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Benyamin Nétanyahou

Publié le 17/01/2022

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4 janvier 1998 -    Brièvement hospitalisé en octobre 1997 pour des douleurs à la poitrine, David Lévy se plaint à un visiteur : "Si tu savais.. C'est ce type qui me met dans cet état." L'ami traduit aussitôt et le fait savoir : "ce type", bien sûr, c'est Benyamin Nétanyahou. Délice des gazettes. Dire que ces deux grandes figures de la droite israélienne se détestent cordialement est un euphémisme. Et cela dure depuis près de dix ans. "Lévy avec son ego, sa vanité et son arrogance n'a pas cessé de s'opposer à Nétanyahou, à son ego, sa vanité, son arrogance", résumait, vendredi 2 décembre, le Jerusalem Post, le journal anglophone de la droite.    Deux egos surdimensionnés, pour deux êtres aussi profondément dissemblables : cela ne pouvait pas marcher bien longtemps. Entre "Bibi le bel Américain" et "David le Marocain magnifique", comme disent les commentateurs locaux, c'est une vieille histoire de rancunes et de rancoeurs qui démarre à la fin des années 80, lorsque Itzhak Shamir, alors premier ministre, a l'idée étrange de flanquer David, chef de la diplomatie déjà, d'un jeune adjoint que seul son entourage appelle alors "Bibi". Tout de suite ou presque, c'est le clash.    Né en 1937 à Rabat, immigré en Israël vingt ans plus tard, David Lévy est issu d'une pauvre famille nombreuse sépharade. Il commence sa nouvelle vie au plus bas de l'échelle sociale. Ouvrier agricole, maçon, puis syndicaliste, il entre en politique presque par effraction après avoir passé une douzaine de jours en prison pour une manifestation syndicale un peu trop houleuse. Benyamin Nétanyahou, lui, voit le jour en 1948, dans une famille de l'aristocratie sioniste ashkénaze. Historien, son père était le secrétaire particulier de Zeev Jabotinsky, créateur de l'idéologie "révisionniste", qui domine aujourd'hui encore le Likoud. "Bibi" fait de bonnes études aux Etats-Unis, commence sa vie professionnelle à la direction d'une fabrique de meubles possédée par un ami de son père, est remarqué par un autre ami de la famille, ambassadeur d'Israël à Washington, et entre en politique par la grande porte.    Jusqu'à la chute du gouvernement Shamir, en juin 1992, c'est une guérilla permanente entre le patron des affaires étrangères, qui parle imparfaitement la langue de Molière mais n'entend goutte à l'anglais, et son jeune et ambitieux vice-ministre, qui maîtrise l'américain avec l'accent de Brooklyn et le langage télé comme un professionnel de CNN.    "Méthodes mafieuses"    Début 1993, dans l'opposition, le conflit entre les deux hommes rebondit de plus belle. Enjeu : le contrôle du Likoud que le vieux Itzhak Shamir, battu par Itzhak Rabin aux élections, abandonne. La bataille est rude. Le 14 janvier, Benyamin Nétanyahou, menacé d'un scandale conjugal en pleine campagne électorale interne au Likoud, fait irruption sur les écrans bleus et annonce que, oui, il a trompé sa jeune épouse Sarah avec une attachée de presse mais que, non, il ne tolérera pas que "certain politicien puissant use de méthodes mafieuses" pour l'éliminer de la course. David Lévy se sent visé. Il l'est.    Un mois plus tard, malgré ses frasques avouées, le premier "télépoliticien" d'Israël touche le gros lot. Benyamin Nétanyahou devient chef du Likoud. L'ancien maçon devenu apparatchik est le seul élu du parti à refuser de le congratuler. "On ne félicite pas un menteur", dit-il. En novembre 1994, "Bibi" présentera des excuses très officielles pour avoir accusé son rival malheureux à tort. Mais la réconciliation sera de courte durée. En février 1996, après de nouvelles anicroches, David Lévy quitte le Likoud et fonde son propre mouvement, le Guesher, autrement dit "le Pont".    Un mois plus tard, les deux hommes se rabibochent à nouveau. Itzhak Rabin a été assassiné quelques mois plus tôt et les élections sont proches. David Lévy accepte de signer avec son ancien subordonné une alliance électorale. En échange, "le Pont" se voit attribuer cinq sièges de députés garantis sur les listes Likoud. "Ceux qui me connaissent savent que, dans la lutte politique, je peux être un formidable ennemi, déclare David Lévy, mais dans une alliance, personne ne sera plus loyal que moi..."    Dès la formation du gouvernement national religieux, en juillet 1996, le tout nouveau chef de la diplomatie menace de ne pas prendre son poste si son "grand ami", Ariel Sharon, n'est pas nommé à la tête "d'un ministère important". A l'été 1997, il se plaindra de l'importance prise par son "grand ami" dans le gouvernement.    Mais auparavant, il avait encore menacé de se retirer dès l'automne 1996 parce qu'il se sentait à juste titre exclu du processus de décision concernant les négociations avec les Palestiniens, puis encore une fois à la fin de cette même année, parce qu'il jugeait déjà le budget "pas assez social".    Finalement, remarquait récemment le journal libéral Haaretz, en dépit de leurs différences, "Bibi" et "David" ont un lien de parenté : "L'un fait des promesses qu'il n'a pas l'intention de tenir, l'autre en fait qu'il n'a pas la capacité de concrétiser"... PATRICE CLAUDE Le Monde du 6 janvier 1998

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