Devoir de Philosophie

Article de presse: Les Quinze et la discipline de la monnaie unique

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

13-14 décembre 1996 - C'est à l'évidence avec une grande satisfaction que Ruari Quinn, le ministre irlandais des finances qui présidait les travaux du Conseil " Ecofin ", et Yves-Thibault de Silguy, le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires, ont annoncé, vendredi 13 décembre dans l'après-midi, que les Quinze étaient parvenus à s'entendre sur les modalités du " pacte de stabilité " budgétaire, lequel liera, à partir du 1e janvier 1999, les pays participants à l'euro. Les derniers points laissés en suspens à l'aube précédente avaient été réglés, le compromis virtuel étant ainsi transformé en accord politique en bonne et due forme. Trois textes ayant trait à la gestion de l'euro sont ainsi débloqués. Celui sur le statut juridique de l'euro explique qu'à compter du 1e janvier 1999, l'euro deviendra la seule monnaie légale des pays qui auront été qualifiés (en mars 1998) pour passer à la troisième étape de l'Union économique et monétaire. Il garantit la continuité des contrats, autrement dit donne les assurances nécessaires à ceux qui détiennent des créances en écus, ou bien dans l'une des devises européennes qui vont disparaître au profit de l'euro. Le deuxième concerne la mise en place, à partir du 1e janvier 1999, d'un nouveau système monétaire européen (SME) entre la zone " euro " et les pays dits pré-in qui ne participeront pas encore à la monnaie unique, soit parce qu'ils ne remplissent pas les conditions exigées par le traité (les critères de convergence), soit s'agissant des deux pays qui disposent d'une clause d'exemption (Grande-Bretagne, Danemark) parce qu'ils auront préféré différer leur propre passage à la monnaie unique. Le nouveau SME, auquel tenaient beaucoup les Français, a pour objet d'assurer la stabilité monétaire à l'intérieur de l'ensemble de l'Union. Le troisième est le " pacte de stabilité " lui-même, objet de la sollicitude des Allemands, garde-fou contre la tentation de pratiquer une politique budgétaire laxiste avec, comme risque, la remise en cause de la solidité de l'euro. A la demande de Jacques Chirac, il sera dorénavant dénommé " pacte de stabilité et de croissance ". Chacun a reconnu que l'idée était bonne, qu'il ne s'agissait pas là de chercher à faire illusion, mais de convaincre l'opinion que la vertu ainsi codifiée, choisie par tous, imposée par personne, donnerait une assise plus solide à l'activité. Compromis L'objet du pacte est d'encadrer la politique budgétaire des participants à l'euro, avec comme objectif, à moyen terme, des finances publiques proches de l'équilibre et, dans le court terme, des déficits n'excédant pas 3 % du PIB. En cas de dépassement, le pacte prévoit des sanctions pouvant prendre la forme de lourdes amendes si rien n'est fait à temps pour corriger les erreurs relevées. Franchir cette ligne rouge de 3 % sans être pour autant sanctionné sera possible, en cas de " circonstances exceptionnelles et provisoires ", c'est-à-dire principalement en cas de récession sévère. Comment définir cette dernière ? C'est sur ce point que depuis six semaines porte la querelle. Les Allemands, soutenus jusqu'à un certain point par les Néerlandais, plaident pour une définition étroite, de telle sorte que la mécanique dissuasive des sanctions puisse jouer de la manière la plus automatique possible. La majorité des autres Etats membres, Français en tête, soucieux d'introduire davantage de souplesse, préconisent une approche politique au cas par cas. Dans la nuit de jeudi à vendredi, les ministres des finances s'étaient entendus, non sans mal, sur l'architecture d'un compromis. Vendredi, à la reprise des travaux, il apparut très vite que chacun donnait une lecture différente du compromis. Les Allemands expliquaient que l'essentiel, c'étaient les chiffres inscrits dans l'accord, qui bornaient et limitaient donc la marge d'appréciation du Conseil. Aux dires des Français, en revanche, celle-ci était complètement préservée. Sauf à risquer une remise en cause d'un résultat laborieusement acquis quelques heures plus tôt, il fallait mettre un terme à cette cacophonie. Jacques Chirac, Helmut Kohl, John Bruton, le premier ministre irlandais, chargèrent Jean-Pierre Junker, premier ministre et ministre des finances du Luxembourg (siégeant dans les deux institutions, le Conseil Ecofin et le Conseil européen) d'une médiation entre Jean Arthuis et Theo Waigel, les ministres des finances français et allemand. Le premier ministre luxembourgeois, homme habile et avisé, qui bénéficie de l'estime de tous (il présidera le Conseil européen au second semestre 1997) éprouva apparemment quelques difficultés à mettre tout le monde d'accord sur un texte un peu moins susceptible d'interprétations divergentes ! Nul doute cependant que la volonté d'aboutir était bien présente et, finalement, cette ultime tractation fut conclue dans des délais raisonnables. Le cas de figure envisagé est celui où un pays de la zone euro laisse filer le déficit de ses finances publiques au-delà de 3 % du PIB. En cas de récession de plus de 2 % sur un an, il est dispensé de sanction. Dans l'hypothèse d'une récession inférieure à 2 %, la Commission fait un rapport au Conseil afin d'examiner s'il y a eu des circonstances exceptionnelles pouvant justifier une dispense des sanctions. Mais ce n'est en principe que pour une récession située entre 0,75 % et 2 % du PIB qu'une telle dispense pourra être accordée. PHILIPPE LEMAITRE, HENRI DE BRESSON Le Monde du 16 décembre 1996

Liens utiles