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Article de presse: Munich

Publié le 17/01/2022

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29-30 septembre 1938 - Dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938, à Munich, la France et la Grande-Bretagne, représentées par les chefs de leurs gouvernements Edouard Daladier et Neville Chamberlain, signent un accord qui sacrifiait la Tchécoslovaquie, leur création de 1919 et leur alliée. Elle se voyait amputée de tous ses territoires frontaliers de langue allemande, unis sous la dénomination globale de " Sudètes ", livrés au IIIe Reich. Hitler avait commencé dès le 14 mars 1936 à tâter les résistances à son programme d'expansion en envoyant la Reichswehr dans la zone de Rhénanie démilitarisée par le traité de Versailles. Sous le prétexte qu'il s'était borné à occuper des territoires allemands, Français et Britannique ne réagirent qu'avec des mots. Pourquoi, dès lors, n'aurait-il pas poursuivi une politique de récupération des territoires frontaliers de langue allemande, ce qui impliquait le démantèlement des structures nationales érigées à Versailles, précisément pour contenir cette expansion ? On connaîtra, au procès de Nuremberg, le programme qu'il annonçait, le 5 novembre 1937, aux chefs de la nouvelle Wehrmacht. Pour ouvrir à la communauté raciale allemande un " espace vital plus grand que celui des autres peuples, au coeur de l'Europe, dans le voisinage même du Reich ", il attaquerait, entre 1938 et 1943, l'Autriche puis la Tchécoslovaquie. La Grande-Bretagne n'interviendrait pas la France resterait passive, isolée, surtout si son armée était immobilisée par une crise intérieure, et par la prolongation de la guerre d'Espagne. Première séquence de ce scénario : le " rattachement " (Anschluss) de l'Autriche au Reich est accompli le 14 mars, avec l'entrée de Hitler à Vienne. Paris et Londres protestent platoniquement. Vient le tour de la Tchécoslovaquie, par la mise en route du plan dénommé " Cas vert " (Fall Grün), établi en juin 1937, comme première étape d'une " guerre à l'Est ". Hitler va prendre les anciens auteurs des traités de Versailles au piège de leur propre principe : " le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. " Car, dans cette perspective, la réalité de la question sudète est peu discutable. La Tchécoslovaquie est un Etat pluriethnique au sein duquel la communauté de langue allemande, rassemblée dans les Sudètes, compte plus de trois millions de personnes sur quatorze millions d'habitants. Elle a pour alliés virtuels les autres minorités : sept cent mille Hongrois, cinq cent mille Ruthènes, deux millions cinq cent mille Slovaques, huit cent mille Polonais. Les territoires des Sudètes entourent le quadrilatère de Bohême. Indispensables à la défense du pays, ils en sont aussi la plate-forme industrielle et la Tchécoslovaquie ne serait pas viable si elle en était amputée. Konrad Henlein, chef du Front de la patrie, parti ethnique allemand, prône d'abord une politique d'autonomie de la région. Les nazis au pouvoir en Allemagne subventionnent, en 1935, sa formation, transformée en parti des Allemands sudètes qui rassemble 65,7 % des suffrages et envoie quarante-quatre députés au Parlement de Prague en 1937. Henlein se rallie pleinement au nazisme et demande l'incorporation au Reich des Sudètes, de la Bohême et de la Silésie tchèque. Il est reçu le 28 mars 1938 par Hitler, qui lui donne pour consigne : " formuler des exigences inacceptables par le gouvernement tchèque ". Et, à chaque réponse positive, à chaque concession de Prague, hausser la barre jusqu'à l'inacceptable. Il faut d'abord désorganiser l'Etat tchécoslovaque, encourager la tendance britannique à laisser faire, et compter sur " la révolution en France ". Le 14 mars, Paul-Boncour, ministre des affaires étrangères du second cabinet Léon Blum, convoque Osusky, ministre de Tchécoslovaquie, et l'assure que, " si son pays est attaqué, la France tiendra ses engagements ", c'est-à-dire qu'elle lui apporterait une aide militaire immédiate, en vertu du traité d'amitié de 1924 et des accords de Locarno de 1925. Mais comment ? Léon Blum convoque le comité permanent de la défense nationale le 15 mars. La conclusion est claire : la France ne peut empêcher aucune action contre la Tchécoslovaquie. Elle a quatre cent mille hommes sous les armes contre un million en Allemagne. Et Londres ne cessera de répéter qu'aucune garantie britannique n'a été donnée à Prague. Daladier sait que l'assistance britannique est très douteuse, et ne jouerait, sous conditions, qu'en faveur de la France. A Londres, le 28 avril, Chamberlain le lui précise : il faut à tout prix éviter une guerre perdue d'avance, tenter une démarche à Berlin et inciter Bénès, à Prague, à faire des concessions aux Sudètes. A l'Est, aucun soutien rapide à espérer à une réaction française. Litvinov, ministre soviétique des affaires étrangères, fait valoir que tout concours est subordonné à l'autorisation de passage des troupes à travers la Pologne et la Roumanie, qui ne veulent pas en entendre parler. Daladier a voulu reprendre des contacts plus serrés avec l'Italie, espérant qu'elle pèserait sur Hitler. Mais Alexis Léger, secrétaire général des affaires étrangères, et une partie du Quai d'Orsay sont vigoureusement hostiles à Mussolini. Jusqu'à la conférence de Munich, le Duce laissera seulement son représentant en Allemagne, l'ambassadeur Bernardo Attolico, mener une série de médiations qui tendent à l'apaisement, pour éviter à son pays d'être entraîné dans l'aventure allemande. La crise entre dans une nouvelle phase avec le congrès du parti nazi, à Nuremberg, le 12 septembre. A la suite d'une mission du Britannique lord Runciman, en août, le président Bénès a été contraint d'accepter les revendications d'Henlein, assurant l'autonomie aux Sudètes. Mais à Nuremberg Hitler pousse son avantage : l'autonomie des Sudètes ne suffit plus il faut leur accorder l'autodétermination. La guerre civile menace dans les principales villes, Bénès décrète la loi martiale. Hitler entend agir d'urgence. Plan franco-britannique Chamberlain informe alors Daladier d'un projet qu'il mûrit depuis le début du mois : le 15 septembre, il se rend à Berchtesgaden chez Hitler pour le convaincre de renoncer à la violence. Sur la base de nouvelles propositions de Bénès, un plan franco-britannique est élaboré : le 19 septembre, les régions où les Allemands constituent plus de la moitié de la population seront cédées au Reich. Il s'agit d'empêcher l'intervention allemande. Si Prague refuse, l'assistance militaire de la France sera dépourvue d'efficacité, puisque " la solidarité franco-britannique sera rompue ". Le 21 septembre, devant pareille pression, Prague consent. Le lendemain, Chamberlain repart pour l'Allemagne. Hitler lui a donné rendez-vous à Bad-Godesberg, sur les bords du Rhin. " Je regrette, mais cela ne va plus ", lui dit-il. Il faut qu'avant le 28 septembre tous les territoires de langue allemande soient évacués par l'armée tchèque, les fortifications, les usines, l'infrastructure seront remises aux forces allemandes. Plus tard, des plébiscites auront lieu. Une nouvelle conférence franco-britannique se tient à Londres les 25 et 26 septembre. Chamberlain prône l'acceptation du diktat, mais tente une dernière démarche. Sir Horace Wilson, son conseiller diplomatique, va informer Hitler que, en cas d'attaque de la Tchécoslovaquie, la France interviendrait, et qu'alors la Grande-Bretagne " se sentirait obligée d'aider la France ". Le soir même, le 27 septembre, la flotte britannique est mobilisée. Dans la journée, Hitler a appris que l'Italie hésite à le suivre, que l'Espagne garderait la neutralité, et qu'enfin l'opinion allemande ne manifeste aucune passion pour recommencer une guerre fraîche et joyeuse. Roosevelt est intervenu pour demander à Hitler une conférence internationale. En France, comme en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, plus s'approche le moment de l'expiration de l'ultimatum de Hitler, plus grossit le courant d'opinion en faveur de la paix. La fin se joue en quelques heures dans la matinée du 28 septembre. A 14 heures, les troupes allemandes marcheront vers les Sudètes si Prague n'accepte pas la dernière version de l'ultimatum hitlérien. Chamberlain, à 10 heures, sollicite la médiation de Mussolini en faveur d'une conférence à quatre pour " une solution définitive du problème dans un délai de quatre jours ". A 11 h 45, l'ambassadeur d'Italie à Berlin transmet à Hitler la demande de repousser de vingt-quatre heures l'exécution de l'ultimatum. Après plusieurs conversations téléphoniques, Hitler invite Mussolini, Chamberlain et Daladier à Munich le lendemain 29 septembre. Les entretiens commencent à 12 h 30, à la maison du Führer. Après un discours explosif de Hitler contre les Tchèques, Mussolini tire de sa poche un projet de compromis élaboré par Attolico. Mussolini, pendant la discussion, assume son rôle de médiateur et soutient les exposés de Daladier. L'accord, conclu à 2 heures, n'est qu'un aménagement des dernières revendications de Hitler : l'évacuation de la zone à majorité allemande se fera par étapes jusqu'au 7 octobre. Une commission internationale déterminera le tracé de la nouvelle frontière. La nouvelle Tchécoslovaquie recevra la garantie française et britannique, puis celle de l'Allemagne et de l'Italie. A Munich, les passants allemands acclament Daladier, comme, quelques heures plus tard, les foules parisiennes, du Bourget jusqu'au ministère de la guerre. Mais le président du conseil ne se fait aucune illusion : " S'ils savaient... ", dit-il au général Gamelin. Après quelques heures, quelques jours au plus d'euphorie, de " lâche soulagement ", comme disait Léon Blum, il apparut que l'accord ne se justifiait que s'il était un sursis, s'il permettait de pousser la préparation de la force militaire qui arrêterait Hitler. Il est assez vain aujourd'hui, et intellectuellement douteux, de se livrer encore au jeu des citations opposées, car tout le monde fut " munichois ", au moins un instant, sauf le Parti communiste, dont les soixante-treize députés votèrent à la Chambre contre la confiance à Daladier. Le 4 octobre 1938, le président du conseil recueillit cinq cent quinze voix. Un seul socialiste, Jean Bouhey (encore fit-il rectifier son vote, sur la demande de Léon Blum), un seul indépendant de droite, Henri de Kérilis, votèrent contre. Quelques-uns s'abstinrent... Edouard Daladier ne se remit jamais d'avoir signé à Munich les accords du 29 septembre. Pendant dix-huit mois encore, il gouverna la France, présida à l'entrée en guerre, et fut mis en minorité le 23 mars 1940 au profit de Paul Reynaud. Le gouvernement de Vichy en fit le principal inculpé du procès de Riom, intenté aux " responsables de la guerre ". Dans l'après-guerre, malgré sa difficile réélection à l'Assemblée, il ne retrouva jamais de rôle politique majeur, restant en butte aux attaques conjointes des survivants d'une droite qui ne lui pardonnait pas d'avoir été ministre de la défense nationale du Front populaire et d'une gauche qui condamnait autant sa pratique des décrets-lois que la suspension de l'expérience des quarante heures. Tous, refoulant le souvenir de leurs passions alternativement bellicistes ou pacifistes, l'accablaient sous le souvenir des accords de Munich, que tous cependant avaient acclamés, quelques heures, quelques jours, quelques mois. Daladier s'expliquait, refaisait l'histoire de ces semaines. A la fois historien de métier et acteur politique, conciliant la distance du premier et le refus du second à se renier, il confrontait constamment ses souvenirs précis aux documents d'archives, finirait par déclarer: " J'étais tombé dans un traquenard et, seul, je ne voyais pas comment m'en sortir... La pièce maîtresse de la manoeuvre psychologique des Germano-Italiens, c'était Chamberlain, qui s'y prêtait d'ailleurs admirablement. Les dictateurs savaient bien que la France isolée ne pouvait pas agir. ". JACQUES NOBECOURT Le Monde du 26 septembre 1988

« série de médiations qui tendent à l'apaisement, pour éviter à son pays d'être entraîné dans l'aventure allemande. La crise entre dans une nouvelle phase avec le congrès du parti nazi, à Nuremberg, le 12 septembre.

A la suite d'une missiondu Britannique lord Runciman, en août, le président Bénès a été contraint d'accepter les revendications d'Henlein, assurantl'autonomie aux Sudètes.

Mais à Nuremberg Hitler pousse son avantage : l'autonomie des Sudètes ne suffit plus il faut leuraccorder l'autodétermination.

La guerre civile menace dans les principales villes, Bénès décrète la loi martiale.

Hitler entend agird'urgence. Plan franco-britannique Chamberlain informe alors Daladier d'un projet qu'il mûrit depuis le début du mois : le 15 septembre, il se rend à Berchtesgadenchez Hitler pour le convaincre de renoncer à la violence.

Sur la base de nouvelles propositions de Bénès, un plan franco-britannique est élaboré : le 19 septembre, les régions où les Allemands constituent plus de la moitié de la population serontcédées au Reich.

Il s'agit d'empêcher l'intervention allemande.

Si Prague refuse, l'assistance militaire de la France sera dépourvued'efficacité, puisque " la solidarité franco-britannique sera rompue ". Le 21 septembre, devant pareille pression, Prague consent.

Le lendemain, Chamberlain repart pour l'Allemagne.

Hitler lui adonné rendez-vous à Bad-Godesberg, sur les bords du Rhin. " Je regrette, mais cela ne va plus ", lui dit-il.

Il faut qu'avant le 28 septembre tous les territoires de langue allemande soientévacués par l'armée tchèque, les fortifications, les usines, l'infrastructure seront remises aux forces allemandes.

Plus tard, desplébiscites auront lieu. Une nouvelle conférence franco-britannique se tient à Londres les 25 et 26 septembre.

Chamberlain prône l'acceptation dudiktat, mais tente une dernière démarche.

Sir Horace Wilson, son conseiller diplomatique, va informer Hitler que, en casd'attaque de la Tchécoslovaquie, la France interviendrait, et qu'alors la Grande-Bretagne " se sentirait obligée d'aider la France ".Le soir même, le 27 septembre, la flotte britannique est mobilisée.

Dans la journée, Hitler a appris que l'Italie hésite à le suivre,que l'Espagne garderait la neutralité, et qu'enfin l'opinion allemande ne manifeste aucune passion pour recommencer une guerrefraîche et joyeuse.

Roosevelt est intervenu pour demander à Hitler une conférence internationale. En France, comme en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, plus s'approche le moment de l'expiration de l'ultimatum deHitler, plus grossit le courant d'opinion en faveur de la paix. La fin se joue en quelques heures dans la matinée du 28 septembre.

A 14 heures, les troupes allemandes marcheront vers lesSudètes si Prague n'accepte pas la dernière version de l'ultimatum hitlérien.

Chamberlain, à 10 heures, sollicite la médiation deMussolini en faveur d'une conférence à quatre pour " une solution définitive du problème dans un délai de quatre jours ".

A 11 h45, l'ambassadeur d'Italie à Berlin transmet à Hitler la demande de repousser de vingt-quatre heures l'exécution de l'ultimatum.Après plusieurs conversations téléphoniques, Hitler invite Mussolini, Chamberlain et Daladier à Munich le lendemain 29septembre. Les entretiens commencent à 12 h 30, à la maison du Führer. Après un discours explosif de Hitler contre les Tchèques, Mussolini tire de sa poche un projet de compromis élaboré parAttolico. Mussolini, pendant la discussion, assume son rôle de médiateur et soutient les exposés de Daladier.

L'accord, conclu à 2heures, n'est qu'un aménagement des dernières revendications de Hitler : l'évacuation de la zone à majorité allemande se fera parétapes jusqu'au 7 octobre.

Une commission internationale déterminera le tracé de la nouvelle frontière.

La nouvelleTchécoslovaquie recevra la garantie française et britannique, puis celle de l'Allemagne et de l'Italie. A Munich, les passants allemands acclament Daladier, comme, quelques heures plus tard, les foules parisiennes, du Bourgetjusqu'au ministère de la guerre.

Mais le président du conseil ne se fait aucune illusion : " S'ils savaient...

", dit-il au généralGamelin. Après quelques heures, quelques jours au plus d'euphorie, de " lâche soulagement ", comme disait Léon Blum, il apparut quel'accord ne se justifiait que s'il était un sursis, s'il permettait de pousser la préparation de la force militaire qui arrêterait Hitler.

Ilest assez vain aujourd'hui, et intellectuellement douteux, de se livrer encore au jeu des citations opposées, car tout le monde fut" munichois ", au moins un instant, sauf le Parti communiste, dont les soixante-treize députés votèrent à la Chambre contre laconfiance à Daladier.

Le 4 octobre 1938, le président du conseil recueillit cinq cent quinze voix.

Un seul socialiste, Jean Bouhey. »

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