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Article de presse: Le Stalingrad du Pacifique

Publié le 22/02/2012

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4-5 juin 1942 - La bataille de Midway n'a duré pratiquement que deux jours : les 4 et 5 juin 1942. Elle a fait trois mille huit cents morts. Cependant, elle a eu sur l'évolution de la seconde guerre mondiale un effet presque aussi déterminant que le colossal affrontement de Stalingrad où les forces soviétiques, pendant l'hiver 1942-1943, encercleront et détruiront l'armée allemande de von Paulus. La flotte américaine du Pacifique avait été écrasée par surprise, le 7 décembre 1941, à Pearl-Harbor, par les forces de l'amiral japonais Yamamoto. Mais ses trois porte-avions avaient échappé au désastre, et un effort considérable de construction navale et aéronavale portait déjà ses fruits. Entre le 4 et le 8 mai 1942, dans la mer de Corail, s'était livrée la première grande bataille aéronavale : deux flottes s'étaient affrontées à 150 kilomètres de distance en n'usant que de leur aviation embarquée; Bataille indécise. Un porte-avions perdu de part et d'autre. Mais l'Australie du Nord était sauvée. Yamamoto voulut tenter un coup décisif : s'emparer de l'île de Midway, bastion avancé américain à 4 000 kilomètres de Tokyo et 1 500 des îles Hawaii, y attirer et y détruire le gros des navires de combat des Etats-Unis. Il disposait à cet effet de moyens près de trois fois supérieurs à ceux de l'amiral Nimitz, commandant en chef de la flotte américaine du Pacifique: huit porte-avions contre trois, onze cuirassés, vingt croiseurs contre huit, soixante destroyers contre quatorze, sept cents avions contre trois cents. Mais il ignorait deux choses. Depuis 1940 le capitaine de corvette américain Joseph Rochefort avait réussi à décrypter le code secret JN 25 de la marine japonaise. Et le porte-avions Yorktown avait été remorqué à Pearl-Harbor et réparé en soixante-douze heures. L'amiral japonais avait mis au point une stratégie subtile. Il attirerait vers les îles Aléoutiennes, au large de l'Alaska, une partie de la flotte américaine, s'emparerait pendant ce temps de Midway avec ses porte-avions et écraserait ensuite devant l'île, sous le feu de ses cuirassés, les navires de ligne de Nimitz accourus trop tard. Nimitz, parfaitement renseigné grâce à Rochefort, renforça aussitôt les défenses de l'île et y envoya une centaine d'avions, dont les hydravions de reconnaissance Catalina. Lorsque les appareils des porte-avions japonais attaqueraient l'île, les torpilleurs et les bombardiers embarqués américains fondraient sur les navires privés de leurs avions. Yamamoto, puisque, pensait-il, les porte-avions américains seraient trop loin pour intervenir, avait dispersé sa flotte en une dizaine de groupes de navires, mais concentré ses porte-avions pour l'attaque de Midway. Lui-même se tenait à plusieurs centaines de kilomètres à l'ouest avec ses canons lourds. Nimitz, au contraire, avait dispersé ses porte-avions pour les rendre moins vulnérables à une attaque unique. La Task force 16 de l'amiral Spruance, avec l'Enterprise et le Hornet, avait appareillé de Pear-Harbor le 28 mai, suivie de la Task force 18 de l'amiral Fletcher avec le Yorktown et son escorte. Rendez-vous le 2 juin à 500 kilomètres au nord-est de Midway. Le 3, les Japonais bombardent Dutch Harbor dans les Aléoutiennes. Un Catalina de Midway repère une formation japonaise au sud-ouest. Mais la première force japonaise de l'amiral Nagumo, à bord du porte-avions Akagi, arrive du nord-ouest et le 4, à l'aube, ses cent huit avions bombardent l'île. Les appareils américains ont décollé des aérodromes avant l'assaut. Ils le repoussent une première fois, puis sont écrasés par les chasseurs nippons Zero, après s'être lancés cinq fois à l'assaut des navires de Nagumo. Mais les pistes et la défense contre-avions sont intactes. Et plusieurs dizaines d'avions japonais ont été abattus. Nagumo veut en finir. Puisque les Américains, croit-il, n'ont pas de porte-avions dans la région, autant utiliser les avions torpilleurs comme bombardiers. Les mécaniciens remplacent les torpilles par des bombes. Sur quoi est signalée l'arrivée d'un porte-avions américain. Confusion : on remonte les torpilles et on entasse les bombes toujours amorcées en bordure du pont d'envol. Spruance et Fletcher à peine à portée de la flotte japonaise lancent leurs appareils. Une grande partie des escadrilles ne trouvent pas leurs cibles. D'autres se heurtent aux Zero et à la DCA et essuient de terribles pertes. Vers 10 heures du matin, il ne reste que cinquante-quatre avions américains embarqués sur deux cents. Nagumo a résisté à huit assauts et récupéré quatre-vingt treize appareils. Il donne l'ordre d'attaquer. Au moment même où ses avions décollent de l'Akagi surgit une formation de bombardiers américains. Ils touchent le centre du navire, font exploser les avions qui attendent leur tour et les bombes entassées près du pont. Nagumo doit quitter l'Akagi en flammes et qui va couler. L'escadrille du Wing commander McClusky, de l'Enterprise, découvre le porte-avions japonais Kaga et fonce. Les soutes à torpilles sautent. Le Kaga n'est plus qu'une épave. Le lieutenant commander Max Leslie bombarde le Soryu, qui saute. Un seul porte-avions japonais reste à flot, le Hiryu. Tandis que la nuit tombe, les vingt-quatre derniers avions de l'Enterprise se précipitent sur le Hiryu. Le commandant, l'amiral Yamaguchi, présente ses excuses aux huit cents marins rescapés avant qu'ils ne quittent le navire. Il reste sur le pont et donne l'ordre de torpiller ce qui reste du Hiryu. Le 5 juin à 2 h 55, Yamamoto, qui se trouve, avec ses cuirassés et ses croiseurs lourds, privé de ses moyens aériens, donne l'ordre de repli. Mais la bataille n'est pas terminée. Deux croiseurs japonais sont entrés en collision pendant le combat. L'un sera achevé le lendemain par les avions américains, l'autre très gravement endommagé. L'indomptable Yorktown, qui a survécu, et le destroyer Hamman, qui le remorque vers Pearl-Harbor, sont coulés par un sous-marin nippon. Les Américains ne mesureront que longtemps plus tard l'étendue de leur victoire. La guerre a changé de sens, l'initiative est désormais dans le camp américain. JEAN PLANCHAIS Le Monde du 10 août 1986

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