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Constitution civile du clergé

Publié le 12/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Constitution civile du clergé, statut du clergé catholique de France adopté par l’Assemblée nationale constituante, durant la Révolution française, et appliqué jusqu’au Concordat de 1801 (12 juillet 1790-15 juillet 1801).

Rupture profonde dans l'histoire de l'Église catholique française, la Constitution civile du clergé a été imposée par le fait révolutionnaire. Bien qu’acceptée par les représentants du clergé à l'Assemblée nationale constituante, ce nouveau statut de l’Église de France a posé, dans son application, d'insurmontables cas de conscience aux clercs et aux fidèles, divisant de façon irréversible la société française sur la question religieuse.

2   CONTEXTE LÉGISLATIF DU VOTE

Déjà, dans la lignée de la nuit du 4 août, le clergé de France renonce, le 11 août 1789, à une partie non négligeable de ses privilèges en abolissant la dîme. Puis afin de combler le déficit budgétaire du gouvernement révolutionnaire, l’évêque d’Autun Talleyrand propose, le 2 novembre 1789, que les biens du clergé soient sécularisés et vendus. Le décret du 13 février 1790 interdit pour sa part les vœux monastiques perpétuels.

Enfin, le 12 juillet 1790, après six semaines de débats passionnés (la question a débuté le 31 mai), est adopté un texte visant à créer une Église nationale, la Constitution civile du clergé.

À la suite de ce bouleversement religieux, un décret daté du 8 octobre 1790 précise le sort des religieux chassés des monastères par la mise à la disposition de la nation des biens du clergé. Enfin, le 27 novembre 1790, un serment de fidélité à la nation est exigé des membres du clergé, en tant que fonctionnaires de l’État.

3   LA RELIGION DE LA NATION
3.1   Remaniement des diocèses

Selon les termes du texte de la Constitution civile du clergé, le découpage diocésain doit faire l'objet d'une totale réorganisation. Calqués sur les départements récemment créés — dans le cadre d’une harmonisation des circonscriptions rompant radicalement avec l'Ancien Régime — les diocèses sont ainsi réduits de 136 à 83. De plus, la résidence ecclésiastique est définie comme un devoir que chaque évêque se doit de « religieusement respecter «.

Le maillage paroissial est également adapté au découpage communal, ce qui engendre la disparition de nombreuses cures ; cependant, pour les villes de plus de 6 000 habitants, plusieurs paroisses peuvent coexister.

3.2   Élection civile du clergé

La désignation aux cures se fait par élections, selon les modalités de nomination aux assemblées administratives. De même, la désignation des évêques se fait selon les procédures de l'élection à l'assemblée de département. L'évêque n'a pas à sanctionner l'élection des curés, de même que le pape n'est qu'informé de la nomination des évêques.

3.3   Un clergé fonctionnaire de l’État

À la fois par leur mode de désignation, par leur circonscription, par leur rémunération (établie par le titre III de la Constitution), les membres du clergé deviennent ainsi des fonctionnaires de la nation nouvelle.

4   UNE LOGIQUE DE RATIONALITÉ…

La Constitution civile du clergé s'inscrit dans une logique de totale réorganisation de l'État, une réorganisation à la fois géographique et administrative déterminée par une certaine rationalité. Elle procède également d'un désir de réformer profondément les comportements du haut clergé dont les abus ont été vivement dénoncés dans les cahiers de doléances du tiers état ainsi que par de nombreux curés depuis 1789.

Déjà, une littérature antireligieuse dénonçant les perversités du clergé s'est constituée comme un genre à part au siècle des Lumières, genre dont Voltaire (Candide, Zadig, l'Ingénu), Diderot (la Religieuse), Marivaux et, à leur suite, des écrivains libertins tels Charles Pinot Duclos ou Boyer d'Argens ont été les promoteurs. En 1790, la fermeture des couvents donne lieu à une série de récits racontant le soulagement des filles enfermées contre leur volonté ou ironisant sur le désespoir des moines gras privés du confort de leur oisiveté légendaire.

Choix politique, la Constitution civile du clergé est aussi une nécessité économique. En effet, l’abolition de la dîme et la mise à la disposition de la nation des biens de l'Église proposée ont privé l'Église de France de ses richesses et de ses revenus. Il faut donc impérativement pallier cette suppression par un nouveau système. Les débats sont houleux à l’Assemblée et suscitent de nombreux échos dans les presses progressiste et conservatrice.

5   …VIVEMENT CONTESTÉE

Le roi Louis XVI est l’un des premiers à manifester son désaccord avec l’adoption de la Constitution civile du clergé de France. Le 22 juillet 1790, peu après la fête de la Fédération — qui marque, aux yeux de tout un peuple, la régénération de la France sous le triple signe de la nation, de la loi et du roi —, il pose son veto royal à l’application du statut. Il ratifie finalement le texte le 24 août suivant.

Au sein du clergé, la Constitution suscite rapidement les plus vives oppositions. Dans un premier temps, ce sont des refus spontanés de prêter serment à la nation et à la Constitution ; les prêtres veulent ne tenir leur fonction que de Dieu ou de l'Église. La France se scinde alors en deux : les départements alpins, pyrénéens ou ceux du Bassin parisien jusqu'au seuil du Poitou donnent une majorité de prêtres « jureurs « (ou « constitutionnels «) ; en revanche, ceux de l'Ouest et du Centre, ceux des frontières du Nord et de l'Est connaissent massivement le phénomène des « insermentés « (ou « réfractaires «). Paradoxalement et afin d’éviter la vacance des cures et les tensions locales, ces derniers sont toutefois tolérés jusqu'en 1792. Il n’en demeure pas moins que de nombreux évêques dépossédés choisissent la voie de l'émigration.

Dans un second temps, le refus de la Constitution civile du clergé devient massif car le pape Pie VI la condamne par le bref Quod Aliquantum du 10 mars 1791, confirmé par une seconde déclaration le 13 avril. Le chef spirituel de l'Église ôte toute légitimité théologique aux « assermentés « élus et aux nouveaux découpages diocésains. Il réaffirme avec netteté sa prééminence en matière de religion, à la fois sur le plan spirituel et temporel ; il dénonce la rupture d'une alliance conclue depuis 1516 entre le Saint-Siège et la « fille aînée de l'Église « (voir concordat de Bologne). Pie VI déplore enfin de voir la religion catholique abaissée au niveau de « l'hérésie protestante « ou du judaïsme « tueur du Christ «.

Ainsi, à la fois pour des raisons politiques, économiques et théologiques, la Constitution civile du clergé devient très rapidement l'un des abcès de fixation de la contre-révolution ; elle va permettre de mobiliser contre la République les paysans de l'Ouest vendéen et breton (voir guerre de Vendée et chouannerie). Devenue un symbole de fracture de la nation, la Constitution civile du clergé est solennellement abrogée par Napoléon Bonaparte lorsque sont signés (15 juillet 1801) puis promulgués (18 avril 1802) les articles organiques du clergé français, avec l'aval du pape Pie VII.

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