Article de presse: Monseigneur Duval, pasteur d'abord
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
15 juillet 1961 - Pour les partisans de l'Algérie française, pour tous ceux qui, au nom de la défense de l'Occident chrétien, entendent mener contre les " fellagha " une guerre impitoyable, Monseigneur Léon Etienne Duval, nommé le 4 février 1954 par Pie XII, archevêque d'Alger et de Julia-Césarée, est un traître. Comment en effet peut-on parler de justice, de paix, d'amour et de charité lorsqu'on se trouve devant des égorgeurs, des brigands arabes, musulmans-et donc fanatiques-de surcroît manipulés par Moscou. Et de plus en plus désorienté par les étranges propos de cet archevêque qui refuse de mettre la croix au service du glaive, le petit peuple pied-noir le surnomme par dérision " Mohamed ".
L'incompréhension se transformera en haine, une haine qui n'osera pas aller jusqu'à l'assassinat-les dirigeants militaires de l'OAS s'y étant opposés-mais qui se concrétisera par de violentes dénonciations et l'explosion de bombes à la cathédrale et dans des églises dites " progressistes ".
Les Algériens en revanche portent au chef de l'église catholique un respect qui ira grandissant au fil des mois de guerre. Ils ne cessent de louer son courage, sa clairvoyance, sa bonté.
Il est toujours difficile, lorsque les combats font rage, de se placer délibérément " ailleurs ", de refuser les récupérations, d'éviter les compromissions. Si Mgr Duval y est parvenu, c'est parce que, loin d'être un leader " progressiste " ainsi que le présentaient ses détracteurs, il a voulu se comporter d'abord en pasteur, en prêtre soucieux de toutes les âmes à lui confiées, qu'elles soient chrétiennes, musulmanes ou israélites.
Rien ne semblait prédisposer ce fils de paysan né en 1903 en Haute-Savoie à ce destin exceptionnel. Lorsqu'en 1946, il franchit la Méditerranée pour occuper le siège épiscopal de Constantine et d'Hippone, il a quarante-trois ans. Docteur en théologie, il professe une rigoureuse orthodoxie et se veut totalement homme d'église. Rien ne lui paraîtra plus grave que " la compromission doctrinale avec le communisme athée " ou " la collusion pratique avec le parti qui propage cette doctrine ".
Mais cet homme d'ordre, de rigueur, qui sait mettre au service d'une intelligence politique exceptionnelle un bon sens et une rouerie hérités de ses origines paysannes, est aussi un homme de coeur. A Constantine, la moins européenne des villes du pays, il découvre la misère d'une communauté algérienne encore traumatisée par la sanglante répression qui s'est abattue sur tout l'Est algérien après les émeutes de Sétif en 1945. Il côtoie le menu peuple, comprend ses soucis, prend la mesure de l'injustice coloniale.
A Alger, la capitale, où il arrive en 1954, quelques mois avant le déclenchement de l'insurrection, l'archevêché est installé à la lisière du quartier arabe, la fameuse Casbah. Mgr Duval ne peut rien ignorer des méthodes employées pour vaincre les rebelles, des humiliations, des violences qui se généralisent lors de la bataille d'Alger.
Et il refuse de se taire. Il est le premier à dénoncer, dès le 17 janvier 1955, moins de trois mois après la " Toussaint rouge ", le recours à la torture dans un communiqué lu en chaire dans toutes les églises du diocèse. Ce document qui fait abondamment référence à l'enseignement de Pie XII sera largement évoqué dans la presse et même à l'Assemblée nationale. Mgr Duval a choisi son camp, celui de la justice.
Il ne cesse ensuite de dénoncer les violations des droits de l'homme.
Il est aussi le premier, dès 1956, trois ans avant le général de Gaulle, à se prononcer en faveur de l'autodétermination des populations. Ces prises de position, comme la fermeté avec laquelle il appelle sans cesse clercs et laïcs à refuser l'engrenage de la violence et le piège du contre-terrorisme, lui valent l'hostilité croissante de l'armée et de la plus grande partie de la population européenne; une hostilité à la mesure des hommages rendus par les Algériens, dirigeants du FLN compris puisque ceux-ci, réunis en 1956 en congrès dans la vallée de la Soummam, n'hésitent pas à saluer " l'attitude réconfortante de l'archevêque se dressant courageusement et publiquement contre le courant et condamnant l'injustice coloniale ".
Mgr Duval se serait sans doute alors passé de cette approbation. Mais critiques ou louanges ne l'ont jamais détourné de sa voie : rappeler à tous, à temps et à contretemps, les exigences du message évangélique.
Ses condamnations des attentats FLN comme des exactions et des crimes commis contre les Européens au lendemain de l'indépendance sont le plus souvent reléguées au second plan. Elles n'en ont pas moins été fermes et nettes et, aujourd'hui encore Mgr Duval, citoyen algérien, créé cardinal en 1965, n'hésite pas, lorsqu'il le faut, à élever la voix dans l'Algérie indépendante pour rappeler que tous les hommes sont fils de Dieu et doivent être traités comme tels.
DANIEL JUNQUA
Septembre 1985
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