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Article de presse: Marylin, victime du star system

Publié le 17/01/2022

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5 août 1962 - Inerte, la main crispée sur le téléphone, Marilyn Monroe semble avoir voulu, dans un sursaut dérisoire, échapper à cette solitude qui jusque dans la mort a marqué sa vie. Lorsqu'elle disait, ces derniers jours, à un journaliste américain combien capricieuse et fragile était la gloire, elle se savait sans doute déjà la victime de ce " star system " qui allait entraîner en même temps que sa fortune et l'adoration des foules sa propre destruction. Victime, elle le fut depuis son enfance, aussi triste qu'un roman de Dickens, et où, petite fille d'une mère folle, elle connut l'Assistance publique et ce dénuement moral qui la rendit malgré elle inapte au bonheur. Ce fragile point d'équilibre entre le succès professionnel et la réussite privée, elle le chercha toujours et ne le trouva jamais. En dépit de sa beauté, qu'exploitèrent les fabricants de stars avec le cynisme que l'on sait pour en faire le symbole de l'érotisme et de la sexualité, elle gardait sur son innocent visage l'empreinte de ses premières terreurs et le masque mélancolique d'une femme-enfant, d'une femme-objet, que les hommes adorent et humilient... Au-delà des apparences qui révélaient au monde une Américaine farfelue, une petite chanteuse de beuglant dévoilant ses charmes sous de brillantes paillettes ou encore une vamp typique en col de cygne et en robe de sirène, elle demeura l'héroïne romantique qui poursuit avec une déchirante ténacité sa quête de l'absolu. Ainsi nul peut-être ne l'a mieux décrite que les Misfits (les Inadaptés), sorte d' " auto-biographie-portrait " qu'écrivit Arthur Miller, alors son mari, et qui parvint à montrer avec une gravité attentive et triste le désarroi, les élans et les faiblesses de celle qu'il aimait. Car des faiblesses Marilyn Monroe en eut aussi : ses caprices, ses retards, ses crises de susceptibilité et d'instabilité sont célèbres, autant d'ailleurs que ses qualités. En effet, cette femme que la nature avait exceptionnellement comblée ne manquait ni d'intelligence ni d'esprit elle comprenait qu'une star ne peut " durer " si sa popularité se fonde sur la seule exploitation d'un mythe et d'une provisoire publicité. Poussée par un désir de perfection, elle apprit son métier d'actrice avec une obstination appliquée. On se souvient qu'elle quitta un jour Hollywood pour devenir l'élève anonyme de l'Actor's Studio. Elle se voulait comédienne, elle le devint, ses films en ont témoigné. On a pu croire un temps que, parvenant à mieux accorder le luxe d'une existence facile et choyée avec les recherches et les exigences de son métier, elle pourrait ainsi se délivrer des complexes et des doutes qui, souterrainement, la minaient. Mais c'était méconnaître les forces contre lesquelles eurent à lutter ces stars que l'on rencontre parfois sur le Sunset Boulevard de Hollywood, déchues et oubliées. Cette jeune femme frappée dans sa gloire et dans sa beauté, et dont on est tenté de dire qu'elle avait eu " tout pour être heureuse, sauf le bonheur ", annonce peut-être en même temps que la condamnation d'un système la fin d'une mythologie. Sa mort pourrait illustrer ces mots que Scott Fitzgerald marquait en exergue du Crack up : " Toute vie est un processus de démolition... " YVONNE BABY Le Monde du 7 août 1962

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