dans une église ou l'une de ces idoles mayas cachées dans la forêt et qui ressemblent à des dieux asiatiques. Alors le communisme! Mais le 1er mai dernier, sur la place devant le palais national, à Guatemala, ces mêmes paysans ou leurs frères portaient des banderoles ou des calicots fulminant contre la guerre impérialiste en Corée, au Vietnam, et proclamant la solidarité des ouvriers et des paysans guatémaltèques avec les opprimés du monde entier. Les paysans brandissent des banderoles, dont ils ne comprennent pas le sens parce qu'ils ne savent pas lire, et défilent pendant des heures devant le président de la République. Mais les correspondants de presse américains, impressionnés, câblent à Washington des papiers sensationnels sur la manifestation communiste du 1er mai. Le rôle des communistes Qui rédige les proclamations révolutionnaires dont le style est connu ? Les communistes. Combien sont-ils ? " Cinq cents, dont une vingtaine peut-être de vrais ", m'a dit le chancelier Toriello. " Plus de trois mille ", assurent les opposants au gouvernement Arbenz. Ils ont obtenu quelque quatorze mille voix aux dernières élections dans le département de Guatemala. Mais il suffit de rester quelques jours dans la République pour se rendre compte que la question importante n'est pas de savoir s'il y a dix, cent ou mille communistes au Guatemala. Le Parti guatémaltèque du travail (communiste) est naturellement le mieux organisé des partis gouvernementaux. Il n'a que quatre députés au Congrès. Le Parti communiste à la structure classique des partis communistes du monde entier : des cellules a la base et le comité exécutif au sommet, des organisations sympathisantes comme le Mouvement des femmes guatémaltèques ou l'Association des étudiants démocratiques. Enfin, le Parti communiste guatémaltèque a des chefs de valeur : Pellecer, député d'Escuintla; Gutierrez, député, secrétaire général de la CGTG (Confédération des travailleurs guatémaltèques), et Fortuny, secrétaire général du parti jusqu'à la semaine dernière. Fortuny vient en effet de démissionner de son poste à la suite d'une réunion du comité exécutif qui aurait décidé " de prendre des mesures pour faciliter la tâche du gouvernement Arbenz ". En clair, cela veut dire que les communistes guatémaltèques vont peut-être mettre une sourdine à leur campagne anti-américaine devant la menace d'intervention des Etats-Unis. Victor Manuel Gutierrez, Leonardo Castillo Flores (leader des Unions de paysans, syndicat des travailleurs agricoles), Gabriel Camey (communiste, maire d'Escuintla) et José Manuel Fortuny ont fait à la fin de l'année dernière un voyage derrière le rideau de fer. Fortuny est même resté trois mois absent. Il faut beaucoup de naïveté ou beaucoup d'aveuglement pour ne pas imaginer que ces hommes ont envisagé avec les dirigeants soviétiques un plan de harcèlement des Etats-Unis en Amérique centrale. Alors, le Guatemala est communiste? Certainement pas. Il y a ici une liberté totale, et les cercles de l'opposition s'agitent infiniment plus que les communistes. La presse? Elle publie chaque jour des avertissements comminatoires au président Arbenz. L'ensemble des quotidiens d'opposition tirent à près de cinquante mille exemplaires et trustent la publicité commerciale, tandis que les journaux gouvernementaux plafonnent péniblement à dix mille exemplaires et sombreraient s'ils ne recevaient pas une aide officielle. Enfin, les réformes qui ont été faites ici depuis dix ans sont incontestablement marquées du sceau du petit capitalisme. La réforme agraire? Elle ferait sourire des conservateurs français. Les propriétés de moins de 90 hectares, cultivées ou non, ne sont pas touchées par le fameux décret 900. Seules sont concédées aux nouveaux campesinos, après indemnisation aux anciens terratenientes ou à l'United Fruit, les terres en jachère et les terres non cultivées par leurs propriétaires ou pour le compte de ceux-ci. Le département d'Escuintla, entre la côte pacifique et la chaîne de volcans, est le plus riche du pays. C'est aussi dans ce département que la réforme agraire est le plus avancée. Une classe nouvelle de petits propriétaires terriens est née, auxquels il n'a pas suffi de confier des terres mais qu'il faut éduquer. Lutter contre l'atavisme de l'Indien, qui se contente de cultiver le strict nécessaire à sa subsistance, est la tâche la plus dure. L'Etat ne fait pourtant rien pour favoriser la formation de coopératives de paysans, il n'y a encore pour tout le pays qu'un seul " centre de mécanisation " qui prête ses quelque quarante tracteurs (avec un technicien) aux paysans qui en font la demande. Les travaux publics ? La construction d'un nouveau port national à Santo-Tomas (à 30 kilomètres de Puerto-Barrios) a été confiée à une entreprise capitaliste américaine, qui travaille d'arrache-pied pour empocher la confortable prime de délai promise par le gouvernement. La " route de l'Atlantique ", qui reliera Santo-Tomas à la capitale et doit en principe éliminer le chemin de fer américain de Puerto-Barrios à Guatemala, avance moins vite. Les bulldozers tombent, paraît-il, un peu trop souvent en panne... Décidément, le Guatemala n'est pas mûr pour les travaux forcés. L'économie du pays est une économie capitaliste avec intervention de l'Etat. Les kolkhozes ne pointent pas encore à l'horizon. Mais le Parti communiste tente visiblement de monopoliser à son seul profit les bénéfices accordés par la révolution aux paysans. Des incidents ont éclaté à plusieurs reprises qui ont prouvé que, dans cette surenchère démagogique auprès de masses peu évoluées, le communisme était mieux placé que les autres pour l'emporter. Les autres précisément paraissent n'y attacher aucune importance. Grands fonctionnaires, dirigeants politiques, professeurs, ingenieros, licenciados, vous tiennent tous le même langage : " Les communistes veulent la réforme agraire? Nous aussi. Ils se battent pour l'indépendance économique ? Nous aussi. Ils souhaitent l'éducation du peuple ? Nous aussi. Nous sommes d'abord tous guatémaltèques. Si quelques-uns de ces " muchachos " sont devenus communistes, c'est leur affaire... " Le Guatemala seul, c'est assez cela. Il reste à savoir si le pays n'est pas trop près des Etats-Unis pour se permettre pendant longtemps encore cette neutralité agressive. " Nous ne sommes pas une colonie américaine ni un Etat associé. " Pour réaliser des objectifs identiques à ceux de nombreuses autres nations latino-américaines, le Guatemala a choisi une voie plus dure, mais aussi plus équivoque. Pour combien de temps ? MARCEL NIEDERGANG Le Monde du 9 juin 1954
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« Guatemala.

Mais on doit à la vérité de signaler cette concordance entre l'inquiétude américaine et le début d'un mouvementnationaliste guatémaltèque luttant pour l'indépendance économique. A la dixième conférence interaméricaine de Caracas (du 1 er au 28 mars dernier), M.

Dulles n'a eu qu'un objectif : faire adopter une résolution anticommuniste.

Traduisons : disposer d'une arme juridique permettant aux Etats-Unis d'attaquer le gouvernementguatémaltèque sur le terrain légal et à travers l'Organisation des Etats américains. L'arme est maintenant brandie au-dessus de ce modeste pays, dont les dirigeants se sont crus assez forts ou assez sûrs de leurdroit pour acheter des armes derrière le rideau de fer. L'arrivée du cargo Alphelm, chargé d'armes tchécoslovaques, à Puerto-Barrios a déclenché un mécanisme dont lesconséquences sont encore imprévisibles : rupture des relations diplomatiques par le Nicaragua, rappel de l'ambassadeur duHonduras par son gouvernement, retour de l'ambassadeur du Guatemala à Haïti (déclaré persona non grata), visite amicale desuperbombardiers atomiques américains au Nicaragua et surtout conversations à Washington entre M.

Dulles et lesambassadeurs des Etats américains pour déterminer s'il existe au sein de l'OEA une majorité décidée à proposer des sanctionscontre le Guatemala. L'idée essentielle du nouveau gouvernement au Guatemala est : sortir les Indiens, c'est-à-dire le peuple, de la misère, apprendreà lire et à écrire, épeler le mot liberté, donner à ces hommes des conditions décentes de vie.

Les intellectuels et les officiers quiont fait la révolution ont d'abord voulu cela.

Le marxisme n'est venu qu'après. L'Amérique latine est d'abord un continent de paysans.

L'Amérique latine est d'abord indienne.

La plupart de ces paysans sontencore des serfs illettrés.

Ils récoltent le café, les bananes et les fruits tropicaux en Amérique centrale; le maïs, le coton et le chicleau Mexique; le café et le caoutchouc au Brésil; le cacao, les fruits et les bois précieux au Pérou et en Equateur.

Ils extraient lepétrole (avec les Noirs) au Venezuela, l'étain en Bolivie, les émeraudes en Colombie. La misère Ce qui se passe ici ne peut pas ne pas avoir d'échos dans le reste d'un continent dont la seule véritable unité est une misèreincroyable et une sous-alimentation chronique.

Cet autre aspect d'un conflit méconnu explique pourquoi l'expérienceguatémaltèque est suivie avec passion par des millions d'hommes, pourquoi elle est un cas.

Il est possible qu'elle soit finalementexploitée par le communisme.

Au départ, elle bénéficie de la sympathie de tous les hommes et de tous les mouvements politiqueslatino-américains qui veulent faire passer leurs patries du féodalisme au monde moderne. On ne peut pas demander aux représentants de compagnies étrangères de faire de la sociologie.

En Amérique centrale, lesdirigeants de l'United Fruit ont construit des écoles, des voies de communication quand ils en avaient besoin, des dispensaires,quelques stades.

Ils payent généralement leurs ouvriers à des taux infiniment supérieurs à ceux qui sont pratiqués par les richesfinqueros.

Ce qui est sûr, c'est que la frutera avait établi au Guatemala et dans quelques autres républiques un véritable Etat dansl'Etat.

Ici, l'United Fruit (UFCO), l'International Railways of Central America (IRCA), la Compania Agricola Guatemalteca(CAG), sont une seule et même chose.

Ce monopole contrôle les trois ports du pays (Puerto-Barrios, San-José et Champerico),possède la seule flotte marchande et pratique des tarifs exorbitants. Il faut pourtant beaucoup d'imagination pour réduire les Etats-Unis à Wall Street.

Le gouvernement guatémaltèque ne veut voirdans les attaques américaines que des réflexes de défense économique. Washington ne parle que de communisme et de menace pour la sécurité américaine.

Où est la vérité? Le Guatemala est-il déjàune démocratie populaire, la première en Amérique ? En vérité, le communisme est partout et nulle part au Guatemala.

Je l'ai même rencontré au fond d'un village indien sur les bordsdu lac Atitlan.

Dans une casa de paja (hutte aux parois de roseaux et au toit de feuilles), où un jeune garçon m'avait emmené.Toute une famille vivait là sans même un rudiment de meuble.

Au centre, un foyer grossier fait des pierres.

A même le sol,enroulées dans une couverture mangée de vermine, deux petites filles dormaient.

Nous sommes restés quelques instants sans riendire.

Et brusquement le jeune Indien s'est approché et m'a dit : " No somos comunistas, senor [nous ne sommes pascommunistes], no somos comunistas...

" Des casas de paja, il y en beaucoup au Guatemala.

Les Indiens illettrés et misérablesforment la très grande majorité de la population, un peu plus de deux millions.

Leur univers ne dépasse pas les 50 kilomètres quiles séparent de Coban, de Chichicastenango, de Huehuetenango ou de toute autre ville où il y a un marché.

Ils se nourrissent demaïs et de frijoles (haricots noirs), parfois de poisson séché.

Ils marchent sans cesse sur des routes où passent des Cadillac ousur des chemins de terre, courbés en avant sous des charges de poteries amoncelées, en s'aidant d'un fronteau.

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