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Article de presse: René Mayer, un partisan d'une Europe fédérale

Publié le 17/01/2022

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21 mai 1953 - M. René Mayer, né le 4 mai 1895 à Paris, était licencié ès lettres et licencié en droit. Après avoir combattu, dans l'artillerie, pendant la première guerre mondiale-il fut blessé et cité,-il entra au Conseil d'Etat en 1920. Déployant une activité inlassable, il fut, en outre, membre du comité de direction de la SNCF et l'un des fondateurs d'Air France-tout en professant à l'Ecole libre des sciences politiques. Mobilisé en 1939, il dirigea, à Londres, la mission du ministère de l'armement. Rentré à Paris après l'armistice de juin 1940, il passa bientôt en zone sud d'où il parvint, en 1943, à gagner Alger. Le général Giraud lui confia le secrétariat aux communications. Le général de Gaulle le maintint à ce poste, comme commissaire, dans le Comité français de libération nationale puis comme ministre-des transports et des travaux publics-dans son gouvernement provisoire. M. René Mayer se présenta dans la Gironde aux élections d'octobre 1945 à la première Assemblée constituante mais échoua. Peu après, il était nommé commissaire général aux affaires allemandes et autrichiennes, fonctions auxquelles il renonça après avoir été élu, à Constantine, en juin 1946, député radical à la seconde Assemblée constituante. Il devait conserver jusqu'en 1956 son mandat, qu'il cumula avec ceux de maire de Giverny, petite commune de l'Eure, de conseiller général de ce département puis de conseiller général de Sétif et de président du conseil général de Constantine. Il était vice-président du groupe radical au Palais-Bourbon quand il devint ministre des finances et des affaires économiques dans le premier cabinet Robert Schuman (novembre 1947-juillet 1948). Assez grand, large d'épaules, il donnait une impression de force. Sous la chevelure argentée, une figure pâle, au large front, au long nez, au menton volontaire quoique un peu empâté; sous de lourdes paupières, un regard perçant; une bouche aux lèvres minces et ironiques. Une intelligence rapide, une vaste culture, la connaissance du monde des affaires ainsi que des milieux politiques, nationaux et internationaux, donnaient à M. René Mayer une autorité qui s'exprimait, sans fioritures de rhétorique, d'une façon directe, brève, parfois coupante. La voix grave s'élevait rarement, sauf dans la riposte volontiers sarcastique. Les discours étaient du style d'un président de conseil d'administration. L'homme était un républicain sincère, mais son sens de l'Etat et son caractère ne l'incitaient pas aux concessions, et il ne craignait pas d'affronter l'impopularité. Au gouvernement, il devait avoir deux buts essentiels dont rien ne parviendrait à le détourner : le rétablissement des finances et de l'économie françaises, la construction de l'Europe-en quoi d'ailleurs il était l'adepte convaincu de Robert Schuman pour qui il éprouvait admiration et respect. Ministre de la défense nationale dans le cabinet André Marie (juillet-septembre 1948), puis dans le deuxième cabinet Robert Schuman (septembre 1948) rapporteur, en juillet 1949, devant l'Assemblée nationale, du pacte atlantique, le député de Constantine fut, après la démission du premier ministère Queuille, chargé par Vincent Auriol de dénouer la crise. Il se présenta, le 20 octobre 1949, devant l'Assemblée, qui lui accorda son investiture par 341 voix contre 183; mais, trois jours plus tard, il renonça, devant les exigences des socialistes, à former le cabinet. M. Georges Bidault y réussit peu après : M. René Mayer était garde des sceaux, ministre de la justice, dans ce gouvernement qui devait être renversé le 24 juin 1950. Invité de nouveau à constituer un cabinet, il déclina l'offre du président de la République et demeura place Vendôme. La démission d'Henri Queuille, consécutive aux élections législatives de juin 1951, ouvrit une crise de vingt-cinq jours, pendant laquelle M. René Mayer fut l'une des personnalités convoquées à l'Elysée : il sollicita l'investiture de la nouvelle Assemblée, mais n'obtint pas la majorité constitutionnelle. De nouveau ministre des finances et des affaires économiques-cette fois avec le titre de vice-président du conseil-dans le deuxième cabinet Pleven (août 1951-janvier 1952), il fit approuver le plan Schuman par le Parlement. Il venait d'être nommé, en décembre 1952, représentant de la France à l'Assemblée du pool charbon-acier quand il fut, après la démission du cabinet Pinay, chargé une fois de plus par Vincent Auriol de former le gouvernement, ce qu'il fit le 8 janvier 1953, ayant obtenu, l'avant-veille, l'investiture. Pour la première fois, depuis les élections de 1951, les gaullistes du RPF ont apporté leurs voix à un président du conseil. L'équipe qu'il réunit autour de lui et qui était composée de radicaux, d'UDSR, de MRP, d'indépendants et paysans, comprenait notamment M. Bidault aux affaires étrangères, M. Bourgès-Maunoury aux finances, M. Pleven à la défense nationale. Dans sa déclaration d'investiture, le président du conseil avait préconisé, notamment, le blocage de 80 à 100 milliards de dépenses civiles et militaires; la réforme de la Sécurité sociale; la révision de plusieurs articles de la Constitution de la IVe République, " afin de rendre possibles certaines délégations de pouvoirs limités et de restaurer (...) le droit de dissolution, actuellement entouré de conditions qui le rendent purement théorique ". Pour ce qui concerne le traité instituant une Communauté européenne de défense (CED), M. René Mayer s'était exprimé avec son habituelle franchise, se déclarant partisan déterminé d'une armée européenne. Mais la situation politique intérieure-caractérisée par l'absence de majorité cohérente dans un régime de " gouvernement d'assemblée " -était telle que, en dépit de son dynamisme, le député de Constantine ne put réaliser son programme. Le 19 mai 1953, le président du conseil s'efforça de convaincre les députés d'accorder à son cabinet des pouvoirs s'étendant sur plusieurs exercices pour lui permettre de " s'attaquer aux causes permanentes de l'augmentation des dépenses publiques ". Le 21 mai, l'Assemblée lui refusa la confiance par 321 voix contre 243 : soixante et onze gaullistes sur quatre-vingt-trois ont voté contre lui et assuré ainsi sa chute, afin, en réalité, de retarder la ratification de la CED. Redevenu simple parlementaire, M. René Mayer se tint à l'écart de l'agitation politique, mais témoigna encore de ses éminentes capacités en exerçant la présidence de la haute autorité de la Commission européenne du charbon et de l'acier (1955-1957). Après la rupture du Parti radical avec le RGR (Rassemblement des gauches républicaines), à propos de la création d'une fédération autonome de la Seine, en 1955, il renonça, en 1956, à solliciter un nouveau mandat législatif et se consacra aux affaires. Ces différentes tâches ne l'empêchaient pas de continuer à militer en faveur des idées qui lui étaient chères et qu'il avait résumées en cette formule : " La vocation de la France est triple : européenne, atlantique et mondiale. " ANDRE BALLET Le Monde du 16 décembre 1972

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