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Article de presse: Le retard économique des pays d'Europe centrale

Publié le 22/02/2012

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- Les PECO (pays d'Europe centrale et orientale) sont-ils partis pour devenir des tigres économiques, ou pour traverser une longue période de croissance lente, constellée de crises ? Les derniers mois ont donné des signaux très divers, qui, globalement, ne laissent pas penser que le "miracle économique" de l'Asie du Sud-Est se reproduira à l'est du continent européen. La démographie, celle de "vieux" pays, pèse sur la force de travail, engendre des coûts lourds pour les budgets. Les restructurations, engagées depuis plusieurs années, restent malgré tout embryonnaires dans de larges secteurs de l'industrie. Les coûts du travail se rapprochent rapidement de ceux du monde industrialisé. Enfin, les investissements étrangers restent relativement limités. L'intégration de ces pays dans l'Union européenne accélérerait le processus de rattrapage, mais celui-ci se comptera en décennies et non pas en années. Parmi les dix pays ayant signé des accords d'association avec l'Union, seules la Pologne et la Slovénie ont déjà retrouvé leur niveau de production d'avant l'effondrement du communisme, en 1989. La Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et la Roumanie y arrivent seulement. Les taux de croissance de certains de ces pays ont impressionné leurs voisins occidentaux : la Pologne et la Slovaquie paraissent inscrites sur des pentes de 5 % par an. Mais la Hongrie ou la République tchèque se contentent de 3 % environ, alors que la Bulgarie subit une grave récession. Au total, l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) estime que "la viabilité de la croissance est désormais la question la plus cruciale dans les économies en voie de transformation, d'autant que les niveaux du PIB par habitant sont encore faibles". Le revenu par habitant de la Hongrie ou de la Pologne atteint encore moins d'un tiers de celui de la France (celui de la Grèce, le pays le moins riche de l'Union, se situe à la moitié). Depuis le début de la transition économique, la croissance a surtout été tirée par les exportations. Mais les ventes à l'étranger souffrent de plus en plus de l'appréciation des monnaies, étroitement liées aux grandes devises internationales dans un souci de rigueur monétaire, alors que l'inflation est nettement supérieure, et que les coûts du travail augmentent rapidement. Réformes structurelles urgentes L'investissement, autre moteur traditionnel de la croissance, doit impérativement prendre le relais : l'investissement étranger, dynamique dans certains pays, est loin d'avoir pris l'ampleur qu'il a en Asie du Sud-Est : en Hongrie, premier récipiendaire de la région, le stock d'investissements étrangers directs atteint 12 milliards de dollars environ, contre plus de 40 milliards dans la seule Malaisie. Quant à l'investissement intérieur, il reste faible, en raison de la baisse des niveaux de vie, et surtout du faible développement des marchés des capitaux. Si des marchés de valeurs mobilières ont vu le jour partout, encore faut-il permettre l'épanouissement de systèmes cohérents de banques et de gestion de l'épargne. Plusieurs pays de la région ont déjà subi des crises bancaires majeures, et leurs établissements bancaires ne parviennent pas à se libérer de leurs créances non performantes. La question lancinante des réformes structurelles se pose donc : autant il a été facile, dans les premières années de la transition, d'ouvrir les marchés commerciaux et de stimuler le commerce extérieur, autant il est malaisé d'approfondir les réformes et d'éviter une interruption de la dynamique. La République tchèque en a donné le meilleur exemple, ces dernières semaines : considérée comme l'un des modèles de transition réussie, Prague a accumulé des déficits extérieurs croissants, au point que la stabilité de la monnaie a été mise en péril, ébranlant la coalition politique au pouvoir. Le gouvernement avait vendu l'ensemble de l'industrie à des fonds de privatisation, sans restructurations préalables. Huit ans après la "révolution de velours", il faut maintenant régénérer la plupart des capacités de production. En matière commerciale, l'appartenance à l'Union européenne pourrait, en théorie, changer radicalement la donne si les "secteurs sensibles" de l'agriculture ou de l'acier n'étaient plus exclus du grand marché. Or, justement dans les secteurs où l'Est dispose d'avantages comparatifs, il est probable que les Quinze demanderont des clauses de sauvegarde visant à protéger leurs producteurs, obligeant ces pays à des ajustements difficiles. Ainsi, en Pologne, où plus du quart de la population vit de l'agriculture, des réallocations massives de la force de travail vont s'imposer. Le Fonds monétaire international a récemment tenté d'estimer quelle serait la durée du rattrapage par l'Europe centrale du niveau de développement des pays industrialisés. Une série d'équations complexes, prenant en compte une variété d'éléments (allant du niveau de scolarisation aux taux de taxation), conclut que même pour les pays les plus prospères de la région, pas moins de vingt années seront nécessaires à l'Europe centrale pour atteindre le niveau de développement du monde industrialisé. Le niveau de l'éducation figure, selon le FMI, parmi les meilleurs atouts de la région. Le taux d'épargne, en revanche, indispensable pour financer la modernisation des appareils industriels, reste l'un des éléments les plus préoccupants. Il est inférieur d'un tiers à celui des économies d'Asie à croissance rapide. FRANCOISE LAZARE Le Monde du 19 juillet 1997

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