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Article de presse: Vilvorde : le délit de fuite de Renault

Publié le 22/02/2012

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27 février 1997 - Connue en fin d'après-midi, jeudi 27 février à Vilvorde, petite ville flamande de la grande banlieue de Bruxelles, la décision de Renault de fermer son usine d'assemblage dans cette localité a provoqué la surprise et la colère des travailleurs de l'entreprise. Les ouvriers ont immédiatement arrêté les chaînes de montage et décidé dans une assemblée générale improvisée d'empêcher toute sortie de véhicule ou de machine. La colère est d'autant plus grande que, ces derniers mois, les syndicats avaient consenti des efforts de productivité et de flexibilité (notamment l'étalement sur neuf heures de l'horaire quotidien) en échange de l'assurance, par la direction locale, que le site de Vilvorde serait maintenu en activité. Le premier ministre, Jean-Luc Dehaene, est particulièrement concerné par l'annonce de cette fermeture : Vilvorde, où il réside, est sa circonscription électorale, et son épouse est conseillère municipale dans cette commune. "J'ai pris connaissance avec consternation de la décision brutale et unilatérale de la direction française de Renault, a-t-il déclaré. Renault-Vilvorde risque de devenir la victime d'une décision stratégique unilatérale au sein d'une entreprise multinationale qui ne tient nullement compte des répercussions sociales sur place." Colère également au sein du gouvernement flamand, qui va devoir gérer les conséquences sociales de la perte d'emploi de cinq mille à six mille travailleurs, en tenant compte des emplois induits chez des sous-traitants par la présence de Renault à Vilvorde. Dans un communiqué, le gouvernement flamand estime que la décision de la direction de Renault est "en complète contradiction avec l'attitude sociale des investisseurs étrangers lorsqu'ils sont obligés de restructurer leurs implantations en Flandre". Il dénonce par ailleurs une décision qui tient uniquement compte de "la politique intérieure française". La méthode du groupe français -on décide la fermeture et on négocie ensuite- les aménagements sociaux de cette décision a particulièrement choqué une région, la Flandre, où la concertation approfondie, "à l'allemande", avec des syndicats responsables est la règle. Cela risque de handicaper les efforts d'autres entreprises françaises, comme Suez, qui mène actuellement une opération de séduction du capital flamand pour qu'il collabore plus étroitement avec le groupe français au sein de la Générale de Belgique. La presse se montre aussi très sévère pour le comportement de Renault. Ainsi La Libre Belgique, quotidien de centre-droit, accuse le constructeur français de "délit de fuite". Selon ce quotidien, l'argumentation de Renault est tout simplement "indigente et incompréhensible" quand le groupe martèle "qu'il y va d'une stratégie globale ou que "celui-ci jure que ni la qualité des voitures produites à Vilvorde ni la productivité de l'usine n'ont joué le moindre rôle dans la décision de fermeture. Le fait que l'usine ne soit pas située en France non plus, assure-t-il. On serait tenté de demander : mais pourquoi donc alors ?" LUC ROSENZWEIG Le Monde du 1er mars 1997

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