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Article de presse: Les accords d'Evian, piétinés mais jamais dénoncés

Publié le 22/02/2012

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18 mars 1962 - Dix ans après la signature des accords, philippe Herreman fait le bilan de leur application. 18 mars 1962 : dans la grande salle de l'Hôtel du Parc à Evian, trois ministres français, d'une part, Belkacem Krim, au nom du gouvernement provisoire de la République algérienne, d'autre part, signent les accords qui mettent un terme aux combats, organisent la période transitoire jusqu'à l'autodétermination, et tracent le cadre des rapports futurs entre l'ancienne métropole et l'Etat qui va naître. Le soir même, le général de Gaulle s'adresse en ces termes à la nation : " La conclusion du cessez-le-feu en Algérie, les dispositions adoptées pour que les populations y choisissent leur destin, la perspective qui s'ouvre sur l'avènement d'une Algérie indépendante coopérant étroitement avec nous, satisfont la raison de la France... " Le lendemain à midi, le cessez-le-feu entre en vigueur Abderrahmane Farès devient président de l'exécutif provisoire, et Christian Fouchet est nommé haut commissaire de France à Alger. Une page tragique de l'histoire de la décolonisation est tournée. Une autre s'ouvre sur la meurtrière aventure de l'OAS, l'exode dramatique des pieds-noirs, les sanglants règlements de comptes et la lutte pour le pouvoir au sein du FNL, qui se poursuivra au-delà du 3 juillet, date d'accession de l'Algérie à l'indépendance. Il ne reste pas grand-chose de la laborieuse construction d'Evian, dont des pans entiers se sont successivement écroulés au fil des ans, des violations, des crises. Le double postulat : maintien, de l'autre côté de la Méditerranée, d'une forte minorité française, établissement à Alger d'un pouvoir libéral, s'est effondré. La folle équipée de l'OAS précipita l'exode des Européens, tandis que le régime algérien se radicalisait rapidement et faisait fi de la plupart des garanties accordées aux pieds-noirs et à leurs biens : " Nous sommes décidés à appliquer loyalement les accords ", affirmait Ahmed Ben Bella, le 24 avril 1962. Six mois plus tard, devenu chef du gouvernement, il déclarait que ces accords constituaient un " compromis " qui, à certains égards, était incompatible avec les " perspectives socialistes de l'Algérie ". Les accords d'Evian n'auront-ils donc été que l' " habillage " nécessaire d'une paix ardemment souhaitée, la couverture juridique d'une mutation inévitable ? Si les violations, avec leur cortège d'injustices, ont été nombreuses et éprouvantes, notamment pour les pieds-noirs spoliés, une analyse rétrospective des textes, si succincte soit-elle, fait apparaître aussi que certaines clauses, qui ont permis la transition, ont été appliquées, que d'autres ont donné naissance à la coopération notamment culturelle et technique, enfin que la France, en n'honorant pas ses engagements sur l'achat des vins algériens, a sa part de responsabilité dans le dépérissement des accords. Ceux-ci-tout le monde en convient-appartiennent aujourd'hui à un passé révolu. Nul ne s'y réfère plus depuis longtemps, ni d'un côté ni de l'autre. Mais si les textes de 1962 ont été souvent contournés, ignorés, voire piétinés, ils n'ont jamais été explicitement dénoncés. PHILIPPE HERREMAN Le Monde du 17 mars 1972

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