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Article de presse: L'Europe verte

Publié le 17/01/2022

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1er janvier 1973 - " Marché commun agricole ", " Politique agricole commune ", " Europe verte ", tels sont les dénominations données à un ensemble dont la nature juridique est constituée par un magma de textes-traités, règlements, directives-élaborés avec plus ou moins de sérénité par les gouvernements depuis la signature du traité de Rome par les Six-Allemagne, Belgique, France, Hollande, Italie, Luxembourg-et " l'élargissement " en 1972 aux Trois-Danemark, Irlande, Grande-Bretagne. Exceptée l'union douanière, cet " imbroglio ", est en fait une seule réalisation " élaborée " par les pays membres depuis la création du Marché commun : l'atome, l'espace, l'énergie, l'économie, la politique intérieure et extérieure ont en matière de coopération européenne à peine dépassé le stade des voeux pieux. C'est pourquoi la " PAC " constitue la pierre de touche de la constitution européenne, alors même que d'aucuns considèrent encore l'agriculture comme un secteur particulièrement rétrograde tant au plan social qu'économique. Sur la trame du " Pool Vert ", les signataires du traité de Rome ont fixé cinq objectifs au Marché commun agricole : " Accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique assurer un niveau de vie équitable à la population agricole stabiliser les marchés garantir la sécurité des approvisionnements assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs " (1). Pour les atteindre, les Six ont organisé à des degrés divers les marchés agricoles en fonction de trois principes : l'unité de marché (suppression des barrières douanières entre les Etats membres et création d'une protection extérieure commune) l'unité de prix (fixation d'un tarif unique dans toute la Communauté pour un même produit) la solidarité financière enfin (compensation des charges précédentes entre les différents Etats membres). Cette mécanique, dont les prix étaient en fait l'axe principal, a permis une augmentation rapide de la production et des échanges de denrées. Toutefois, il y eut des " ratés " : certaines productions (les céréales, le beurre...) étaient mieux traitées que d'autres (élevage, fruits et légumes, vins); la charge financière supportée par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) se révélait lourde : les revenus des paysans évoluaient très diversement selon les régions et le type de culture. Les responsables de l' " Europe verte ", M. Mansholt en particulier, ont alors imaginé de compléter cet ensemble par une politique de modernisation des structures d'exploitation. Présenté de façon audacieuse, le " plan Mansholt " a provoqué un tollé dans les milieux paysans, pour être finalement adopté sous une forme édulcorée : les " directives socio-structurelles ". Quoi qu'il en soit, la politique agricole commune a peu à peu évolué vers une hiérarchie des prix plus favorable aux productions animales, et la liste des produits couverts par une organisation de marché s'est allongée. L'équilibre de la construction reste fragile, mais il a fallu couler dans un même moule des agricultures et des " politiques vertes " très différentes au départ. L'arrivée de trois nouveaux partenaires n'a pas simplifié la tâche. D'autant que nombres d'obstacles se sont dressés : MONETAIRES.-Lorsque les devises des pays membres ont évolué en ordre dispersé, il a fallu mettre en place des montants compensatoires-sorte d'écluse entre la valeur des monnaies-pour préserver vaille que vaille l'unité de prix et de marché : POLITIQUES.-A la pression des paysans se sont parfois ajoutées des divergences entre gouvernements sur les objectifs de la CEE. On constate aujourd'hui que le Marché commun agricole souffre de l'avancement de son élaboration par rapport aux autres politiques européennes. L' " Europe verte " aurait désormais besoin de s'appuyer sur une politique monétaire et une politique régionale. Car, isolée, elle est la cible des adversaires de la CEE qui, tour à tour, lui reprochent de coûter cher aux consommateurs ou de brider le développement des échanges mondiaux. Le " boom " sans précédent réalisé par l'agriculture européenne sera-t-il dès lors remis en cause par les pressions, intérieures ou extérieures, qui poussent à une " renationalisation " des comportements ? Il s'agit d'une menace certaine pour la politique agricole commune qui s'étiolera peu à peu si les instances européennes se contentent de voiler les difficultés par des subterfuges juridiques permettant de préserver l'apparence d'unité. ALAIN GIRAUDO Juillet 1974

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