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Claude LEVI-STRAUSS : Race et histoire

Publié le 20/07/2010

Extrait du document

histoire

L'auteur :
français et restera sans doute l'un des penseurs majeurs du XXème siècle. Il est le père moderne de l'anthropologie, un homme qui a occupé une place importante dans la compréhension de la société moderne, à partir des recherches sur ses origines. Il fait ses études en France, devient agrégé de philosophie en 1932 puis part pour le Brésil où il obtient la chaire de sociologie de l'Université de Sao Paulo et dirige plusieurs missions ethnographiques chez les indiens d'Amazonie, à propos desquelles il écrit « Tristes tropiques «, le livre qui lui vaut la célébrité. Rappelé en France à la veille de la guerre, il en repart en 1941 pour se réfugier à New York où il exerce comme professeur à la New School for Social Research, puis bientôt en tant que conseiller culturel auprès de l'ambassade. Il démissionne en 1948 pour se consacrer exclusivement à son travail de recherche et publie en 1949 sa thèse sur « Les structures élémentaires de la parenté «. De 1959 à 1982, Il est nommé professeur au Collège de France, chaire d' anthropologie sociale, et fonde la revue « l'Homme « en 1961.
Le contexte :
L'UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation) est une institution internationale qui dépend des Nations Unies, créée au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Sa volonté de lutter contre les préjugés raciaux est clairement inscrite dans l'acte constitutif : « contribuer au maintien de la paix ... en resserrant, par l'éducation, les sciences et la culture, la collaboration entre les nations ... sans distinction de race «. En 1949, l'Unesco organise un colloque sur le problème des races humaines et, en 1950, les Courriers de l'Unesco publient une « Déclaration sur la race «. Le texte a été rédigé essentiellement par des anthropologues, dont Claude Lévi-Strauss. Ce premier texte soulève des critiques assez vives de la part des biologistes et amène une nouvelle consultation qui fait appel à des spécialistes d'anthropologie physique et des généticiens. En juin 1951, un nouveau texte est publié sous le nom « Déclaration sur la race et les différences raciales «, mais Claude Lévi-Strauss ne le cosigne plus. C'est dans ce contexte que l'Unesco commande à plusieurs anthropologues une courte étude destinée à figurer dans une collection intitulée « La question raciale devant la science moderne « : Claude Lévi-Strauss y répondra par « Race et histoire «, puis encore, vingt ans plus tard, dans « Race et culture «. Les mots clés : Cultures, races, diversité, ethnocentrisme, histoire, évolution, progrès, collaboration
Le contenu :
Chap. 1 Race et culture humaines. Même l'anthropologie à ses débuts a opéré cette confusion entre la notion biologique de race ou groupe ethnique et les productions psychosociologiques des cultures, sociétés ou civilisations. Il n'y a pourtant pas de relation de cause à effet entre ces deux dimensions, ne serait-ce que pour des raisons quantitatives : de fait, il y a beaucoup plus de cultures que de races humaines. L'idée d'_inégalité_ n'a aucun fondement scientifique, en revanche la diversité est observable. Est-elle un obstacle au progrès ou, au contraire, en est-elle une condition essentielle ?
Chap. 2 Diversité des cultures Premier constat : la diversité des cultures humaines (dans le temps et dans l'espace) est telle que nous sommes et resterons dans l'ignorance de la plupart d'entre elles. En quoi les cultures divergent-elles ? Certains points précis sont observables : le langage, les institutions sociales, économiques, politiques, les techniques, les connaissances scientifiques, l'art, les croyances religieuses ... Mais un catalogue descriptif de ces caractéristiques ne serait pas pertinent tant chacune d'entre elles sont en permanente évolution au sein d'une même culture.
Chap. 3 L'ethnocentrisme La diversité culturelle est un phénomène naturel pourtant rarement considéré comme tel par les hommes : l'attitude la plus courante consiste en un rejet des manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Il est à noter que cette posture est probablement réciproque de part et d'autre de l'interaction observateur/observé. La notion d'humanité, englobant sans distinction de race ou de civilisation toutes les formes de l'espèce humaine, est assez récente et pas encore universellement répandue tant il est difficile de dépasser l'_évidence immédiate_ de l'apparence extérieure. Le faux évolutionnisme (sociologique, par opposition au vrai, biologique) en considérant les différents états des sociétés humaines comme des étapes d'un développement unique, est en cela une solution à redonner une seule et même identité à l'humanité, mais simpliste et insatisfaisante sur bien des points.
Chap. 4 Cultures archaïques et cultures primitives Du point de vue de l'étude, les cultures sont réparties en trois catégories : 1) selon l'espace = cultures contemporaines mais évoluant en un lieu différent ; 2) selon le temps = cultures ayant existé sur les mêmes lieux mais à des époques antérieures ; 3) selon l'espace et le temps = cultures développées en d'autres périodes historiques et autres zones géographiques, ces dernières représentant l'immense majorité et ne permettant qu'une connaissance hypothétique. S'il paraît possible d'établir une hiérarchie de valeur entre celles du groupe 2 (notion de progrès dans le temps), il serait pernicieux et absolument réducteur d'appliquer le même cadre à tenter de classer celles du groupe 1 (cultures différentes vivant à une même époque en différents endroits du globe). C'est un des travers de l'_évolutionnisme.
Chap. 5 L'idée de progrès Si l'on considère l'évolution de l'humanité d'un point de vue strictement historique, la notion d'avancée vers un niveau supérieur et de progrès est indéniable. Il serait pourtant trop schématique - voire inexact - de vouloir ordonner dans le temps cette évolution sous forme d'étapes successives clairement identifiées. Le progrès n'est pas un phénomène régulier et continu, il procède par arborescence de tentatives dont seules certaines laisseront trace dans l'évolution. Ceci n'est pas le privilège d'une civilisation ou d'une période de l'histoire.
Chap. 6 Histoire stationnaire et histoire cumulative Toute observation est relative à la position et aux référents de l'observateur (ethnocentrisme). L'histoire d'une culture nous paraît donc cumulative ou progressive lorsque ses avancées se développent dans un sens comparable au nôtre et sont porteuses de signification et d'intérêts pour nous. A l'inverse, elle nous semblera stationnaire ou inerte lorsque nous n'accédons pas à sa compréhension, que nous sommes dans l'incapacité d'y prendre de l'information par ignorance de ce système de référence différent. Il est probable, dès lors, que ce soit réciproque. « ... nous nous apparaîtrions l'un à l'autre comme dépourvus d'intérêt, tout simplement parce que nous ne nous ressemblons pas. «
Chap. 7 Place de la civilisation occidentale Il semble à l'heure actuelle que toutes les civilisations attribuent une position de supériorité à la civilisation occidentale ou du moins désirent s'y identifier : Est-ce librement consenti ou par absence de choix ? Quel est l'avenir de cette civilisation mondiale occidentalisée ? Les deux valeurs les plus manifestes de la civilisation occidentale sont de chercher, d'une part, à accroître la quantité d'énergie disponible par habitant, et d'autre part, à protéger et à prolonger la vie humaine. Ne s'être consacré qu'à cela se révèlera peut-être une faiblesse. Chap. 8 Hasard et civilisation Si l'on observe de manière assez grossière l'évolution des avancées technologiques de la préhistoire à nos jours, on pourrait être tenté de penser qu'elles furent jadis plus aisées, voire même le fruit du hasard. C'est ignorer la complexité et la diversité des opérations impliquées dans les techniques les plus élémentaires. On peut considérer que toutes les cultures, à toutes les époques, ont eu leur part d'inventeurs, avec les mêmes exigences de créativité, d'innovation, de ténacité dans l'effort de recherche. Mais ceci n'a entraîné de véritable mutation, de changements significatifs dans les rapports que l'homme entretient avec la nature, seulement deux fois dans l'histoire de l'humanité (du moins de notre point de vue d'occidentaux) et à deux millénaires d'intervalle : la révolution néolithique et la révolution industrielle. Ces bouleversements (périodes d'histoire particulièrement cumulatives) dépassent largement les influences singulières d'une culture ou d'une race et dépendent d'éléments au-delà de la conscience des hommes.
Chap. 9 La collaboration des cultures Les formes d'histoire qui ont été les plus cumulatives au cours du temps ont toujours été le fait de cultures diverses et multiples mises en lien. Une culture ne peut pas être dite « supérieure «, car seule, elle n'est rien. Finalement, l'intérêt d'une culture ne réside pas dans ses qualités et caractéristiques propres, mais dans ses interactions et sa manière d'être avec les autres. Plus les écarts et différences sont importants, plus l'interaction est riche et prometteuse, même si elle s'accompagne d'une part d'incompréhension. _ « ... la véritable contribution des cultures ne consiste pas dans la liste de leurs inventions _ particulières, mais dans l'écart différentiel qu'elles offrent entre elles. «
Chap. 10 Le double sens du progrès Ainsi qu'il vient d'être décrit précédemment, la notion de progrès culturel ne peut s'entendre au niveau d'un groupe humain isolé, mais bien d'une manière globale et commune à toutes les cultures en présence à un instant donné (notion de coalition, de mise en commun des chances). Mais progressivement, cette collaboration entraîne une homogénéisation du niveau de développement de chacune des cultures, et donc l'inutilité de poursuivre la coalition. Il devient alors nécessaire de réintroduire d'une manière ou d'une autre des écarts différentiels entre les membres du groupe (états, classes sociales, castes...) ou de nouveaux partenaires (impérialisme, colonialisme...) pour revenir à la diversité et à la complexité de la situation initiale. C'est pourtant dans cette contradiction insoluble, cet état de déséquilibre permanent, que l'humanité doit se maintenir indéfiniment si elle veut assurer sa survie biologique et culturelle. _ « C'est le fait de la diversité qui doit être sauvé, non le contenu historique que chaque époque lui a _ donné et qu'aucune ne saurait perpétuer au-delà d'elle même. «

histoire

« certaines laisseront trace dans l'évolution.

Ceci n'est pas le privilège d'une civilisation ou d'une période de l'histoire. Chap.

6 Histoire stationnaire et histoire cumulative Toute observation est relative à la position et aux référents de l'observateur (ethnocentrisme).

L'histoire d'une culture nous paraît donc cumulative ou progressive lorsque sesavancées se développent dans un sens comparable au nôtre et sont porteuses de signification et d'intérêts pournous.

A l'inverse, elle nous semblera stationnaire ou inerte lorsque nous n'accédons pas à sa compréhension, quenous sommes dans l'incapacité d'y prendre de l'information par ignorance de ce système de référence différent.

Ilest probable, dès lors, que ce soit réciproque.

« ...

nous nous apparaîtrions l'un à l'autre comme dépourvus d'intérêt,tout simplement parce que nous ne nous ressemblons pas.

» Chap.

7 Place de la civilisation occidentale Il semble à l'heure actuelle que toutes les civilisations attribuent une position de supériorité à la civilisation occidentale ou du moins désirent s'y identifier : Est-ce librement consenti oupar absence de choix ? Quel est l'avenir de cette civilisation mondiale occidentalisée ? Les deux valeurs les plusmanifestes de la civilisation occidentale sont de chercher, d'une part, à accroître la quantité d'énergie disponible parhabitant, et d'autre part, à protéger et à prolonger la vie humaine.

Ne s'être consacré qu'à cela se révèlera peut-être une faiblesse.

Chap.

8 Hasard et civilisation Si l'on observe de manière assez grossière l'évolution des avancéestechnologiques de la préhistoire à nos jours, on pourrait être tenté de penser qu'elles furent jadis plus aisées, voiremême le fruit du hasard.

C'est ignorer la complexité et la diversité des opérations impliquées dans les techniques lesplus élémentaires.

On peut considérer que toutes les cultures, à toutes les époques, ont eu leur part d'inventeurs,avec les mêmes exigences de créativité, d'innovation, de ténacité dans l'effort de recherche.

Mais ceci n'a entraînéde véritable mutation, de changements significatifs dans les rapports que l'homme entretient avec la nature,seulement deux fois dans l'histoire de l'humanité (du moins de notre point de vue d'occidentaux) et à deuxmillénaires d'intervalle : la révolution néolithique et la révolution industrielle.

Ces bouleversements (périodes d'histoireparticulièrement cumulatives) dépassent largement les influences singulières d'une culture ou d'une race etdépendent d'éléments au-delà de la conscience des hommes. Chap.

9 La collaboration des cultures Les formes d'histoire qui ont été les plus cumulatives au cours du temps ont toujours été le fait de cultures diverses et multiples mises en lien.

Une culture ne peut pas être dite «supérieure », car seule, elle n'est rien.

Finalement, l'intérêt d'une culture ne réside pas dans ses qualités etcaractéristiques propres, mais dans ses interactions et sa manière d'être avec les autres.

Plus les écarts etdifférences sont importants, plus l'interaction est riche et prometteuse, même si elle s'accompagne d'une partd'incompréhension.

_ « ...

la véritable contribution des cultures ne consiste pas dans la liste de leurs inventions _particulières, mais dans l'écart différentiel qu'elles offrent entre elles.

» Chap.

10 Le double sens du progrès Ainsi qu'il vient d'être décrit précédemment, la notion de progrès culturel ne peut s'entendre au niveau d'un groupe humain isolé, mais bien d'une manière globale et commune à toutes lescultures en présence à un instant donné (notion de coalition, de mise en commun des chances).

Maisprogressivement, cette collaboration entraîne une homogénéisation du niveau de développement de chacune descultures, et donc l'inutilité de poursuivre la coalition.

Il devient alors nécessaire de réintroduire d'une manière oud'une autre des écarts différentiels entre les membres du groupe (états, classes sociales, castes...) ou de nouveauxpartenaires (impérialisme, colonialisme...) pour revenir à la diversité et à la complexité de la situation initiale.

C'estpourtant dans cette contradiction insoluble, cet état de déséquilibre permanent, que l'humanité doit se maintenirindéfiniment si elle veut assurer sa survie biologique et culturelle.

_ « C'est le fait de la diversité qui doit être sauvé,non le contenu historique que chaque époque lui a _ donné et qu'aucune ne saurait perpétuer au-delà d'elle même.». »

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